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la disposition de l'art. 44, qui prescrit au jury de ne connaître que des affaires dont il a été saisi au moment de sa convocation; l'examen de ce moyen exige la connaissance du réquisitoire adressé à la cour en vertu de l'art. 30. Si le pourvoi est basé sur la violation du § 5 de l'art. 39, il faudrait transmettre l'exploit de demande signifié en exécution de l'art. 24. On pourrait multiplier encore l'énumé ration de toutes les circonstances dans lesquelles il y aurait lieu à pourvoi. Mais, sans qu'il soit besoin de pousser plus loin ces citations, vous comprendrez parfaitement que, très-souvent, le procès-verbal des opérations du jury ne serait pas une production suffisante, et que chaque espèce nécessite la recherche attentive et la réunion des pièces qui doivent l'appuyer; c'est à votre discernement à en faire le choix, et je ne puis trop appeler votre attention sur ce point important. »

489.

La partie intéressée a le droit, nous venons de l'indiquer, de joindre aux pièces ainsi transmises un mémoire développant les moyens de cassation; mais, dans la pratique, il est rare qu'elle use de cette faculté. Elle a recours, en général, au ministère des avocats à la cour de cassation qui, après l'enregistrement des pièces au greffe, ont seuls qualité pour fournir des mémoires ou présenter oralement des observations. Dans ce cas, la déclaration de pourvoi indique simplement qu'on attaque la décision du jury ou l'ordonnance du magistrat directeur pour les causes et motifs qu'on se réserve de faire valoir devant la cour de cassation.

Les pourvois en matière d'expropriation sont con

sidérés comme affaires urgentes, et, à ce titre, portés, au besoin, devant la chambre des vacations. Il doit être statué, dit l'art. 20, dans le mois qui suit la transmission des pièces; mais ce délai n'est que comminatoire. Quand il est expiré sans que l'une des parties ait justifié sa demande ou fourni sa défense, il est assurément loisible à la partie adverse de s'en prévaloir pour requérir le jugement, mais si celle-ci ne le fait pas, et si la première, mème après ce délai, justifie sa demande ou produit sa défense, l'autre n'est pas fondée à prétendre qu'elle en doive être déchue, ni que la forclusion lui soit acquise de plein droit.

L'expiration du délai d'un mois a pourtant cet effet, de rendre impossible l'opposition à l'arrêt qui interviendrait par défaut (Voy. art. 20); et, comme en fait, un mois s'écoule toujours avant que la décision soit rendue, nous ne croyons pas que la jurisprudence offre d'exemples d'arrêts rendus sur opposition.

490.

Le rejet du pourvoi soumet la partie qui l'a formé à l'amende et à l'indemnité envers le défendeur, conformément aux art. 5, 25 et 35 du règlement de 1738. La décision du jury devient irrévocable, et les pièces qui auraient été envoyées à la cour de cassation retournent, par la même voie, au greffe du tribunal qui s'en était momentanément dessaisi.

Si, au contraire, la cassation est prononcée, les choses sont remises au même et semblable état où elles se trouvaient avant la décision annulée, et, par une conséquence naturelle, tout ce qui est l'œuvre du jury, et ce jury lui-même sont, pour celui qui a

triomphé dans son pourvoi, comme s'ils n'avaient pas existé. Pour les actes accomplis antérieurement à la désignation du jury une distinction est nécessaire. Ces actes subsistent, s'ils n'ont fait l'objet d'aucun moyen de cassation; ils peuvent, au contraire, être annulés, si le demandeur y a formellement conclu. (Voy. Cass. 26 mai 1840, Hanaire et Appay.)

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491. « Lorsqu'une décision du jury aura été « cassée, l'affaire sera renvoyée devant un nouveau << jury, choisi dans le même arrondissement. >> (Voy. art. 43, § 1o.)

