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vernement exécutif, de déclarer la guerre, une guerre ne peut être commencée régulièrement par l'Union fédérale sans un acte du congrès. L'adoption d'un acte de ce genre par le congrès est en conséquence considérée par les ÉtatsUnis comme un avis officiel adressé formellement à tout le monde et ayant droit au même respect international qu'une déclaration de guerre ou un manifeste, dont la notification rentre dans les attributions propres du gouvernement exécutif d'un État monarchique. C'est pourquoi les États-Unis, en 1812, commencèrent les hostilités actives contre la Grande-Bretagne, aussitôt que l'acte du Congrès eut été voté, sans attendre qu'on eût communiqué une notification de ses intentions au gouvernement anglais, et sans avoir publié un manifeste exposant les motifs de commencer la guerre.

39. Il importe sans doute qu'il existe une limite bien définie pour marquer le commencement de l'état de guerre entre deux nations, de manière que les actes qui doivent être considérés comme les effets de la guerre puissent être facilement distingués de ceux que chaque nation a le droit de regarder comme des injures, pour lesquelles une réparation puisse être demandée lors du règlement des conditions de paix. Mais il n'est pas toujours aisé, en fait, de tracer cette ligne de démarcation. Tant qu'il était d'usage qu'une nation fit une déclaration formelle de guerre avant de commencer les hostilités actives, rien n'était plus facile que de tracer une limite entre les actes antérieurs et ceux postérieurs à la déclaration de guerre; et il était parfois d'usage de stipuler dans les traités de paix la restitution de toutes les places et de routes les propriétés saisies avant la déclaration de guerre. On satisferait, en pareil cas, aux conditions du status ante bellum en retournant à l'état de

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1 Kent's Commentaries, vol. I, § 55.

Ante denuntiationem belli. Traité d'Utrecht entre la Grande-Bretagne et l'Espagne, en 1713, Art, 8, Schmauss, Corp. jur. gent. acad. p. 1421.

possession antérieur à la déclaration de guerre; mais dans le cas où les nations se seraient livrées à des hostilités actives avant que l'une ou l'autre eût fait une déclaration formelle de guerre, le status ante bellum ne serait pas assuré par la stipulation que les choses doivent être replacées dans l'état où elles étaient avant que la guerre eût été déclarée. Ainsi l'on peut dire que la guerre entre la Grande-Bretagne et la France, qui se termina par la paix d'Aix-la-Chapelle, commença par la bataille de Dettingen, livrée le 26 juin 1743 entre l'armée française et l'armée anglaise, cette dernière commandée par le roi en personne, ou du moins par le combat naval du 9 février 1744, dans les parages de Toulon, entre la flotte anglaise et les flottes réunies de France et d'Espagne. Cependant aucune déclaration de guerre ne fut faite avant le 20 mars 1744 par la France, ni avant le 29 du même mois par l'Angleterre, qui à cette date publia une contre-déclaration de guerre. Nous voyons en conséquence qu'il fut stipulé dans le traité d'Aix-la-Chapelle (18 octobre 1748) que «< toutes les conquêtes faites depuis le commencement de la présente guerre seront restituées aussi bien en Europe qu'aux Indes orientales et occidentales, dans l'état où elles sont à présent ». Aux termes d'un pareil arrangement, l'une et l'autre partie ne pourraient satisfaire aux conditions du status ante bellum qu'en abandonnant chacune toutes leurs conquêtes.

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40. Quand une nation déclare la guerre à une autre, dit Grotius, la déclaration devient réciproque.' C'est d'après ce principe que lord Stowell émit l'opinion qu'une déclaration de guerre de la Suède contre la Grande-Bretagne n'était pas un simple défi de la part de la première de ces

1 Wenck. Codex jur. gent., vol. II, p. 325.

Vattel a commis une méprise en parlant de cette disposition du traité d'Aix-la-Chapelle comme si elle se rapportait à toutes les prises faites avant la déclaration de guerre. L. III, § 56.

Liv. III, Ch. III, § VII, 2.

puissances à accepter ou à refuser par l'autre, mais qu'elle servait à prouver l'existence d'hostilités positives au moins d'un côté, et mettait aussi l'autre partie en état de guerre, quoiqu'elle pût juger convenable de se tenir seulement sur la défensive.' Il s'est présenté des cas où une démonstration hostile a été estimée équivaloir à une déclaration virtuelle de guerre et suffire pour justifier le recours aux armes sans une déclaration formelle de guerre.

