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formel et que le changement qu'il a subi en 1841 est trop significatif pour permettre une distinction. Il embrasse tous les intéressés dont parle l'art. 21; or, si le § 1" de cet article désigne seulement les usagers selon le Code civil, le § 2 comprend tous les autres usagers dans la généralité de ses termes.

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Le droit d'habitation n'étant, à vrai dire, qu'un droit d'usage appliqué à une maison, doit, suivant nous, être traité comme les autres droits de même nature dont nous venons de parler.

465. L'indemnité à laquelle ont droit les locataires et fermiers n'est pas d'une autre nature que celle du propriétaire et de ceux qui possèdent des démembrements de la propriété. Ici, comme ailleurs, il est du devoir du jury de rendre parfaitement indemnes ceux auxquels l'État préjudicie. Nous ne pouvons donc partager, à cet égard, l'opinion des auteurs qui soutiennent que la résiliation du bail en elle-même ne doit jamais donner lieu à une indemnité. Celui qui s'est assuré, moyennant un prix modique, un bail à longues années, éprouve, lorsqu'il est obligé de renoncer à en profiter, une perte équivalente à la somme qu'il devra ajouter à son loyer annuel pour se procurer jusqu'à l'époque où son bail devait expirer, une maison, un magasin, un emplacement. En le privant de l'avantage qu'il trouve dans l'état de choses existant, on lui cause une perte actuelle dont il lui est dû réparation.

466.

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Lorsqu'une indemnité de cette nature est réclamée et que l'existence du bail est niée par l'administration, le jury, nous l'avons dit déjà, doit fixer éventuellement la réparation qu'il estime être due

au locataire, s'il parvient à faire, devant l'autorité judiciaire compétente, la preuve de l'existence du bail. En général, la preuve ne sera pas suffisante, si le preneur ne justifie de l'existence et des conditions du bail que par la production d'une acte privé, sans date certaine. L'État est un tiers par rapport au locataire et non l'ayant-cause du propriétaire. (Voy. Cass. 2 février 1847, Labbé.) Dans la pratique, cependant, on comprend qu'il n'use pas toujours de ce droit rigoureux et ne s'en serve que pour repousser les allégations de conventions verbales ou les actes sous seing privé dont il a lieu de suspecter la sincérité (1). 467. Il peut avoir été convenu qu'en cas de vente, l'acquéreur pourrait expulser le locataire et, cette faculté stipulée, les parties peuvent avoir réglé elles-mêmes les dommages et intérêts que le preneur pourrait réclamer, ou bien elles se sont contentées de prévoir cette éventualité, sans en déterminer les conséquences.

Dans la première hypothèse, si l'administration offre le payement intégral de la somme stipulée, le jury ne doit pas allouer davantage, car le locataire a prévu lui-même le cas d'expropriation et limité l'indemnité qui pourrait lui être due. Si, au contraire, la partie expropriante regarde comme trop élevée la fixation qui est l'œuvre des parties, elle a le droit de ne pas s'y arrêter, elle exerce, en effet, un droit indépendant de celui du propriétaire.

(1) Voyez sur la question de savoir si un locataire peut se prévaloir d'un bail sous seing privé n'ayant pas date certaine, une dissertation de M. Clamageran, insérée dans la Revue pratique du droit français, 1856, p. 80.

A défaut de convention particulière, les art. 1745, 1746 et suivants du Code Napoléon font la loi des parties; si l'administration consent, elle, à s'y soumettre, le jury doit se borner à en faire l'application. Estime-t-elle, au contraire, que l'allocation est trop élevée, le jury a le droit de la réduire aux proportions du dommage réellement éprouvé. Il est clair, au surplus, que si aucune faculté d'expulsion n'a été stipulée, le jury n'est nullement obligé de prendre les art. 1745 et suivants pour basc de son appréciation.

