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et en 1793; et l'on a conservé dans le Codex Augusteus Saxonicus Electoralis, 2310-2367, une longue série d'édits de la dernière catégorie embrassant une période d'un siècle et demi (1548 à 1704). La pratique la plus usuelle de notre temps est qu'un prince souverain ne rappelle pas ses sujets de naissance qui résident dans le pays ennemi au commencement de la guerre; mais qu'il les laisse libres de rester à leur gré dans leur pays d'adoption, au risque, toutefois, du danger d'être regardés et traités comme des ennemis pendant tout le temps que la guerre peut durer.

45.

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Quand une nation prend les armes contre une autre nation, elle se déclare, à partir de ce moment, l'ennemi de tous les individus membres de cette dernière, et les autorise à la traiter comme telle. C'est pourquoi, au point de vue du droit naturel des gens, il semblerait que, aussitôt que deux nations se font la guerre, tous les sujets de l'une peuvent faire des actes d'hostilité contre les sujets de l'autre et leur causer tous les dommages autorisés par la pratique des nations contre les ennemis. Les anciennes déclarations de guerre étaient rédigées dans un langage du caractère le plus général : il y était recommandé à tous les sujets du souverain belligérant d'attaquer l'ennemi, de courir sus aux ennemis. Mais l'usage plus humain des États chrétiens de l'Europe a limité le devoir d'entreprendre des hostilités actives contre l'ennemi à des fonctionnaires de l'État commissionnés à cet effet, et aux soldats ou aux marins servant sous leurs ordres. « La nécessité d'un ordre particulier », dit Vattel, « est si bien établie que lors même que la guerre est déclarée entre deux nations, si des paysans commettent d'eux-mêmes quelques hostilités, l'ennemi les traite sans ménagement, et les fait pendre, comme il ferait des voleurs ou des brigands. Il en est de

1 De Martens, § 269.

* Klüber, § 240.

3 Droit des gens, L. III, § 226.

Tw. - II.

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même de ceux qui vont en course sur mer une commission de leur prince ou de l'amiral peut seule les assurer, s'ils sont pris, d'être traités comme des prisonniers faits dans une guerre en forme. »

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Nous voyons par conséquent que la rédaction des déclarations modernes de guerre a été modifiée dans le sens d'une pratique plus humaine. Ainsi la dernière déclaration formelle de guerre par la Grande-Bretagne contre l'Espagne, publiée le 2 janvier 1762, est conçue en ces termes : « Nous désirons et requérons nos généraux et les commandants de nos forces, nos commissaires chargés d'exercer les fonctions de notre grand amiral de la Grande Bretagne, nos lieutenants de nos divers comtés, les gouverneurs de nos forts et de nos garnisons, et tous les autres officiers et soldats sous leurs ordres sur mer et sur terre, de faire et d'exécuter tous actes d'hostilité en poursuite de la présente guerre contre le roi d'Espagne, ses vassaux et ses sujets et de s'opposer à leurs tentatives, désirant et requérant tous nos sujets de prendre connaissance des présentes, et leur défendant strictement d'entretenir aucune correspondance ou communication avec le dit roi d'Espagne ou ses sujets ». Vattel pense que,«<lorsque l'ancienne formule est conservée dans les déclarations de guerre modernes, la coutume doit en guider l'interprétation. L'ordre général inséré dans ces déclarations autorise, à la vérité, et oblige même tous les sujets, de quelque qualité qu'ils soient, à arrêter les personnes et les choses appartenant à l'ennemi, quand elles tombent entre leurs mains; mais il ne les invite point à entreprendre aucune expédition offensive sans commission ou sans ordre particulier ».

46.

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Une fois que les hostilités ont commencé, les ennemis sont exposés à se voir arrêtés personnellement et à

1 Martens, Précis, § 271. Klüber, § 246.

2 Droit des gens, L. III, § 227. Heffter, § 124. Ed. 1857.

avoir leurs biens confisqués, s'ils se trouvent sur le territoire d'une puissance belligérante.

Le droit romain contenait des prescriptions extrêmement dures à cet égard; car nous voyons qu'on considérait comme une loi établie, du temps de l'Empereur Justinien,' que les citoyens d'un pays qui s'en étaient allés dans un autre pays en temps de paix devenaient esclaves, si la guerre venait à éclater entre les deux pays et s'ils étaient arrêtés sur le territoire ennemi. « En droit strict », écrit le chancelier Kent, «< un État a le droit de traiter en ennemis les personnes et les biens qui se trouvent ainsi en son pouvoir, de confisquer les biens et de détenir les personnes comme prisonniers de guerre. » "Grotius est d'avis que ces personnes ne peuvent être détenues comme prisonniers de guerre que jusqu'à la fin des hostilités, par la raison qu'il est légitime d'affaiblir la puissance de l'ennemi en détenant ses sujets tant que la guerre continue; mais dès que les hostilités ont cessé, rien ne s'oppose raisonnablement à ce qu'ils soient mis en liberté, puisqu'on ne peut leur reprocher d'avoir fait aucun mal. ' Bynkershoek, tout en reconnaissant à une puissance belligérante le droit d'arrêter et de détenir les sujets ennemis qui peuvent se trouver sur son territoire au commencement de la guerre, dit que ce droit était rarement exercé de son temps : « Captura autem, quamvis apud Romanos etiam exercita sit adversus

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Dig. XLIX, Lib. XV, § 12. Verum in pace qui pervenerunt ad alteros, si bellum subito exarsisset, eorum servi efficiuntur, apud quos jam hostes suo facto deprehenduntur.

