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journellement encore le sujet des plus vives contro

verses.

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52. L'ordonnance du 9 mars 1845, qui déclare qu'il y a abus dans le mandement donné à Lyon, le 21 nov. 1844, par le cardinal archevêque de Lyon (le cardinal de Bonald), offre un exemple éclatant de l'application de l'art. 6 de la loi du 18 germinal dans la disposition qui prévoit l'attentat contre les libertés gallicanes (1). Le motif de la déclaration d'abus à cet égard est que « Le cardinal archevêque « de Lyon, en attaquant l'autorité de l'édit de << mars 1682, de l'art. 24 de la loi du 18 germi« nal an X et du décret du 25 février 1810, a com« mis un attentat aux libertés, franchises et coutu<< mes de l'Église gallicane, consacrées par ces actes « de la puissance publique.

53. Toute entreprise ou tout procédé qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression, ou en injure, ou en scandale public. Les quatre premiers cas d'abus embrassent les actes incompatibles avec l'ordre

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(1) Le mandement avait été donné et imprimé sous ce titre : Mandement de S. E. Mgr. le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon et de Vienne, primat des Gaules, etc., portant condamnation d'un livre intitulé Manuel du droit public ecclésiastique français, par M. Dupin, docteur en droit, procureur général près la cour de cassation, député de la Nièvre, etc., etc. (Paris, 1844); et d'un récit du même auteur intitulé Réfutation des assertions de M. le comte de Montalembert dans le manifeste catholique.

Le rapport fait sur cette importante affaire par M. le conseiller d'État Vivien, a été publié au Moniteur du 28 mars 1845, et se trouve reproduit dans le recueil des arrêts du conseil (vol. de 1845, p. 154), et au Journal du Palais (t. IX, p. 497).

public; ils sont destinés à protéger les intérêts généraux de la société ; voici maintenant le cinquième et dernier qui prévoit les actes contraires aux droits privés des citoyens, les actes hostiles aux intérêts que la société civile garantit à chacun de ses membres. La définition est générale, un peu vague même; on s'est manifestement proposé de laisser la plus grande liberté au conseil d'État; on a voulu que l'intervention lui fût possible toutes les fois qu'il la jugerait nécessaire.

Ce n'est point en vue de la prospérité de la religion, du maintien de la pureté de ses doctrines, ce n'est point en vue de la conservation de la foi que le cinquième cas d'abus a été déterminé. Vainement se plaindrait-on d'un acte du gouvernement intérieur de l'Église, d'un acte pris et devant produire ses effets dans la sphère religieuse; tout, dans ce cas, se passe dans le domaine de la conscience; l'acte ne puise sa force que dans les croyances de celui qu'il atteint, pourquoi donc chercher à lui ménager une protection en dehors de ces croyances? Le refus de sépulture chrétienne, de prières, de sacrements ne touche que l'homme religieux, il est dès lors, rationnel que le ministre n'ait à rendre compte.. de ces sortes de faits qu'à son supérieur ecclésiastique.

Le conseil d'État se fait un devoir de se guider sur ce principe dans l'accomplissement de la mission qui lui a été impartie, de réprimer les actes de nature à troubler arbitrairement les consciences; attentif à ne pas se laisser entraîner à rechercher et interpréter en ces matières les règles canoniques, il ne reconnaît et

ne proclame l'existence d'un abus que dans le cas où l'arbitraire a pris les caractères de l'oppression ou dans le cas où l'acte dont on se plaint a, en raison des conditions dans lesquelles il s'est produit, constitué une injure ou un scandale public. En même temps, en effet, qu'il déclare que « le refus d'admi<< nistrer le baptême à un enfant sur le fondement" « que la personne (1) que les parents ont char« gée de veiller à sa conservation et de le pré<< senter à l'Église n'est pas agréée par le curé ou « desservant de la paroisse, est abusif » (Voy. ord. 11 janvier 1829, Bogard), il décide que du moment qu'un refus de confession n'a point dégénéré en injure ni en scandale public, ce n'est qu'à l'autorité ecclésiastique supérieure qu'il doit être déféré. (Voy. ord. 28 mars 1831, Rouzeaud.) La même doctrine se retrouve dans une ordonnance du 21 décembre 1838; on y lit « que le refus de sépulture catholique fait « par l'autorité ecclésiastique au comte de Montlosier, dans les circonstances qui l'ont accompagné, << et qui sont constatées par l'instruction, constitue « un procédé qui a dégénéré en oppression et en scan« dale public, et rentre dès lors, dans les cas prévus « par l'art. 6 de la loi du 18 germinal an X. >>>>

M. de Cormenin, dont la critique vive et savante s'est exercée sur ces matières délicates (2), ne pro

(1) L'enfant avait été présenté par la sage-femme, la dame Bogard, et c'est sur le recours formé au nom de cette dame et de son mari qu'il y a eu déclaration d'abus.