468. Le fermier ou locataire qui a payé les frais d'un bail dont on lui enlève le bénéfice, doit naturellement en obtenir la restitution, au moins quant à la partie de ces frais qui se répartit sur les années restant à courir ; il en est de même des autres dépenses qu'il a faites pour l'amélioration du fonds de terre ou de la maison qu'il se proposait de cultiver ou d'habiter, par exemple pour les engrais et marnages qui, ordinairement, ne sont déposés sur les terres qu'à des époques éloignées, deux fois pendant un bail de neuf ans. On devrait aussi tenir compte du pol-de-vin payé entier, alors que le bail en vue duquel il avait été stipulé, est résilié dès les premières années.

469. Il est, sans aucun doute, équitable d'ajouter encore aux restitutions dont nous venons de parler une indemnité pour le dommage que peut causer un déménagement précipité, pour les dépenses effectuées dans le but d'approprier l'appartement loué à l'usage qu'on se proposait d'en faire, pour celles que nécessitera le changement que

le mobilier devra subir pour recevoir une nouvelle destination; enfin pour la différence entre le prix de l'ancien appartement et celui du nouveau.

470. En ce qui concerne le déplacement de clientèle, il est du devoir du jury d'examiner quelle en est la nature. Il allouera une somme plus considérable, si elle se compose de personnes qu'attire le voisinage, la situation particulière de l'établissement, s'il est impossible ou difficile de transporter dans une maison peu éloignée, le commerce qui s'y exerce. L'indemnité, au contraire, sera moindre, s'il s'agit d'une industrie personnelle, particulière et que le public soit disposé à rechercher et à suivre en quelque lieu que s'en vendent les produits.

Dans tous les cas, le délai accordé au locataire pour opérer son déplacement doit être pris en considération; le tort qui lui est causé sera moindre, s'il a eu le temps de faire connaître à ses pratiques le changement qui allait s'opérer, et de les préparer à le suivre.

471. Nous avons envisagé jusqu'à présent le locataire dans ses rapports avec l'État, il est temps de le considérer dans ses rapports avec le propriétaire.

La clause par laquelle le locataire se désiste, en cas d'expropriation, de tout recours contre son propriétaire, et convient, le cas échéant, que le bail sera considéré comme expirant de plein droit, n'emporte pas renonciation à l'indemnité qu'il peut exiger de l'expropriant; cette clause en effet, n'avait d'autre but que de garautir le propriétaire de tout recours du locataire contre lui; mais elle ne peut être opposée au locataire, à titre de renonciation à

tout droit d'indemnité au profit d'un expropriant futur, tiers étranger aux conventions des parties. La renonciation à un droit si formellement établi par la loi ne se présume pas; elle n'a pas été dans l'intention des parties qui ont voulu donner un surcroît de garantie au propriétaire et non priver le locataire du dédommagement qui lui serait dû, dans le cas où se réaliserait l'expropriation dont on prévoyait l'événement dans le contrat. Admettre, dans ces circonstances, la partie expropriante à faire valoir, contre le locataire, la convention stipulée par le propriétaire, dans un intérêt exclusivement personnel, ce serait lui supposer prématurément un droit de propriété qu'elle ne peut tenir de la loi qu'après avoir préalablement indemnisé le locataire. (Voy. Cour de Rouen, 12 février 1847, Ogé; Cour de Paris, 2 avril 1852, Saurin.) 472. De droit commun, en cas de perte partielle de la chose louée, lorsque ce qui reste des lieux remplit encore l'objet de la convention primitive, le preneur peut demander soit une diminution du prix, soit la résiliation du bail. (Voy. art. 1722 C. Nap.) S'il préfère une diminution sur le prix, le bailleur ne peut empêcher qu'elle ne lui soit accordée. en offrant de résilier le bail, et les juges excéderaient leur pouvoir en ordonnant la résolution malgré le preneur. C'est en faveur de ce dernier que l'alternative entre la résolution et la diminution du prix est établie. En cas d'option pour la continuation, il a le droit d'exiger que le bailleur fasse les réparations nécessaires pour rendre possible l'occupation des lieux. Ce dernier point, controversé entre les au-: teurs, ne fait pas difficulté en matière d'expropria

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