Kent's Commentaries, L. I, § 56.

• In pace postliminium, nisi aliter convenerit, est his qui non virtute bellica superati, sed fato suo deprehensi sunt, ut qui, cum bellum subito exarsit, apud hostes reperiuntur, L. III, C. 9, § IV, 1. - At de his qui bello exorto deprehensi erant, dici idem non poterat, nam in illis nullum injuriæ consilium fingi poterat. Tamen ad minuendas hostium vires retineri eos manente bello non iniquum videbatur; bello autem composito mihil obtendi poterat, quominus dimitterentur. Itaque consensum in hoc est, ut tales in pace semper libertatem obtinerent, ut confessione partium innocentes. Ibid., § IV, 3.

eos qui tempore belli exoriuntis in alterius imperio inveniebantur, hodie quamvis exerceri possit, raro tamen exercetur. » Bynkershoek pense que la mansuétude à l'égard de sujets ennemis en de pareilles circonstances est une concession faite à l'humanité, à moins qu'elle n'ait été l'objet d'une stipulation expresse dans des traités; et que toutes les fois qu'un traité, par une stipulation spéciale, assure aux sujets d'une puissance belligérante un intervalle de temps suffisant pour leur permettre de se retirer et de mettre leur personne et leurs biens en sûreté hors du territoire ennemi, ils pourront être de droit faits prisonniers de guerre et leurs biens confisqués, s'ils ne se sont pas retirés du territoire ennemi dans le délai fixé par le traité.

477.

- D'autre part, des écrivains éminents ont soutenu que tous ces traités qui contiennent des stipulations accordant, après le commencement de la guerre, un délai raisonnable aux sujets d'une puissance belligérante pour se retirer, personne et biens, du territoire ennemi, ne sont qu'autant d'affirmations du droit commun ou du droit public européen. Ainsi, en commentant divers traités de commerce modernes et, entre autres, le traité conclu entre la France et les États-Unis d'Amérique le 5 février 1778, par lequel il est stipulé que dans le cas où la guerre éclaterait entre les deux nations, un délai de six mois après la déclaration de guerre serait accordé aux commerçants de l'une et l'autre nation, dans les villes et les endroits où ils habiteraient, pour ramasser et transporter leurs marchandises, et que si dans l'intervalle ils éprouvaient quelque tort ou quelque injure de la part des citoyens ou des sujets de l'une ou de l'autre des parties contractantes, il leur serait fait pleine et entière satisfaction. Emérigon fait observer « que de sem

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1 Quæst. jur. publici, L. I, Ch. 3.

2 Martens, Recueil, II, p. 596. « Afin de promouvoir d'autant mieux le commerce des deux côtés, il est convenu que, dans le cas où la guerre surviendrait entre les deux nations susdites, il sera accordé six mois

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blables traités ne sont rien de plus que la consécration du droit commun. « En effet », dit-il, «< celui qui, se reposant sur la foi publique, vient chez nous faire du commerce, ou pour une autre cause légitime, ne doit pas être traité en ennemi, simplement parce que la guerre éclate entre sa nation et la nôtre.» Vattel s'exprime dans le même sens : « Le souverain, qui déclare la guerre, ne peut retenir les sujets de l'ennemi qui se trouvent dans ses États au moment de la déclaration, non plus que leurs effets. Ils sont venus chez lui sur la foi publique en leur permettant d'entrer dans ses terres et d'y séjourner; il leur a promis tacitement toute liberté et toute sûreté pour le retour. Il doit donc leur marquer un temps convenable pour se retirer avec leurs effets, et s'ils restent au delà du terme prescrit, il est en droit de les traiter en ennemis, toutefois en ennemis désarmés. Mais s'ils sont retenus par un empêchement insurmontable, par une maladie, il faut nécessairement, et pour les mêmes raisons, leur accorder un juste délai. Loin de manquer à ce devoir, aujourd'hui on donne plus encore à l'humanité, et très souvent on accorde aux étrangers, sujets de l'État auquel on déclare la guerre, tout le temps de mettre ordre à leurs affaires. Cela se pratique surtout envers les négociants, et l'on a soin aussi d'y pourvoir dans les traités de commerce. Le roi d'Angleterre a fait plus que cela dans sa dernière déclaration de guerre contre la France: il a ordonné que tous les Français qui se trouvaient dans ses États pourraient y demeurer avec une entière sûreté pour leurs effets, pourvu qu'ils s'y comportassent comme ils le devaient. »

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Les observations de Vattel sont également applicables à la déclaration formelle de guerre, qui suivit immédiatement,

après la déclaration de guerre aux marchands dans les villes ou cités qu'ils habitent, pour rassembler et transporter leurs marchandises. » Art. XX. De Clercq, Traités de la France, t. XV, p. 101 et suiv. Vattel publia son ouvrage en 1758; par conséquent il fait allusion à la déclaration de guerre de l'Angleterre contre la France du 17 mai 1756.

1 Droit des gens, L. III, § 63.

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