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renferment en elles le germe de tant de désordres.

19. —L'art. 15 n'a pas besoin de commentaire, il en résulte clairement que l'archevêque est le supérieur immédiat de l'évêque et que c'est devant lui que doivent être portées, par voie d'appel, les réclamations contre les sentences émanées de l'évêque. Le conseil d'État se fait en effet, un devoir de déclarer non recevable le recours comme d'abus contre toute décision qui n'a pas d'abord, été attaquée devant le métropolitain. (Voy. ord. 22 févr. 1837, Isnard; 9 mai 1838, Chrétien; décr. 6 août 1850, Audierne.) (1)

20. La juridiction métropolitaine est souveraine au sommet de la hiérarchie admise par la loi de l'an X. Sans doute, en matière de discipline aussi bien qu'en matière de foi, le fidèle est toujours en droit d'appeler du métropolitain au pape, qui est le chef suprême de l'Église ; mais ce recours est resté en dehors des prévisions de la loi (2) et on n'a aucun compte à en tenir relativement au recours comme d'abus, recours qui, ainsi que nous l'expliquerons,

(1) Cette fin de non-recevoir n'a trait qu'aux actes de juridiction épiscopale. Pour tous les cas d'abus étrangers à l'exercice de la juridiction, la plainte est motivée par un fait de nature à tomber sous l'appréciation directe et exclusive du conseil d'État.

(2) Rome pouvait se montrer peu disposée à entrer en compromis avec un gouvernement étranger sur le règlement de la procédure à suivre devant sa propre juridiction, et la France ellemême n'avait à lui demander aucune concession de ce genre, car elle trouvait dans le droit de contrôle préalable à l'exécution de toute expédition de la cour de Rome, réservé par l'art. 1er de la loi de l'an X, un moyen sûr de veiller et de pourvoir à la liberté de l'épiscopat.

procède d'un tout autre principe et tend à un tout autre but que le recours par voie d'appel.

21.-L'art. 19 de la loi du 18 germinal est conçu ainsi : « Les évêques nommeront et institueront les « curés; néanmoins, ils ne manifesteront leur no«<mination, et ils ne donneront l'institution canoni« que qu'après que cette nomination aura été agréée « par le premier consul. »

L'art. 30 ajoute: « Les curés seront immédiate<< ment soumis aux évêques dans l'exercice de leurs a fonctions. » Il faut aussi mentionner dans l'art. 31, la disposition qui porte que les vicaires et desservants sont révocables par l'évêque.

22. —La police du clergé est confiée à l'évêque. Les peines spirituelles ne sont pas ses seules armes pour faire cesser et punir les irrégularités et les abus; il est investi du droit d'appliquer des peines disciplinaires; et son pouvoir va jusqu'à prononcer la suspension, la révocation et la destitution.

Les peines disciplinaires autres que la suspension, la révocation et la destitution, comprennent notamment, l'avertissement, le blâme, la censure, le changement de résidence, l'envoi dans un séminaire ou dans une maison religieuse pour un certain temps, l'interdiction partielle ou totale des fonctions du sacerdoce.

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23. Je n'entrerai point dans le détail des preuves empruntées aux livres saints et discutées par les Pères de l'Église, pour établir que les curés sont les successeurs des disciples du Christ comme les évêques sont ceux de ses apôtres; que, bien que d'un rang inférieur et subordonné à l'épiscopat, ils ne tirent pas

moins leurs pouvoirs de la même source, à savoir, d'une institution divine, et que, par conséquent, leur état ne saurait être réduit à celui de simples mandataires révocables ad nutum. Mais je dois constater que cette opinion a été sanctionnée par les canons de l'Église, et qu'en France une ordonnance de Louis XIV, du 29 janvier 1686, dont la disposition se retrouve dans l'édit de 1695, lui a donné place dans la législation, en consacrant l'inamovibilité des curés. Les dispositions organiques du concordat, par cela même qu'elles ne mentionnent de droits de révocation au profit des évêques qu'en ce qui regarde les vicaires et desservants, témoignent clairement du maintien du principe de l'inamovibilité des curés. Il faut donc tenir pour certain que le droit public du pays laisse sur ce point toute leur force et toute leur étendue aux lois de l'Église. Il ne s'ensuit point, il est vrai, qu'un curé ne puisse en aucun cas, être destitué, mais il en résulte qu'un curé ne peut être privé de ses fonctions et de son titre que par une sentence de déposition rendue selon les formes canoniques (1). (Voy. décr. 30 mai 1851, Bégoule.)

