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CHAPITRE V

ACCENTUATION DES TENDANCES VERS LA FORMULE

CLASSIQUE

LA RENAISSANCE ET L'INFLUENCE ITALIENNE. L'ECOLE LYONNAISE

LES VRAIS PRECURSEURS DE RONSARD

BIBLIOGRAPHIE1

Michelet. Histoire de France, La Renaissance, 1857, Paris, éd. Calmann-Lévy.

Lavisse. Histoire de France, publiée sous la dir. de Lavisse, V: La France sous Charles VIII, Louis XII et Fran çois Ier, par H. Lemonnier, 1903, Paris Hachette. Sainte-Beuve. Tableau de la poésie au XVI siècle, ouv. cité. Darmesteter et Hatzfeld. Le Seizième siècle en France, ouv. cit.

De Nolhac. Pétrarque et l'humanisme, 1892, Paris, Bouillon.. J. Vianey. Le Pétrarquisme en France au XVIe siècle, 1909, Paris, Masson.

E. Picot. Les Français italianisants au XVIe siècle, 1906-07, Paris, Champion.

E. Bourciez. Les mœurs polies et la littérature de Cour sous Henri II, 1886, Paris, Hachette.

Arthur Tilley. The Literature of the French Renaissance. 1904, Cambridge, Univ. Press.

P. Blanchemain. Poètes et amoureuses. Portraits littéraires du XVIe siècle, ouv. cit.

Ferdinand Gohin. Antoine Heroët, Euvres poétiques, 1910,
Collection des Textes français modernes, Paris, Hachette.
J. Arnoux. Un précurseur de Ronsard: Antoine Heroët, néo-
platonicien et poète, 1913, Digne, Imp. Chaspoul.
Louise Labé. Œuvres, éd. Prosper Blanchemain, 1875, Paris,
Lib. des Bibliophiles; Euvres, éd. Charles Boy 1887, Paris,
Lemerre; Elégies et Sonnets, éd. Tancrède de Visan, 1910,
Paris, Sansot.

Ch. Boy. Recherches sur la vie et les œuvres de Louise Labé. (Au tome II des Euvres), 1887, Lemerre.

Sainte-Beuve. Louise Labé, Nouveaux Lundis, IV, Portraits contemporains, V, ouv. cit.

O. de Magny. Ed. Courbet, 1871-81, Paris, Lemerre.

1 Voir la Bibliographie générale, page VI,

J. E. Favre. Olivier de Magny, 1885, Paris Garnier. Maurice Scève. Délie, Objet de plus haute vertu, 1544, Scheuring, 1862, Lyon; éd. E. Parturier, Collection des Textes français modernes, Paris, Hachette.

Albert Baur. Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise, 1906, Paris, Champion.

Brunetière. Un précurseur de la Pléiade, Maurice Scève, Etudes Critiques, VI, Hachette.

Pernette du Guillet. Rimes de Pernette du Guillet, Scheuring, Lyon, 1864.

Marie de Romieu. Euvres, éd. Jouaust, 1878. (Collection cabinet du bibliophile).

J'ai parlé plus haut des signes d'une première Renaissance. L'effort va être d'autant plus puissant qu'il s'était trouvé retardé. Mais il ne faut pas considérer la Renaissance du XVI° siècle comme une révélation soudaine de l'Antiquité, puisque bien avant le XVIe siècle, on avait commencé à ouvrir les routes qui devaient y conduire et que d'ailleurs, le moyen âge n'a jamais complètement ignoré les Latins et les Grecs. La Renaissance du XVIe siècle a seulement complété un travail qui n'était encore qu'ébauché. La révélation fut dans l'éveil du sens artistique, dans le sentiment plus intime de la beauté de la forme aussi bien que dans l'élévation des idées. Il semble que la pureté et l'harmonie de la ligne antique se soient alors imposées à la littérature comme aux arts.

Les connaissances du moyen âge relatives à l'antiquité, dit un savant historien,' lui avaient seulement servi de moyen « de parvenir à une intelligence plus profonde du christianisme et à l'amélioration de la vie morale ». Avec l'humanisme, l'étude des Latins et des Grecs n'a d'autre objet qu'elle-même.