L'article portait, en outre, dans le projet discuté en 1833: « Les membres du jury qui auront rendu « la décision annulée, ne pourront faire partie du « nouveau jury; » et la suppression de cette disposition avait fait penser qu'il n'était pas nécessaire que le jury fût entièrement composé de membres nouveaux. On rappelait, à l'appui de cette manière d'interpréter la loi, qu'il avait été dit, dans la discussion, qu'il serait souvent difficile de composer un jury sans y appeler aucun des anciens membres, et que, d'ailleurs, aucun motif véritable d'exclusion n'existait contre eux, puisque leur décision n'avait été cassée que pour vice de forme. La cour de cassation, avec raison, selon nous, s'est refusée à consacrer cette doctrine; elle a déclaré que l'art. 43, quand il parle d'un nouveau jury, et l'arrêt de cassation, lorsqu'il a renvoyé devant un autre jury, ont évidemment entendu, par nouveau et autre jury, un jury composé de jurés autres que ceux qui faisaient partie du premier. Si le second jury n'était pas entièrement nouveau, sa décision, entachée d'un vice

touchant à l'organisation de la juridiction, serait frappée d'une nullité d'ordre public qui ne pourrait être couverte ni par la comparution, ni par le silence des intéressés. (Voy. Cass. 8 juin 1853, préfet des Bouches-du-Rhône.)

Le jury ne serait pas véritablement renouvelé, s'il était placé sous la direction du même magistrat; la cour de cassation, en renvoyant devant un autre jury, ajoute toujours qu'il sera dirigé par un autre magistrat.

492.- Une demande en renvoi portée de prime abord devant la cour de cassation, sans instruction antérieure, sans documents, aurait présenté les inconvénients les plus graves et les complications les plus multipliées. D'une part, on n'aurait invoqué, le plus souvent, pour obtenir le renvoi, que des circonstances vagues, des calomnies de petite localité; d'autre part, il serait arrivé que, tandis que l'une des parties, pour la fixation d'une même indemnité, aurait demandé à la cour de cassation le renvoi devant le jury d'un arrondissement voisin, les autres parties ne l'auraient pas demandé; de manière que les indemnités relatives à un même immeuble auraient pu être fixées séparément par deux jurys différents statuant, chacun de son côté, sur la requête d'intéressés munis de droits distincts, mais susceptibles de s'exercer sur la même somme. Ces considérations firent renoncer, lors de la rédaction de la loi de 1841, à une innovation proposée par le gouvernement, et qui consistait à autoriser la demande en renvoi pour cause de suspicion légitime, avant que la décision du jury n'eût été rendue.

On ne pouvait, cependant, se dissimuler que, dans certaines circonstances, le jury se trouve soumis à des influences locales qui ne permettent pas d'obtenir une bonne et loyale appréciation. On a donc voulu que lorsque la cour suprême, ayant entre les mains tous les documents recueillis pour arriver à la fixation de l'indemnité, croirait reconnaître l'abus de ces influences, elle pût renvoyer devant un jury qui n'y fût pas soumis.

«< Néanmoins, dit l'art. 43, § 2, la cour de cassa<«<tion pourra, suivant les circonstances, renvoyer l'appréciation de l'indemnité à un jury choisi dans «< un des arrondissements voisins, quand même il appartiendrait à un département voisin. >>

Ce renvoi est prononcé d'office et la partie qui le demande n'a pas à en faire l'objet d'un chef de conclusion; il est simplement motivé sur les circonstances de la cause. (Voy. Cass. 20 avril 1843, BernexPhilipon.)

495. Il est procédé à la désignation du nouveau jury conformément à l'art. 30. (Voy. art. 43, § 3.)

En conséquence, la première chambre de la cour impériale, dans les départements qui sont le siége d'une cour impériale, et, dans les autres départements, la première chambre du tribunal du chef-lieu judiciaire, choisit, en la chambre du conseil, les jurés titulaires ou supplémentaires destinés à former le jury spécial. Ce choix a lieu, naturellement sur la liste, non plus de l'arrondissement où ont lieu les expropriations, mais sur celle de l'arrondissement indiqué par l'arrêt de renvoi.

Si le nouveau jury doit appartenir à un autre dé

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