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sera suffisamment indiqué au moyen d'un chiffre monétaire, multiplié par une mesure de terrain, pourvu que la contenance de l'immeuble soit bien déterminée et n'ait fait l'objet d'aucune contestation. (Voy. Cass. 31 décembre 1850, Donzelot; 2 décembre 1851, Martel.) De même, l'indemnité peut être regardée comme clairement déterminée lorsque le jury l'a fixée à une certaine somme, plus les intérêts à partir de la prise de possession, bien que le jury n'ait point indiqué la date de cette prise de possession, ce qui est d'ailleurs, hors de sa compétence. (Voy. Cass. 1er juillet 1845, veuve Desplan; 16 février 1846, hospice de Vitrolles.)

444. Mais l'indemnité cesse d'être certaine et positive, si elle est subordonnée à l'événement d'une condition ou au résultat d'une opération ultérieure, car l'indemnitaire placé dans cette position, se trouve soumis à une éventualité pour un payement qui doit toujours être préalable à la dépossession. (Voy. Cass. 7 février 1837, Parmentier ; 28 août 1839, Hanaire.)

Lorsque la décision détermine d'une manière définitive la contenance en mètres du terrain exproprié et le prix du mètre, la réserve pour l'indemnitaire de faire vérifier la contenance, ne peut imprimer à l'indemnité un caractère conditionnel. Cette réserve dont le magistrat directeur est obligé de donner acte, est étrangère au travail du jury qui prend pour base les énonciations contenues au jugement d'expropriation. (Voy. Cass. 9 février 1846, Larbouillat.) De même, lorsque la somme allouée l'a été tant pour la valeur intrinsèque du terrain exproprié que pour la dépréciation, la mission du jury est entièrement remplie et

le caractère définitif de l'indemnité n'est pas altéré par la réserve du droit pour l'exproprié de demander les dommages-intérêts auxquels pourront donner lieu des événements futurs et incertains dont le jury n'avait pas à apprécier les conséquences possibles. (Voy. Cass. 2 décembre 1846, Chauvin.)

445. -La loi n'impose pas au jury l'obligation de motiver sa décision, non plus que celle de spécifier chacun des éléments divers qui concourent à former l'indemnité allouée. Il peut la fixer en bloc, sans détailler les parties dont il la compose, pourvu cependant que rien n'établisse qu'il a négligé d'apprécier les différentes prétentions des parties. (Voy. Cass. 27 août 1851, Requier.) Si aucune de ces prétentions ne lui a échappé, son obligation est remplie. Il peut d'ailleurs, en présence de la demande de deux indemnités au sujet de la même expropriation, allouer une somme unique, en expliquant que cette somme s'applique aux deux demandes. (Voy. Cass. 2 mars 1853, Hainguerlot); à plus forte raison n'est-il pas nécessaire qu'il soit statué distinctement sur des réclamations qui ne forment qu'un seul chef de demande. (Voy. même arrêt.)

Par une suite du même principe, le jury qui accorde une indemnité pour des matériaux n'est pas tenu de faire connaître les bases de son évaluation, en indiquant le poids et la quantité des matériaux, (Voy. Cass. 19 mars 1849, Leveau), ni d'expliquer, lorsqu'il alloue une somme unique à l'exproprié « pour prix de parcelle de terrain et pour toutes in«demnités réclamées par lui, » que télle partie de cette somme s'applique au sol, et telle autre aux con

structions considérées comme matériaux. (Voy. Cass. 22 août 1849, Alliot.)

446. L'indemnité ne peut consister que dans une somme d'argent mise immédiatement à la disposition de l'exproprié et dont l'importance, comme nous l'avons dit déjà, doit se déterminer en raison de la valeur intrinsèque des objets expropriés et du préjudice que le propriétaire dépossédé peut éprouver. (Voy. Cass. 13 juillet 1852, Mercier.)

Le jury excède ses pouvoirs lorsqu'au lieu d'une indemnité totale en argent, il charge la partie expropriante de faire certains travaux sur les terrains restant au propriétaire dépossédé. Ainsi fixée, l'indemnité n'est pas définitive, elle laisse aux parties la possibilité d'un nouveau litige sur l'exécution des travaux; elle n'a pas la précision et la certitude que le jury doit lui donner. (Voy. Cass. 6 déc. 1854, héritiers Bonnet.)

