Page images
PDF
EPUB

241

LE

DROIT DES GENS

OU DES NATIONS

CONSIDÉRÉES COMME COMMUNAUTÉS POLITIQUES INDÉPENDANTES

II

DES DROITS ET DES DEVOIRS DES NATIONS

EN TEMPS DE GUERRE

PAR

Sir TRAVERS TWISS

Docteur en droit et ancien Professeur de droit romain à l'Université d'Oxford,
Membre de la Société royale de Londres, Membre de l'Institut de droit
international, et Conseiller en droit de Sa Majesté la Reine.

NOUVELLE ÉDITION REVUE ET AUGMENTÉE

SUIVIE D'UN APPENDICE, COMPRENANT LE CONGRÈS DE PARIS (1856),
LA CONVENTION DE GENÈVE (1864), LES CONFÉRENCES DE Londres
(1871), ETC.

LA

PARIS

A. DURAND ET PEDONE-LAURIEL, ÉDITEURS
LIBRAIRES DE LA COUR D'APPEL ET DE L'ORDRE DES AVOCATS
G. PEDONE-LAURIEL, SUCCESSEUR

13, RUE SOUFFLOT, 13

1889

PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

L'auteur, en traitant des droits et des devoirs des nations en temps de guerre, a tâché, autant que le sujet le lui permettait, d'observer la même méthode d'investigation qu'il avait trouvée éminemment convenable pour discuter les droits et les devoirs des nations en temps de paix; c'est pourquoi il a cherché à constater, sous chacun de ces titres, les principes essentiels qui servent de base au droit, au moyen de l'analyse historique des usages qui ont prévalu chez les nations à différentes époques, attendu que dans la plupart des cas c'est dans la pratique la plus ancienne qu'on découvre quelque principe général, basé sur une appréciation absolue du droit des belligérants, et dont l'application a été progressivement modifiée par la pratique moderne, soit sous l'influence civilisatrice du commerce, soit par déférence à quelque droit des neutres avec lequel il ne pouvait s'accorder.

Si l'on suit avec soin le progrès de ces modifications, on voit que le commerce a exercé son influence civilisatrice, surtout sous forme d'engagements formels contractés par des traités, conclus en temps de paix dans l'intention bien arrêtée de seconder les intérêts mutuels des parties contractantes; tandis que la conciliation du droit des belligérants avec le droit adverse des neutres a été, dans la plupart des cas, le résultat d'un accord tacite entre les neutres et les belligérants, l'acquiescement des neutres s'achetant chaque fois au prix de concessions de la part des belligérants

Tw. - II.

1

d'une assez grande importance pour la paix générale du monde.

L'histoire, en tant qu'elle se rapporte aux droits de la guerre, est, à vrai dire,la philosophie enseignant par l'exemple; et plus l'examen historique est étendu et complet, plus la conclusion s'impose d'une façon irrésistible: que l'emploi de la force des nations pour faire respecter le droit entre elles est devenu l'objet de règles conformes à la raison et ayant en vue le bien général.

La guerre, regardée comme le suprême recours pour obtenir justice entre les nations, a pour but final de redresser une offense passée, ou de prévenir une offense future, et le mode dont usent les forces belligérantes pour y parvenir, consiste à prendre un gage (pignoratio) de celui qui a commis l'offense, en d'autres termes à saisir ses biens. La guerre implique donc nécessairement une action directe de la force contre la propriété, tandis qu'elle n'entraîne qu'accidentellement l'emploi de la force contre la personne des individus en raison de la résistance, qu'ils peuvent opposer à l'acte de la prise du gage sur l'offenseur. Une déclaration de guerre signifie en effet qu'une nation est résolue de vaincre toute résistance qu'on pourra opposer à sa demande de satisfaction; mais si la saisie des biens de l'ennemi est un moyen nécessaire d'obtenir réparation auquel aucun belligérant ne saurait renoncer, les mesures à adopter pour vaincre la résistance sont susceptibles de modifications à l'infini; or à cet égard notre civilisation est en progrès sur le XVII et le XVIIIe siècle, et il est à espérer que notre siècle sera, à son tour, laissé en arrière par ceux qui le sui

vront.

Relativement aux droits que l'état de guerre fait naître entre les sujets de deux puissances belligérantes, la douceur croissante des mœurs modernes, jointe à cet instinct de la nature humaine qui nous porte à plaindre chez autrui ce que nous craignons pour nous-mêmes, a insensiblement apporté des restrictions à l'exercice rigoureux de ces droits;

« PreviousContinue »