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cepter ces marchandises dans le cours de leur trajet sur la haute mer vers les ports d'une puissance ennemie et de les confisquer pour son propre emploi. Le droit de transport par les neutres et celui de saisie par le belligérant adverse sont des droits contradictoires, et aucune des parties ne peut accuser d'un acte criminel celle qui exerce l'un ou l'autre. Selon cette manière d'envisager le droit commun, qui est sanctionnée par les plus hautes autorités, ce serait se faire une idée erronée des relations juridiques entre les États belligérants et les États neutres que d'admettre qu'une puissance belligérante, en l'absence d'engagements conventionnels spéciaux avec une puissance neutre, ait droit de se plaindre de ce que celle-ci n'exerce pas son autorité pour empêcher le commerce de ses sujets avec le belligérant adverse. Le belligérant, pour me servir du langage d'un juge éminent de la Cour suprême des États-Unis, doit se contenter d'intercepter le commerce des neutres, et n'a aucune plainte à adresser à la puissance neutre, pas même lorsqu'un commerçant, dont le navire a été capturé, parvient à le faire échapper d'entre les mains du capteur et à l'amener dans un port de son propre pays ou dans un port ami.

Les faits historiques, que l'auteur s'est appliqué à passer en revue, autant qu'il en a eu l'occasion, dans les pages qui suivent, établissent le fait matériel que les principes essentiels de la législation concernant les prises étaient compris il y a quatre cents ans presque dans le même esprit qu'ils le sont aujourd'hui, et que les règles qui formulaient alors l'application de ces principes avaient été rédigées avec un soin particulier et en tenant compte spécialement des pratiques et des usages qui régissaient anciennement la matière. Ainsi l'expérience des siècles atteste l'existence de lois, que les nations belligérantes respectent même au moment de la victoire, et dont l'influence salutaire a été secondée par des concessions équitables, que les belligérants ont eu la sagesse de faire successivement en les appliquant. Les nations ne peuvent jamais renoncer absolument aux droits de la guerre ;

car ce sont des droits naturels, auxquels chaque nation peut, par des circonstances d'un caractère extrême, être forcée d'avoir recours; mais l'exercice de ces droits peut en tout temps se modérer; et c'est par cette modération que les nations qui prétendent être l'avant-garde du monde civilisé dans les arts de la paix sont tenues de donner l'exemple aux autres nations en temps de guerre.

Oxford, 18 juin 1863.

PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION

La présente édition contient très peu de matière nouvelle, relativement à l'ensemble de l'ouvrage. Des corrections et des additions ont été faites aux endroits où il était nécessaire de mettre le texte d'accord avec les changements survenus dans la situation politique de l'un et de l'autre hémisphère, ou de le maintenir au niveau du progrès des lumières sur d'autres sujets; mais l'auteur ne s'est nullement départi des principes qu'il a déclaré, dans sa première édition, être le fondement des droits et des devoirs des nations en temps de guerre. Cependant il a considéré qu'il y aurait avantage pour le lecteur à ce que les résultats des dix dernières années fussent passés sommairement en revue dans un chapitre spécial en forme d'introduction, et que les doctrines modernes au sujet de la guerre, soutenues par d'éminents publicistes européens, fussent brièvement discutées en ce qui concerne le véritable intérêt du belligérant, qui consiste à se faire rendre satisfaction par son ennemi, tout en lui faisant le moins de mal irréparable. La perte de vies humaines et la perte de territoire sont de cette dernière nature; mais la destruction des biens peut se réparer. La guerre présuppose toujours le sacrifice d'un certain nombre d'existences; mais la civilisation du siècle actuel s'efforce constamment d'atténuer ce sacrifice, et la manière dont les guerres ont été menées pendant les dix dernières années a montré que ces efforts ont réussi sous plus d'un rapport. D'un autre côté, en

ce qui regarde le territoire, l'annexion n'en est pas nécessaire pour atteindre le but légitime de la guerre, lorsqu'elle a pour objet d'obtenir la réparation d'un tort; et quand les États sont limitrophes, ces annexions portent en soi le germe de guerres ultérieures. On peut parfois les justifier comme sauvegarde contre le renouvellement des offenses; mais dans la plupart des cas c'est dans le suffrage des populations des territoires annexés que l'on a cherché la justification des importantes annexions qui ont résulté des guerres des dix dernières années. C'est là un trait remarquable de la façon dont se fait la guerre dans les temps modernes, d'autant plus que la doctrine nouvelle, qui considère la guerre comme une modification des relations entre les gouvernements seulement, et non entre les nations, est de nature à détacher la population d'un pays envahi de la cause de son gouvernement, et à en faciliter l'acquisition à la fin de la guerre en faisant appel au suffrage de la population. L'auteur, dans l'introduction qui suit, a indiqué les phases compliquées de la diplomatie, alliée au vote populaire, qui ont amené l'unification du royaume d'Italie et la formation de la nouvelle Confédération de l'Allemagne sous le titre d'Empire d'Allemagne. Il a aussi jugé utile d'ajouter comme appendice à l'ouvrage les traités et les actes internationaux des dix dernières années, qui affectent particulièrement les droits et les devoirs des nations en temps de guerre.

En les parcourant on verra que les gouvernements de l'Europe agissent constamment de concert en vue d'adoucir les pratiques de la guerre, et manifestent de plus en plus leur conviction qu'il convient que les belligérants abandonnent certains modes de porter atteinte à la vie et aux biens de l'ennemi, soit parce qu'ils ne sont pas autorisés par les nécessités de la guerre moderne, soit parce qu'ils ne contribuent pas directement aux fins d'une guerre légitime dans une mesure proportionnée aux souffrances qu'ils peuvent causer. L'auteur est convaincu que les principes juridiques sur lesquels reposent les usages actuels de la guerre sont de

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