Page images
PDF
EPUB

espèce de droit à l'intervenant, et il y aura lieu, dans ce cas, d'appliquer l'art. 49, c'est-à-dire que le jury, sans s'arrêter à la contestation dont il réservera le jugement à qui de droit, fixera l'indemnité comme si elle était due et que le magistrat directeur en ordonnera la consignation jusqu'à la fin du litige. (Voy. Cass. 4 mars 1844, Luys; 16 août 1852, Poix-Vandelle.)

419. Les avocats, devant le jury comme devant les tribunaux ordinaires, n'ont pas besoin de procuration, leur qualité garantit suffisamment qu'ils n'agissent que du consentement et à la prière de la partie dont ils soutiennent les intérêts. Le ministère des avoués, en tant qu'officiers ministériels, est interdit en matière d'expropriation, sauf l'exception écrite au titre VII de la loi pour la prise de possession en cas d'urgence. Par suite, l'avoué qui a représenté une partie ne peut demander d'honoraires que comme mandataire. (Voy. Cass. 15 janvier 1855, Adville.)

[ocr errors]

Aucune disposition de la loi du 3 mai 1841 ne déroge à la règle de droit commun en vertu de laquelle toute partie, tant que dure une instance ou tant qu'un contrat judiciaire réciproquement accepté n'est pas intervenu, peut modifier les conclusions par elle. prises à une autre phase de la procédure. (Voy. Cass. 11 avril 1843, hér. de Joybert; 13 mai 1846, préfet des Bouches-du-Rhône.)

L'art. 24, il est vrai, dispose que les propriétaires et autres intéressés, s'ils n'acceptent pas les offres à eux faites par l'administration, seront tenus d'indiquer dans la quinzaine desdites offres, le montant de leurs prétentions, mais il n'a pas d'autre sanction

que la condamnation aux dépens attachée à son inobservation et prononcée, en ce cas, par le dernier paragraphe de l'art. 40. Quant au § 5 de l'art. 39, son but unique est de fixer, dans l'intérêt du trésor public, un maximum d'indemnité, et dans l'intérêt de l'exproprié, un minimum qui ne puissent être excédés par le jury; or il suffit, pour l'application de la loi en ce point, que les prétentions des parties soient précisées avant la clôture des débats : le jury trouve dans la quotité des sommes expressément indiquées, les limites que la disposition finale de l'art. 39 a entendu assigner à son pouvoir d'appréciation.

Dans tous les cas, il importe de faire remarquer que lorsque l'administration annonce devant le jury d'expropriation des éventualités qui doivent entrer dans l'appréciation de l'indemnité, mais à l'égard desquelles elle n'a pas fait connaître son chiffre, l'exproprié n'est pas tenu d'exprimer le sien et que le magistrat directeur peut, sur sa demande, renvoyer l'affaire à une session ultérieure comme n'étant pas en état. (Voy. Cass. 5 juillet 1850, préfet de Saône-et-Loire.)

420. Après l'examen des pièces et l'audition des parties, il est loisible au jury, s'il ne se sent pas suffisamment éclairé, d'entendre toutes les personnes de qui il pensera obtenir des renseignements utiles, de se transporter sur les lieux ou de déléguer à cet effet un ou plusieurs de ses membres. (Voy. art. 37, § 3 et 4.) « Rien ne s'oppose, disait M. Martin (du Nord), rapporteur de la loi de 1833, à ce que les jurés réclament et obtiennent des employés de l'enregistrement ou des contributions tous les

renseignements qui leur paraîtront nécessaires. »> Quand le jury a résolu de recourir à une mesure d'instruction, c'est au magistrat directeur qu'il appartient de donner à cette décision la force obligatoire et d'en faire un acte judiciaire en vertu duquel les tiers peuvent être contraints soit à comparaître, soit à se préter aux mesures de vérification reconnues nécessaires. Mais là se borne la mission du magistrat, il ne peut, par lui-même, ordonner aucune mesure d'instruction. Sa présence même n'est pas obligatoire, non plus que celle du greffier, lorsque le jury ou ceux de ses membres qu'il a délégués se transportent sur les lieux. Du reste, si le procès-verbal porte simplement que les jurés visiteront les lieux, la décision à cet égard doit être considérée comme émanée du jury lui-même et non du magistrat directeur, alors d'ailleurs qu'aucune réclamation ne s'est produite. (Voy. Cass. 24 décembre 1851, Molaix.)