Tel paraît avoir été le mode employé pour justifier la destruction de la flotte espagnole, à Passaro,le 11 août 1718, par la flotte anglaise, commandée par l'amiral Byng. L'ambassadeur anglais à Madrid avait préalablement averti le premier ministre d'Espagne, le cardinal Alberoni, que s'il ne renonçait pas à sa menace d'envahir la Sicile, l'Angleterre s'opposerait à l'Espagne de tout son pouvoir; et il lui avait communiqué les ordres que l'amiral anglais avait reçus pour mettre empêchement et obstacle à l'invasion. En réponse le cardinal envoya une note disant que l'amiral anglais pouvait exécuter les ordres qu'il avait reçus du roi son maître. Dans ce cas, si l'amiral anglais avait attendu que son gouvernement eût publié une déclaration formelle de guerre, l'Espagne aurait été mise à même de ruiner l'allié que la flotte anglaise avait mission de protéger. L'urgence des circonstances justifiait donc une action immédiate; et la réponse même d'Alberoni, acceptant l'alternative, pouvait être regardée comme une déclaration virtuelle de guerre. La guerre avait en effet commencé à dater de la bataille de Passaro, bien que l'Angleterre n'eût déclaré formellement la guerre à l'Espagne que le 17 décembre 1718; mais quand le traité de Madrid du 31 juin 1721 fut négocié, on stipula que tous les navires et les objets saisis par l'Espagne ou par l'Angleterre, soit avant, soit après la déclaration de guerre, seraient restitués.

The son, 3

p.

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Eliza Anne » 1. Dodson, 217. « The Nayade » 4. Ch. Robin. 554.

Schmauss, Corpus jur. gent. academicum, p. 2443.

41. Le rappel ou le renvoi d'un envoyé résident est considéré généralement comme équivalant à une déclaration de guerre, quoiqu'on rencontre de temps à autre des cas où les relations amicales ont été suspendues par cet événement, sans que la guerre en soit résultée. Dans certains traités de commerce on a introduit une clause portant que la rupture des relations pacifiques ne sera censée avoir lieu qu'après le rappel ou le renvoi des envoyés ou des ministres respectifs des parties contractantes. Pareille disposition se trouve dans le traité de Rio de Janeiro entre la Grande-Bretagne et le Portugal; dans le traité de Rio de Janeiro entre la Grande-Bretagne et le Brésil, et dans les traités conclus entre le Brésil et la France en 1826, entre le Brésil et la Prusse en 1827, et entre le Brésil et le Danemark en 1828. Voici la teneur de la clause insérée dans ces traités : » S'il survenait un malentendu, une atteinte à l'amitié, ou une rupture entre les deux couronnes (ce dont Dieu nous garde!), la rupture ne serait censée exister qu'après le rappel ou le départ de leurs agents diplomatiques respectifs. C'est là un arrangement très sage et très raisonnable, dont l'adoption générale préviendrait toute difficulté et toute contestation relativement à la date exacte du commencement juridique de la guerre. Comme la guerre met fin à tous les rapports amicaux entre les sujets des puissances belligérantes et abroge ou suspend tous les engagements contractés antérieurement par traités, il semble raisonnable que son commencement juridique soit signalé par la cessation formelle des rapports d'amitié entre les gouvernements. En l'absence d'arrangements conventionnels spéciaux à ce sujet, la règle générale à l'égard des belligérants paraît être que l'état de guerre peut exister entre eux sans déclaration de guerre de part ou d'autre. Il peut commencer avec les

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Traité de commerce entre la Grande-Bretagne et le Portugal, 19 février 1816, Art. XXXI, Martens, N. R., III, p. 213.

Traité du 17 août 1827, Martens, N. R., VII, p. 479,

hostilités mutuelles, et les conséquences légitimes de la guerre ont cours à partir du commencement immédiat de ces hostilités. Mais à l'égard des autres nations, les devoirs de la neutralité ne leur sont imposés qu'après que l'état de guerre entre les belligérants leur a été annoncé officiellement, ou qu'elles ont acquis autrement la connaissance positive de son existence. La guerre peut exister d'une façon notoire, et dans ce cas une puissance neutre n'est pas libre de refuser d'en reconnaître l'existence. D'autre part, si une tierce nation ignore de bonne foi l'existence de la guerre entre deux autres nations, dans ce cas il n'existe aucun motif fondé pour exiger d'elle l'accomplissement des devoirs, que le droit des gens attache au caractère neutre; car elle n'a pas conscience d'avoir occasion d'agir sous ce caractère. C'est en pareille ignorance bona fide de l'existence de la guerre entre la Grande-Bretagne et la France que deux navires espagnols résistèrent à l'exercice du droit de visite et de recherche par un croiseur anglais. Malgré cette résistance de leur part, résistance qui est en soi une offense d'une nature odieuse, lord Stowell ordonna de relâcher les navires espagnols, par la raison que leurs capitaines n'avaient pas conscience d'avoir des devoirs de neutralité à remplir.

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p. 247.

1 Sir W. Scott, In the « Eliza Anne », 1, Dudson, 2 La Nuestra Señora de la Caridad, 4, Wheaton, p. 497. 3 Le San Juan Bautista et la Purissima Concepcion, Ch. 5, Ch. Robinson, 34.

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