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se préparant à resserrer la place de Mayence, sur la rive gauche du Rhin, dès qu'il en serait temps.

Enfin le corps du général Watrin, renforcé de la brigade Goullu, se tenait au camp en avant du village de Plaidt, afin de suivre le mouvement de Hoche sur la rive droite et de former l'investissement, sur cette rive, d'Ehrenbreitstein et de Mayence.

Tout était donc disposé pour l'exécution du plan projeté par Hoche, et déjà le mouvement de Championnet, commencé le 15 avril, en découvrait une partie. Werneck, le pénétrant à peu près, avait résolu de développer toutes ses forces entre Altenkirchen et Dierdorf, pour faire face de tous côtés. Il avait, en conséquence, prescrit à Kray de ne laisser à Neuwied que six bataillons et cinq escadrons, et de venir, avec le reste de ses troupes, à Dierdorf. Au moment où cet ordre s'exécutait, Hoche donnait les dernières instructions pour le passage du Rhin, qui devait avoir lieu dans la nuit du 17 au 18 avril.

Le 18, à trois heures du matin, Lefebvre passa le Rhin sur les ponts de Neuwied, avec les deux divisions de l'aile droite, que précédaient les chasseurs de Richepanse. Il forma immédiatement ses troupes en bataille, dans la plaine, au-dessus de la tête de pont, vis-à-vis de l'île d'Urmitz. Grenier le suivit avec le centre de l'armée de Sambre-et-Meuse, les hussards de Ney marchant en tête des deux divisions d'infanterie. Grenier se déploya à la suite de l'aile droite, appuyant sa droite à la gauche de Lefebvre, et sa gauche à la ville de Neuwied, neutralisée, comme on s'en souvient, par une convention conclue, en 1796, entre Kleber et Kray.

Ainsi disposés, les deux corps que Hoche venait de transporter sur la rive droite du Rhin occupaient la corde de l'arc de cercle que ce fleuve décrit entre Urmitz et Neuwied. Ils se trouvaient, de plus, sur une ligne à peu près parallèle à la route qui mène de Heddesdorf à Engers, sur laquelle l'ennemi avait établi six redoutes. La ligne passant par les saillants de ces redoutes formait la ligne des avant-postes autrichiens; elle était à peine à 1,250 ou 1,300 mètres de notre front de bataille.

Le général Kray n'avait rien tenté pour empêcher le passage du Rhin. Hoche pensa ou qu'il n'était plus là, ou qu'il l'attendait de pied ferme en arrière de ses redoutes. Il hâta

donc la marche de l'infanterie de Watrin (') et de la cavalerie de réserve du général d'Hautpoul (3), afin d'être prêt à toute éventualité.

Quand Werneck avait vu Championnet s'établir au-delà de la Sieg et menacer Altenkirchen, il avait compris que Hoche déboucherait par Neuwied et essayerait de le tourner. Il prescrivit alors à Kray de revenir en toute hâte vers Neuwied et d'y arrêter les Français assez longtemps pour lui donner la facilité de battre Championnet. En conséquence de ces ordres, Kray avait marché une partie de la nuit, pour venir, avec la plus grande quantité de troupes possible, de Dierdorf à Heddesdorf.

A six heures du matin environ, il arrivait en arrière de la ligne des redoutes du Rhin, et vers huit heures il se disposait à attaquer, ce que n'avaient pu faire, avant son apparition, les six bataillons et les cinq escadrons qu'il avait laissés à Heddesdorf et dans les redoutes.

A huit heures, en effet, ces redoutes ouvrirent contre nos lignes un feu épouvantable. Hoche donna immédiatement le signal de l'attaque. L'infanterie de Lefebvre, appuyée par l'artillerie légère et les chasseurs, emporta promptement trois redoutes qui se trouvaient devant elle; mais, à la gauche, Grenier rencontra, dans le village fortifié de Heddesdorf et dans les deux redoutes voisines, une résistance qu'il ne put vaincre du premier coup.

