Page images
PDF
EPUB

sailles et détenus seulement en garantie de la satisfaction demandée. On rapporte que c'est ce qui s'est fait en 1754 et qu'aucune prise ne fut positivement condamnée ou partagée avant la déclaration de guerre à cette époque. On dit qu'une déclaration est nécessaire pour ce que les écrivains appellent une guerre solennelle; mais l'usage des nations dans tous les temps a été de commencer les hostilités autrement. Ici le roi a eu coutume de faire, en matière de guerre contre les nations étrangères, ce que peut faire l'autorité suprême de toute autre nation. C'est pourquoi, si vous pouviez, sans vous déranger, ordonner des recherches, je serais extrêmement heureux de connaître la ligne de conduite qui a été suivie particulièrement depuis la révolution relativement à ce sujet, c'est-à-dire à l'envoi aux navires du roi d'ordres de faire des prises, à la remise de commissions à des corsaires, de lettres de marque et de représailles, à la proclamation de pareilles mesures, au partage des prises aux capteurs, antérieurement à la déclaration de guerre. »

[ocr errors]

36. L'objet d'une proclamation de guerre, dans le sens dans lequel ce terme est employé pour signifier l'annonce publique des hostilités de la part d'une puissance souveraine pour l'information et l'instruction de ses sujets, par opposition à la notification directe des hostilités faites à l'État contre lequel la guerre est engagée, c'est de fixer la date à partir de laquelle des devoirs spéciaux incombent aux sujets de la puissance belligérante à l'égard de l'ennemi. Après que la guerre est proclamée, aucunes relations pacifiques de quelque nature que ce soit ne peuvent être entretenues entre les sujets respectifs des puissances belligérantes, si ce n'est en vertu de licence ou de convention. Tout commerce est suspendu, aucun contrat n'est légal, aucune créance n'est exigible, aucun procès ne peut être soutenu par ou contre un ennemi devant les tribunaux municipaux de l'un ou de l'autre État. « Ex natura belli commercia inter hostes cessare non est dubitandum »: dit Bynkers

hoek, 'et Valin en parle comme d'un point hors de contestation en son temps. Mais il n'y a pas nécessité absolue qu'une proclamation de guerre ait eu lieu pour établir la qualité légale d'ennemi étranger contre un sujet d'une autre puissance. Sous le règne de la reine Elizabeth on regarda comme suffisant de constater que l'état de guerre existait de fait entre la couronne d'Angleterre et celle d'Espagne et que les Espagnols étaient actuellement ennemis de la Reine, pour rendre un sujet espagnol incapable de poursuivre un sujet anglais pour dette devant un tribunal anglais. De même en France un tribunal d'une juridiction compétente décida, le 13 mai 1757, qu'il y avait état de guerre entre la France et l'Angleterre le 29 octobre 1755, en raison des actes d'hostilité commis par des croiseurs anglais contre des navires français, quoique la guerre n'eût pas été déclarée par l'Angleterre avant le 17 mai 1756. De même encore, la guerre entre les États-Unis d'Amérique et le Mexique en 1846 commença par un conflit de troupes armées sur le territoire en litige, et sans déclaration de l'une ou de l'autre part; et le Congrès des États-Unis passa un acte qui réconnut subséquemment l'existence de la guerre. Un état de guerre peut ainsi exister entre deux pays à l'égard des obligations et des droits mutuels des citoyens de chaque pays en relation les uns avec les autres, sans une proclamation on apparence de proclamation, ou sans tout autre document public de nature à en constater le commencement.

2

[ocr errors]

37. On a fait observer que le droit d'hostilités entre deux nations belligérantes ne résulte pas d'une déclaration formelle de guerre, mais de l'agression d'une nation contre l'indépendance de l'autre. D'autre part, l'obligation de la neutralité entre les belligérants respectifs et les autres na

Quæst. jur. publici, Liv. I, Ch. 11.

* Hale's Pleas of the Crown, I, p. 162. — Valin, Commentaire sur l'ordonnance de la marine, Liv. III, Tit. VI, § 3, p. 457, éd. 1829.

Halleck's International law, San Francisco, 1861, p. 354.

tions ne prend naissance que lorsqu'il y a notification de l'un ou l'autre des belligérants qu'il est en guerre avec son adversaire. Une nation est tenue de porter à la connaissance des autres nations avec lesquelles elle est en rapports d'amitié le fait qu'elle est obligée de prendre les armes pour soutenir ses droits contre une autre nation, afin que ces nations puissent prendre des mesures pour prévenir leurs citoyens d'observer les devoirs de la neutralité. Dans ce but, les puissances belligérantes publient ordinairement, au commencement de la guerre, des manifestes exposant les motifs pour lesquels elles se croient justifiées de prendre les armes. Après qu'un manifeste, qui implique toujours, s'il ne la contient pas en termes précis, une déclaration de guerre, a été mis en circulation par les envoyés diplomatiques de l'État belligérant près les cours des différentes puissances neutres, les sujets de ces puissances n'ont plus la faculté de prétexter l'ignorance de l'état de guerre entre les belligérants. Un manifeste peut être regardé comme un appel ou une protestation adressée par une nation lésée à la communauté des nations. Elle doit exposer dans un langage digne la cause de sa plainte et les efforts tentés pour obtenir réparation; elle doit parler avec certaine réserve des offenses qu'elle a éprouvées, et avec certaine modération de la satisfaction qu'elle réclame. Elle doit rapporter les faits sans partialité ni animosité et énoncer les principes de droit public sur lesquels elle s'appuie pour soutenir la justice de sa cause. Elle doit s'exprimer avec respect au sujet de son adversaire, attendu qu'il est son égal; et elle doit éviter d'aigrir le différend par des expressions offensantes. En un mot, elle doit avouer le regret qu'elle a de voir d'anciens amis devenir des adversai