(2) Ce fut précisément à l'occasion de l'affaire de Montlosier que M. de Cormenin publia, sous le titre de Défense de l'évêque de Clermont, un de ses plus virulents pamphlets.

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fesse pas d'autre opinion. « Selon nous, dit-il, l'of« fice du prêtre, renfermé dans son église, est tout «< spirituel.

<< S'il n'y a que refus de sacrement, sans accom« pagnement d'injure articulée et personnelle, il n'y a << pas abus extérieur dans le sens légal de l'abus. Il n'y a donc lieu qu'à l'appel simple devant le mé<< tropolitain, dans l'ordre de la conscience et selon « les règles et l'application des canons. Car, ou vous «< croyez ou vous ne croyez pas. Si vous ne croyez << pas, ne demandez pas à l'Église ce qu'elle n'ac<< corde qu'aux croyants. Si vous croyez, si vous avez « la foi, soumettez-vous à ceux qui gouvernent la foi. « Est-ce comme citoyen que vous entrez dans l'É«< glise? Non, c'est comme chrétien. Est-ce à un << fonctionnaire que vous vous adressez? Non, c'est « à un prêtre. Est-ce un acte matériel, authentique, « probatif, légal que vous demandez? Non, c'est une grâce ou une prière; or, qui est juge, unique juge, << de savoir si vous avez droit à cette grâce, à cette

prière, si ce n'est le prêtre ou son supérieur dans « l'ordre hiérarchique ? Que si vous prétendez con«traindre le prêtre dans une chose toute volontaire, << vous n'aurez pas une véritable prière, mais des << murmures de lèvres, vous n'aurez pas les grâces << d'un sacrement, mais le mensonge d'une profana<< tion. Vous ne voyez pas non plus, qu'en vous mê<< lant des affaires du prêtre, vous lui donnez le droit « de se mêler des vôtres, et vous brisez imprudem<< ment de vos propres mains la barrière que la révo«<lution et la philosophie ont eu tant de peine à éle« ver entre le spirituel et le temporel.

« Autre argument contre l'abus pour refus de sépulture: Vous commettez un prêtre de bonne vo« lonté, sans frapper pour cela d'abus le récalcitrant. « Vous reconnaissez donc par là que l'abus n'est pas « dans le refus simplement négatif, mais dans le refus « accessoirement injurieux. Le refus tout nu de « prières est un cas spirituel, en ce qui touche la prière. Le refus accompagné d'injure est un cas << temporel, en ce qui touche l'injure. Portalis l'ancien << avait entrevu la distinction, et M. d'Hermopolis << aussi.» (Voy.l'Appendice, v° Appels comme d'abus.) 54. Après avoir appelé l'attention sur chacun des cas d'abus prévus et déterminés par l'art. 6 de la loi du 18 germinal an X, nous devons faire mention de la disposition que renferme l'art. 7 ; il porte : « Il y aura pareillement recours au conseil d'État, << s'il est porté atteinte à l'exercice public du culte, « et à la liberté que les lois et les règlements garan

<< tissent à ses ministres. »

La disposition a été dictée par un sentiment de juste réciprocité. Après avoir paré aux empiétements de la puissance spirituelle, il fallait proclamer et assurer son indépendance à elle vis-à-vis de la puissance publique. C'est dans cet esprit que la disposition doit être acceptée. Elle ne serait applicable que « si un officier civil abusait de son autorité pour « vexer les ministres du culte dans l'exercice de leurs fonctions, ou pour s'arroger des droits qu'il n'a « pas sur les matières spirituelles. Quant aux indé« cences dans les temples, aux coups, aux menaces << et autres voies de fait que les particuliers peuvent << se permettre ou contre les ministres ou contre les

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