Alors Ney, qui était en position en avant de Neuwied, lança le 2e hussards entre les deux redoutes qui battaient la tête de pont, et se jeta lui-même, avec le 3o et le 4 hussards, entre Heddesdorf et la redoute située à sa droite. Il tailla en pièces l'infanterie qui gardait les intervalles, lui enleva des prisonniers, des canons, et, tombant ensuite sur les masses qui couvraient Heddesdorf, il les refoula dans les gorges de Braunsberg. L'en

(') Watrin, né à Beauvais (Oise) en 1772, entra au service comme simple soldat ; adjudant général en 1794; général de brigade à l'armée de Sambre-et-Meuse ; général de division à la bataille de Novi (15 août 1799); succombe à Saint-Domingue, en 1800, aux ravages de l'épidémie.

(2) D'Hautpoul (Jean-Joseph), né en 1774 au château de Salette (Haute-Loire); colonel du 6e chasseurs en 1793; général de brigade le 7 novembre 1794; général de division le 16 octobre 1796; mort des suites des blessures reçues à Eylau le 8 février 1807.

nemi, chassé de ses positions, cherche à s'emparer des bois qui s'étendent entre Wölpersberg et Meimborn, ainsi que de la route et des défilés qui conduisent à Neuwied. Déjà deux fortes colonnes autrichiennes, soutenues par une cavalerie et une artillerie nombreuses, allaient s'y établir, lorsque Ney, ramenant ses hussards, fond sur elles avec la rapidité de l'éclair, les rompt et sabre tout ce qui ne fuit pas devant lui.

Poursuivant sa course victorieuse, Ney vint prendre position sur la route de Dierdorf, au débouché des gorges, à hauteur de Ruscheid.

Ce mouvement audacieux des hussards renfermait l'ennemi resté aux prises avec notre infanterie, dans la plaine de Neuwied. Kray, comprenant le danger, fit de nouvelles tentatives pour s'emparer des bois. Des colonnes d'infanterie plus considérables que les premières s'avancèrent; mais elles ne purent déboucher les hussards, exaltés par la victoire, les continrent.

Sur ces entrefaites, l'infanterie de Grenier arriva au secours de Ney. Les bataillons autrichiens s'enfuirent en désordre dans toutes les directions; et, le soir même, la division de hussards couchait à Dierdorf, après avoir contribué de la manière la plus brillante au gain de cette bataille, qui prit le nom de bataille de Neuwied.

Tandis que Grenier et Ney chassaient les Autrichiens de Dierdorf, Lefebvre poursuivait l'aile gauche de Kray, et la menait tambour battant à Bendorf d'abord, puis la rejetait sur Montabaur, où il s'installait.

Ce même jour, 18 avril, Championnet attaquait Altenkirchen, remportait sur Werneck une victoire complète et l'obligeait à se retirer précipitamment sur Hachenburg.

L'armée autrichienne du bas Rhin se trouvait coupée en trois tronçons l'un, poursuivi par Lefebvre, se dirigeait sur Limburg, où il voulait passer la Lahn; l'autre, pressé par Grenier et Ney, se portait à Hachenburg, où se rendait également le troisième, chassé d'Altenkirchen par Championnet.

Dans ces conjonctures, Hoche, pressant l'exécution de son plan primitif, ordonna à Lefebvre de gagner Limburg et d'y franchir la Lahn; à Grenier d'aller, par le chemin le plus court, de Dierdorf à Weilburg. Ney devait continuer à harceler l'ennemi,

tandis que Championnet s'avancerait sur Hachenburg, Herborn et Wetzlar. Il était, par conséquent, encore possible d'envelopper le corps aux ordres de Werneck, qui voulait se réunir à Neukirch, mais tardait beaucoup trop à gagner Wetzlar et à se mettre à l'abri derrière la Lahn.