Un « exposé des motifs » ou un « mémoire justificatif », selon le cas, est quelquefois publié ; mais c'est un document tout à fait distinct d'un manifeste. Le gouvernement français, en 1779, publia, sous le premier titre, un document auquel le gouvernement anglais fit une réponse, sous le second titre, due à la plume de l'historien Gibbon. On les trouve dans les Nouvelles causes célèbres du droit des gens, de Ch. de Martens, I, p. 425 et 436.

res temporaires, et exprimer l'espoir d'une réconciliation sincère après le règlement du différend. « Les héros d'Homère », dit Vattel, «< s'appelaient les uns les autres avant la bataille «< chiens et ivrognes ». Les Empereurs et les Papes au moyen âge se traitaient avec aussi peu de délicatesse. Or nous pouvons féliciter notre siècle de plus d'aménité et d'humanité dans ses manières, et ne pas qualifier de vaine politesse ces ménagements, qui ont des suites bien réelles et substantielles. 1

38.- Parmi les publicistes modernes, M. Hautefeuille2 est seul à soutenir que la guerre n'est commencée régulièrement à l'égard de la nation adverse qu'après une déclaration directe de guerre, quoiqu'elle puisse être commencée régulièrement après la notification diplomatique du manifeste à l'égard des nations qui ne prennent point part aux hostilités. Il admet que Vattel et de Rayneval, qui ont soutenu la nécessité d'une déclaration en opposition aux doctrines moins rigides de Bynkershoek, de Klüber et de de Martens, accordent que la notification diplomatique d'un manifeste équivaut en effet à une déclaration directe de guerre; mais il persiste à penser que la guerre, et plus particulièrement une guerre maritime, a besoin d'être légalisée par une déclaration spéciale faite à l'adversaire. Examinons pour un moment à quelles conclusions aboutit ce raisonnement. Si le caractère de tous les actes commis avant une déclaration de guerre doivent se mesurer selon le même critérium qui s'applique à l'état de paix, alors tous les actes commis en pareilles circonstances sur la haute mer seront des actes de piraterie, et ceux qui les ont commis peuvent être traités comme hostes humani generis; mais jamais cour d'amirauté d'aucun pays n'a osé décider que les actes de parties qui sont belligérantes de facto avant une déclaration de

1 Vattel, III, § 65.

Des droits et des devoirs des nations neutres, Tit. III, Ch. 1, § 11, p. 139, éd. 1858.

guerre sont des actes de piraterie. De plus, là où il y a entre les parties un état de guerre de facto,qui ne peut être précédé d'une déclaration, comme, par exemple, dans le cas extrême d'une guerre civile, où une fraction de la nation a établi un gouvernement distinct et séparé, l'existence de l'état de guerre, dans de semblables circonstances, est de nécessité reconnu par les puissances étrangères, quoiqu'elles n'aient pas reconnu l'indépendance politique du nouveau gouvernement; et les tribunaux étrangers, en appliquant le droit des gens, ont uniformément traité chaque partie comme un belligérant, relativement à tous les actes qu'elle affirme avoir été faits jure belli. Ainsi l'existence de la guerre civile entre le peuple du Texas et les autorités et le peuple des autres États Mexicains fut reconnu par le président des États-Unis au mois de novembre 1835. Bientôt après, avis officiel fut donné au gouvernement mexicain de ce fait et de l'intention du président de maintenir la neutralité des États-Unis ; et quand la goëlette armée Invincible, naviguant sous le pavillon de la République nouvellement constituée du Texas, captura, dans le mois d'avril 1836, le brick américain Packet, sous le prétexte qu'il était chargé d'une cargaison de contrebande de guerre destinée à l'usage de l'armée mexicaine, l'attorney général des États-Unis avertit formellement le Président que l'accusation de piraterie contre l'équipage de la goëlette texienne ne pouvait être

[blocks in formation]

Par contre Burlamaqui prétend avec plus de raison, à l'égard du but réel de la déclaration de guerre et de la pratique positive des nations, que « les formalités observées par les différentes nations dans les déclarations de guerre sont arbitraires. Peu importe quelle soit la forme de la déclaration, pourvu que le souverain adverse ne l'ignore pas ». Ainsi, comme, suivant la constitution des États-Unis d'Amérique, il appartient au pouvoir législatif, et non au gou

1 Opinions of the attorneys general of the United States, vol. II, p. 1066. 2 Droit naturel, pt. IV, Ch. 4.

« PreviousContinue »