421.- Ce qui caractérise l'instruction telle qu'elle a lieu devant le jury, c'est qu'elle est dégagée des formes ordinaires de la procédure. Le jury ne peut jamais ordonner une expertise proprement dite. (Voy. Moniteur, 8 juin 1833, G. 1607.) Nommer un expert, lui imposer l'observation de toutes les règles du titre des Rapports d'experts (Voy. Code de procédure civile, art. 302-323), ce serait retomber dans les inconvénients qui ont fait abandonner la loi de 1810. Lors donc que l'appréciation des éléments de l'indemnité exigera des connaissances spéciales, le jury appellcra près de lui un homme qui puisse éclairer les points contestés et faciliter l'intelligence des détails techniques; mais cet expert, si on veut lui donner ce

nom, fournira des renseignements et non des évaluations.

Par les mêmes motifs, le jury ne peut ordonner d'enquête. Les personnes qu'il croira devoir entendre seront appelées par le magistrat directeur, soit par assignation à personne ou à domicile, soit par simple invitation, si ce mode de convocation paraît suffisant. Il est convenable qu'elles fassent connaître leurs nom, prénoms, demeure, qu'elles prêtent serment de dire la vérité, qu'elles s'expliquent sur les causes de reproches qui peuvent être proposées, mais l'inobservation d'aucune de ces règles ne pourrait donner ouverture à cassation. Le jury a, pour tout. dire en un mot, faculté d'information illimitée; il peut, s'il le juge utile, entendre même l'expert de l'administration. (Voy. Cass. 26 avril 1843, Mouruan.) Il a même été jugé, dans l'espèce de l'arrêt que nous citons, qu'on ne pouvait se faire un moyen de nullité de ce que, durant les débats et après la prestation de serment, mais avant la clôture, les jurés s'étaient mêlés dans l'audience avec le public et avaient conféré avec lui, sans que ce fait, toutefois, soulevât aucune réclamation de la part des parties présentes à l'audience.

422. L'unique garantie ménagée par la loi, celle qui doit suppléer à toutes les garanties que l'on aurait pu chercher dans des formes de procédure, est celle de la publicité : « La discussion est publique, porte l'art. 37, in fine; elle peut être continuée à une autre séance.» (Voy. art. 37, § 5.)

« La décision que rend le jury, disait M. Martin (du. Nord) dans son deuxième rapport, est un véritable

jugement; il prononce entre deux intérêts qui sont en présence. Ce serait méconnaître un besoin de l'époque, éveiller des soupçons, autoriser des récriminations que de priver les parties de cette publicité qui, dans nos mœurs, est regardée comme une garantie qu'aucun droit n'a été volontairement sacrifié. Nous ne pensons pas, du reste, que la publicité soit un obstacle à ce que les parties intéressées bannissent l'appareil et les longueurs des plaidoiries et se bornent, pour établir leurs droits, à présenter quelques courtes observations.» (Voy. Moniteur, 30 mai 1833, p. 1521.)

Il résulte de ces paroles que la décision doit être prononcée publiquement, après une discussion publique. La publicité des jugements est, en effet, un des principes fondamentaux de notre législation. L'observation d'une règle si importante aux yeux de la loi doit, à peine de nullité, être constatée au procès-verbal (Voy. Cass. 11 août 1841, préfet de l'Aveyron); mais il n'y a pas de termes sacramentels (Voy. Cass. 24 avril 1855, Falcoux), et partant, le vœu de la loi en ce qui a trait à la constatation de la publicité, n'est pas de ceux auxquels il ne peut être satisfait que par une énonciation expresse et directe. La cour de cassation juge que la preuve de la publicité des opérations du jury résulte suffisamment de la mention au procès-verbal de la présence du public, par exemple, lorsqu'on y lit, à l'occasion d'une suspension d'audience, que le public s'est retiré (Voy. Cass. 30 avril 1844, Singer); que toutes les opérations du jury d'expropriation sont réputées avoir eu lieu avec la publicité qu'exige l'art. 37, lorsque l'or

« PreviousContinue »