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qui définissent le domaine de la religion elle-même. Il a d'abord pour objet la connaissance et le jugement de la doctrine, l'administration des sacrements, l'octroi des prières et de toutes les grâces spirituelles, et sanctionne ses prescriptions par la condamnation au jeûne et à la prière, et par l'excommunication. Il embrasse, en second lieu, les rapports des membres du clergé entre eux, le règlement de leurs attributions, leur surveillance, et en un mot, toute la discipline de l'Église, et a pour armes, indépendamment des peines spirituelles, les interdits et les destitutions.

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Les évêques, dans les premiers temps du christianisme, se renfermèrent en effet, dans l'administration et le règlement des choses religieuses. Mais bientôt le respect même qu'inspiraient ces premiers pasteurs entraîna les fidèles à implorer leur intervention charitable dans les contestations d'intérêt purement teinporel. «Persuadés qu'arrêter et étein«dre des procès, c'était prévenir et épargner bien << des fautes, et quelquefois des crimes, les plus grands évêques de l'antiquité se faisaient un devoir de « donner à ce soin un temps considérable. La sagesse et l'équité de leurs jugements leur concilièrent la plus grande vénération; les empereurs « chrétiens, et, à leur exemple, les autres princes « les favorisèrent de tout leur pouvoir, ils en ap« puyèrent l'exécution de toute leur autorité; l'Église <«< acquit ainsi des tribunaux, avec l'appareil et les << formes judiciaires. » (Voy. Merlin, Répert., Official.)

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16. Ce fut là l'origine des tribunaux ecclésias

V.

tiques qui portaient le nom d'officialités. A mesure que la juridiction ecclésiastique s'étendait et que l'exercice en devenait, par conséquent, plus difficile et plus laborieux, le zèle des prélats se refroidissait; et ils se déchargeaient de la fonction de juge entre les mains d'ecclésiastiques de leur diocèse. Cette délégation, d'abord volontaire, devint d'un usage tellement général qu'on finit par considérer l'exercice direct de leur juridiction comme interdit aux évêques. (Voy. ibid. loc. cit.)

L'official, c'est-à-dire le juge siégeant dans chaque officialité, avait, indépendamment de ses officiers ministériels, un promoteur dont les fonctions consistaient à veiller au maintien de l'ordre dans le domaine du clergé, et à faire informer d'office contre les infracteurs des lois et de la discipline ecclésiastiques.

La hiérarchie et la subordination établies dans le sein du clergé, se retrouvaient d'ailleurs, dans l'organisation de la juridiction.

L'officialité diocésaine connaissait des causes nées dans le diocèse et souffrait l'appel devant l'officialité métropolitaine; et les décisions rendues par l'officialité métropolitaine elle-même, se portaient, en appel, devant l'officialité primatiale.

On voit par l'édit de 1695, concernant la juridiction ecclésiastique, quelle était l'étendue de celle remise aux officialités.

La juridiction gracieuse, appelée aussi juridiction volontaire, ayant pour objet l'administration des ordres et des sacrements, la collation des bénéfices et l'institution canonique, était demeurée propre aux

évêques, qui n'en faisaient part qu'à leurs grands vicaires (1).

Mais les officiaux avaient reçu le dépôt de toute la juridiction contentieuse: elle embrassait non-seulement les affaires temporelles successivement tombées dans le domaine du juge d'Église, mais aussi toutes les causes, c'est-à-dire les contestations purement spirituelles concernant les sacrements, les vœux de religion, l'office divin, la discipline ecclésiastique et ən général, toutes les matières religieuses.

17.- La loi de l'an X garde le silence sur les officialités dont la suppression avait été formellement prononcée par une loi des 7-14 sept. 1790; que faut-il conclure de ce silence?