La même irrégularité se ferait remarquer dans la décision qui composerait l'indemnité d'une somme d'argent, plus des matériaux provenant de la démolition des bâtiments existant sur le terrain exproprié; à l'inconvénient de l'expropriation elle-même, on ajouterait celui qui résulterait, pour l'indemnitaire, de l'embarras qu'il éprouverait de se défaire des matériaux qu'on lui laisserait. (Voy. Cass. 3 juillet 1843, Castex; 10 mars 1852, Jean Bouzin.)

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447. Il est hors du pouvoir des tribunaux ou du jury d'imposer aux parties un arrangement de cette nature; mais celles-ci peuvent convenir que le propriétaire prendra en déduction du prix et pour une somme fixée, les matériaux ou les glaces, che

minées devenues par leur adhérence à l'immeuble, immeubles par destination. (Voy. Cass. 21 août 1843, Préfet du Pas-de-Calais.)

Quant aux objets qui sont susceptibles d'être détachés du fonds à l'exploitation duquel ils servent, il est clair que, ces objets ne devant pas être compris dans l'expropriation ni leur valeur considérée comme formant un élément de l'indemnité, le jury peut, tout en fixant en argent le dédommagement qu'il croit être dû au propriétaire, lui laisser la faculté de les enlever sans qu'il en résulte la moindre atteinte à la règle qui veut que l'indemnité soit certaine et définitive. 448.

Pour être préalable, conformément à l'art. 545 du Code Napoléon, l'indemnité doit être d'une somme en capital, elle ne peut donc être convertie en redevances annuelles et temporaires. (Voy. Cass. 19 décembre 1838, Préfet de Seine-et-Oise.) 449. En aucun cas, la somme allouée ne peut être inférieure aux offres de l'administration, ni supérieure à la demande de la partie intéressée. (Voy. art. 39, § 5.)

Cette disposition n'existait pas dans la loi de 1833; elle a été rendue nécessaire par les décisions de quelques jurys et, notamment, de celui de Schlestadt qui avait alloué aux expropriés plus qu'ils ne demandaient. (Voy. Cass. 22 juin 1840, Koechlin.)

« Le principe non ultra petita, a dit M. Dufaure, dans son rapport, est un principe de droit commun, dont le jury, pas plus que toute autre juridiction, ne semblait pouvoir s'affranchir. Le contraire est cependant arrivé; de déplorables abus qui auraient

compromis l'institution du jury, si elle avait pu être compromise, ont été signalés à l'attention publique ; ils ont forcé d'écrire le principe dans l'art. 39..... La disposition dont il s'agit n'est pas, comme on a essayé de le prouver, une alteinle au pouvoir du jury. Les offres de l'administration, comme la demande du propriétaire, sont le commencement d'un contrat auquel il ne manque plus que l'adhésion de l'un des deux contractants, et que le jury vient sanctionner (1).

«L'administration doit prendre ses renseignements de manière à ne point faire d'offres trop élevées; le propriétaire connaît la valeur de sa propriété ; il est parfaitement à même d'en demander le juste prix. Il n'est pas à craindre que, pour éluder la loi, l'administration abaisse ses offres et que le propriétaire exagère d'un autre côté, sa demande. L'administration a intérêt à marcher vite, en traitant autant que possible à l'amiable; le propriétaire sera retenu par la crainte d'indisposer le jury par une demande entachée de mauvaise foi, et d'encourir une condamnation aux dépens. >>>

450. « Le jury, ce sont les termes de l'art. 39,

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(1) Cet aperçu est plein de justesse; l'offre de l'administration et la demande de l'exproprié sont, à vrai dire, les conclusions qui déterminent l'état du litige. La cour de cassation en a déduit cette conséquence qu'en matière d'expropriation, comme en toute autre, si l'un des adversaires néglige de conclure, les conclusions de la partie adverse doivent lui être allouées. Lors donc que l'exproprié, tout en contestant la suffisance des offres, n'a pas précisé le chiffre de sa demande, le jury ne peut lui accorder une indemnité supérieure à la somme offerte. (Voy. Cass. 22 août 1853, chemin de fer de Paris à Lyon.)

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