24. - Dans la sphère spirituelle, il faut le reconnaître, le titulaire n'est, à cet égard, protégé que par

(1) « Depuis la suppression des officialités, il suffit que les formalités substantielles, qui consistent dans une instruction discrète et éclairée, dans la pleine liberté de la défense et dans un jugement mûri, aient été observées. » (Voy. M. Cormenin, t. I, p. 240, note 2.) On ne saurait exiger aujourd'hui des évêques, l'accomplissement des formalités de l'ancienne procédure ecclésiastique. Aussi, le conseil d'Etat se borne-t-il à vérifier de même que pour les interdits, si les formalités substantielles ont été remplies. (Voy. le décret cité du 30 mai 1851.)

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l'institution du recours comme d'abus et, en réalité, cette protection n'a que bien peu d'efficacité, puisque la déclaration d'abus n'entraîne pas la réformation de la sentence abusive. (Voy. infrà, no 60.) Dans ses intérêts temporels, au contraire, le prêtre est, jusqu'à un certain point, garanti par la loi civile. Le concours du Gouvernement qui a participé à la nomination du curé est nécessaire pour sa destitution. (Voy. Avis Cons. d'Ét. 30 juill. 1824 et 8 févr. 1831.) L'évêque adresse la sentence de déposition, avec toutes les pièces de l'instruction, au ministre des Cultes, et si le Gouvernement ne croit pas devoir faire obstacle à son exécution, un décret approuve l'ordonnance épiscopale quant à ses effets civils: et c'est seulement à partir de ce décret que les curés révoqués cessent de jouir de leur traitement et des autres avantages attachés à leur titre. (Voy. décis. ministér. 9 févr. et 24 sept. 1850; 8 févr. 1851.)

25.

L'approbation du Gouvernement n'implique point une appréciation de la régularité de la sentence. Le chef du pouvoir exécutif ne fait que déclarer, au point de vue des intérêts administratifs ou politiques, que rien ne s'oppose à ce que la sentence produise ses effets temporels. D'où il suit que le décret n'est pas susceptible d'être attaqué par la voie contentieuse et qu'il ne saurait être une entrave à l'appel devant le métropolitain. Un décret du 29 mars 1851, rendu sur le recours introduit par un sieur Audierne, chanoine, dont la destitution avait été approuvée par un décret du 4 février 1850, est formel en ce sens ; on y lit: « Que le décret du 4 février 1850 n'a fait

que rendre exécutoire, quant à ses effets civils, la

« sentence prononcée le 18 oct. 1849 par l'évêque « de Périgueux contre le sieur Audierne; que ledit « décret ne fait point obstacle au pourvoi que le re<< quérant, s'il s'y croyait recevable et fondé, pour«rait former contre ladite ordonnance devant l'au« torité métropolitaine ; qu'ainsi, il ne contient aucun « excès de pouvoir, et qu'il n'est, dès lors, pas sus« ceptible d'être attaqué par la voie contentieuse. »

Le même principe est évidemment applicable au recours comme d'abus. Le conseil d'État n'a aucun compte à tenir de l'approbation dont la sentence déférée à sa censure a pu être l'objet.

Il ne faut cependant pas se dissimuler, que l'appel au métropolitain et le recours comme d'abus en face d'un décret d'approbation, peuvent avoir d'assez étranges résultats, et par exemple, venir échouer contre l'exécution donnée à la décision attaquée. Cette éventualité a frappé le conseil d'État, en ce qui avait trait au recours comme d'abus, et a motivé à la date du 19 juin 1851, un avis ainsi conçu : « Le « conseil d'État qui, sur le rapport du comité de « l'Intérieur, a pris connaissance d'un projet de dé«cret ayant pour objet de rejeter le recours pour « abus formé par le sieur Bégoule contre une ordon« nance de l'évêque d'Agen, qui l'a destitué de son « titre. Considérant que dans l'affaire qui fait l'objet du présent projet de décret, ainsi que dans «<les affaires du même genre dont le conseil a été « récemment saisi et notamment dans celles des << sieurs Piveteau et Audierne, les décisions épisco« pales attaquées ont été approuvées par le Président « de la République avant que les recours aient été

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