Le conseil d'État, consulté sur la question du rétablissement des officialités, a émis à la date du 22 mars 1826, un avis dans lequel on lit : « que la ju<< ridiction contentieuse des anciennes officialités s'é« tendait à la fois, sur les matières spirituelles qui appartiennent de droit divin, à la juridiction épiscopale, et sur des matières temporelles dont les « rois de France avaient attribué la connaissance à << cette juridiction; que cette dernière partie de la << juridiction des officialités ne pourrait être rétablie « en tout ou en partie que par une loi; mais que la sup«pression des officialités, par la loi des 6-7-14 sep

«

(1) Merlin a pris soin de déterminer par de savantes explications la signification des mots: Juridiction gracieuse ou volontaire. (Voy. Répert., vo Juridiction.) Il établit que c'est en vertu de la juridiction volontaire, par opposition à la juridiction contentieuse, « que le magistrat procède, toutes les fois qu'il prononce sur une demande qui, soit par sa nature, soit d'après l'état des choses, n'est pas susceptible de contradiction. >>

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<< tembre 1790, art. 13 et 14, en retirant aux évê<< ques la portion de juridiction qu'ils tenaient du prince, n'a pu les dépouiller de celle qu'ils tenaient << de Dieu même et de son Église; que cette vérité a << été reconnue par la loi du 8 avril 1802, qui déclare, « art. 10, que tout privilége portant exemption ou << attribution de la juridiction épiscopale est aboli, « et qui dispose, art. 15, que les archevêques con<< naîtront des plaintes dirigées contre les décisions « des évêques suffragants; que les officialités, quant « au spirituel seulement, ont pu être et ont été effec<< tivement rétablies dans plusieurs diocèses de France, avec l'assentiment de la puissance publique, << sans violer aucune loi.

On est, au premier coup d'œil, séduit par cette distinction; mais si la conséquence qu'on en tire pour démontrer qu'il est permis au Gouvernement d'autoriser le rétablissement des officialités, était juste, ik faudrait aller plus loin et dire que le pouvoir de juridiction reconnu aux évêques leur étant propre, ils sont maîtres de l'exercer personnellement ou de le déléguer, et que partant, ils n'ont pas besoin du concours du Gouvernement pour rétablir les officialités. Or, le conseil d'État ne paraît pas disposé à souscrire à cette dernière conclusion (1). Quant à nous, nous croyons que dans l'avis du 22 mars 1826, on a perdu

(1) « Une ordonnance du 2 nov. 1835 a déclaré nulle, abusive et non avenue une décision de l'official métropolitain d'Aix. De même dans l'affaire du sieur Ferrand, le ministre des cultes, avant de soumettre le recours au conseil, renvoya la sentence attaquée à l'archevêque d'Avignon, pour faire disparaître l'irrégularité résultant de ce qu'elle avait été rendue par l'official au lieu du métropolitain. » J'emprunte cette note à M. Batbie qui s'est

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de vue l'esprit de la loi du 18 germinal. Le législateur de l'an X n'a pas voulu rester indifférent à la juridiction spirituelle; c'est dans son application aux matières spirituelles que la juridiction épiscopale fait l'objet de ses prévisions, et en même temps qu'il la reconnaît, il assigne certaines formes à son exercice. La vérité est qu'au point de vue tant de la surveillance à ménager à l'État que de la protection à assurer aux intérêts religieux, c'était là un des points les plus essentiels à régler, et qu'il a dû être et a été réglé par une disposition de l'office du législateur. Tout ce qu'on peut concéder, c'est la faculté pour l'évêque, de se constituer un conseil sous le titre d'official, ou sous tout autre, de consulter ce conseil pour les actes de juridiction et de s'approprier, par voie d'approbation par exemple, ses décisions. La loi ne demandant pas compte au juge des voies qu'il a suivies pour aller chercher la lumière, il est satisfait à ses prescriptions du moment que la sentence peut être considérée comme l'œuvre de l'évêque lui. même.

Revenons aux dispositions de la loi.

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18. En appelant par l'art. 14, les archevêques à veiller au maintien de la foi et de la discipline dans les diocèses dépendant de leurs métropoles, le législateur a voulu parer aux conflits de nature à compromettre la sainteté de la religion et la dignité de ses ministres, et prévenir les querelles religieuses qui

d'ailleurs, contenté, dans un intéressant travail publié en 1851, sous le titre de Doctrine et jurisprudence en matière d'appel comme d'abus, de reproduire sur les diverses questions que j'examine icí, l'avis du 22 mars 1826.

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