Le 19 avril, Lefebvre marcha de Montabaur sur Hadamar, s'empara de Limburg et poussa ses avant-postes au-delà de la Lahn, jusqu'à Selters; la réserve d'infanterie du général Watrin se porta, partie sur Nassau, partie sur Limburg; Grenier, ne prenant avec lui qu'une seule division, alla de Dierdorf à Molsberg, chassa de cette dernière ville les détachements autrichiens qui la défendaient, fit de nombreux prisonniers et s'empara d'une grande quantité de bagages. L'autre division du centre, commandée par le général Olivier, s'avança, avec les hussards de Ney, de Dierdorf à Hachenburg, où elle se joignit à l'aile gauche, que Championnet y avait amenée. Après s'être emparé de tous les approvisionnements de farine, de pain, de foin et d'avoine qui se trouvaient à Hachenburg, Championnet porta les deux divisions d'infanterie de l'aile gauche et la division de dragons à Kirburg, la division des hussards de Ney à Niederndorf, et il échelonna la division Olivier entre Alpenrod et Hachenburg.

L'ennemi, cédant partout le terrain, s'était retiré en arrière de la Schwarze-Nister, dans les positions qui entourent Neukirch. Championnet résolut de l'en déloger, et il mit toutes ses forces en mouvement le 20 avril au matin.

L'aile gauche entière, précédée des hussards de Ney, auxquels on avait adjoint deux régiments de dragons, s'engagea donc, de très-bonne heure, sur la grande route de Kirburg à Herborn. Les éclaireurs, en arrivant à la Schwarze-Nister, ne trouvèrent aucun poste autrichien ; ils gagnèrent Neukirch sans rencontrer l'ennemi, qui, d'après les renseignements fournis par les habitants, battait en retraite sur Herborn et Wetzlar.

Averti de cette circonstance, Ney pressa sa marche et tomba bientôt sur les arrière-gardes qui suivaient la grande route. Il escarmoucha assez vivement jusqu'au bois de Roth, où le général Werneck avait établi un gros poste, afin de retarder la poursuite des Français. La marche de Ney fut arrêtée. Le 2o hussards,

qui s'avançait par la route, était suivi, à une certaine distance, du 3° et du 4 hussards, qui marchaient en bataille dans les plaines à droite et à gauche. Ce régiment ayant engagé la charge, l'ennemi se retira avec précipitation dans le bois de Roth, où se trouvait une batterie de canons, protégée par deux bataillons d'infanterie.

Quand le 2o hussards arriva près de l'entrée du bois, il reçut une décharge à mitraille. Il avança cependant et mit en déroute plusieurs pelotons de cavalerie, qui avaient essayé de s'élancer sur lui. Le feu de l'infanterie, succédant aux décharges de l'artillerie, lui causa le plus grand mal et ne lui permit pas de passer outre. Ney prévint alors Championnet, qui, au bruit du combat, était accouru avec de l'infanterie. On retira le 2o hussards, que remplacèrent bientôt deux bataillons légers, et l'on dirigea le 3o hussards sur Driedorf, pour tourner les Autrichiens par leur gauche. Ce mouvement détermina l'évacuation du bois de Roth. Les troupes ennemies qui s'y étaient embusquées allèrent prendre position à Hirschberg. Ney, avec le 4 hussards et un détachement d'infanterie, les y suivit, les en chassa et les rejeta sur Fleisbach. L'ennemi s'établit sur les hauteurs qui dominent cette ville; mais le 4o hussards, où Pajol combattait avec sa bravoure habituelle, étant survenu, le désordre se mit dans les corps autrichiens, qui repassèrent tous la Dill et se rendirent à Wetzlar par la grande route de Herborn.

Nos hussards ne lâchèrent pas prise : ils franchirent aussi la Dill à Sinn et continuèrent la poursuite jusqu'à Aslar, où la nuit les força de s'arrêter. Ney avait fait suivre le mouvement du 4° hussards par un de ses régiments, qui avait aussi marché sur la rive gauche de la Dill, tandis que l'autre longeait la rive droite. En sorte que la division entière des hussards campa, le 20 avril au soir, à Aslar, Werdorf et Berghausen. Toute l'infanterie de l'aile gauche vint se placer un peu en arrière; tandis que la division Olivier, marchant par Rennerod, Mengerskirchen et Beilstein, s'établissait entre Edingen, Greifenstein et Katzenfurth.

Ce même jour, l'armée de Rhin-et-Moselle avait franchi le Rhin. Moreau entrait donc en ligne ; Latour ne pourrait porter secours à Werneck, dont Hoche aurait facilement raison, et

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