Le mouvement qui commence en Italie au XIV siècle ne se termine en France et en Angleterre qu'au XVI, où, à la même époque, la Réforme donne à la personnalité une impulsion qui aura son importance au point de vue du lyrisme.

L'antiquité était, il faut en convenir, sous les rapports politique, philosophique, littéraire, très supérieure à l'Europe des XIV et XVe siècles. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ait exercé un si grand

1 J. A. Symonds. Renaissance in Italy.

empire et que la plupart des esprits élevés, actifs, élégants, difficiles, aient pris en dégoût les mœurs grossières, les idées confuses, les formes barbares de leur temps et se soient voués avec passion à l'étude et presque au culte d'une société à la fois plus régulière et plus développée. »1

Une première renaissance avait eu lieu en Italie avec Dante (1321), Giotto (1336) et Pétrarque (1374). Florence en avait été la capitale. Ces artistes et surtout le dernier, avaient fondé «l'humanisme »>, donné la vraie méthode pour entreprendre des études classiques et préconisé l'enseignement du grec. Leur exemple fut suivi par le Pogge et Cyriac d'Ancône. Une deuxième renaissance se fit au XVe siècle et marqua un retour aux idées platoniciennes, à TiteLive et à Vitruve. Les grandes familles des Gonzague et des Este protégèrent les arts. Florence, Rome, Venise, Naples, Pavie, Milan, Urbin, Crémone et Sienne, furent des centres artistiques merveilleux. On y voyait à profusion les colonnades, les arcs de plein. cintre et les portiques enguirlandés de fleurs qui semblaient avoir poussé dans la pierre. Il fallait à l'Italien du temps quelque chose qui sût charmer ses regards, et c'est pour lui que Mantegna, Pérugin, Verrochio, Giotto, Ghiberti, Donatello, Brunellesco, Cimabue et tant d'autres, faisaient des merveilles.2

Le gentilhomme italien, tel que Castiglione, puis Boiardo, le dépeignent, en l'opposant au <<< barbare du nord » est un délicat qui aime les arts, mesure ses phrases, choisit ses mots, et prend pour modèles, jusque dans sa vie privée, les grands hommes de l'antiquité. Ses vrais maitres sont Virgile, Cicéron, Aristote, Plaute et Térence qu'il entend expliquer à Bologne, à Salerne et à Padoue, dans les universités où l'on commence déjà à étudier les systèmes philosophiques.

L'impulsion fut donnée à la France par l'intermédiaire de ses armées qui envahirent l'Italie. Charles

1 Guizot

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Histoire de la Civilisation en Europe, Paris, Perrin. 2 V. Histoire de France publiée sous la direction de Lavisse, V. Paris, Hachette.

3 Dans l'Orlando Innamorato.

VIII, roi romanesque, vit servir ses projets de conquête par de Vesc et Briçonnet, ses favoris et saisit l'occasion que lui offraient les revendications des descendants de Charles et de Louis d'Anjou sur le royaume de Naples. Louis XII, « bonasse et bourgeois, »> continua cependant la conquête. François Ier «brillant et chevaleresque », qui la reprit ensuite, goûta mieux que personne les charmes de la civilisation italienne et voulut l'apporter en France.

Peut-on imaginer l'étonnement et l'admiration des. conquérants qui franchirent les Alpes, à leur arrivée dans les cités italiennes? Ils ne connaissaient d'autres palais que leurs châteaux-forts. Ils n'avaient jamais admiré que la masse du Louvre ou l'austérité du château de Vincennes. Et voici que sous leurs yeux, se multipliaient les portiques, les terrasses, les jardins, voici qu'ils s'arrêtaient devant les fresques et les statues des églises et des palais, que les dômes des cathédrales de Florence et de Rome se dressaient, grandioses, devant eux et qu'ils trouvaient même entre les doigts crispés de leurs adversaires morts des poignées d'épées ciselées par des Cellini! Tous alors, fils de bourgeois ou rejetons des nobles ne pensèrent au départ qu'à une seule chose, emporter les trésors qu'ils avaient sous les yeux, et la Renaissance italienne passa les Alpes avec eux.

On aperçut l'antiquité à travers l'Italie; mais d'abord on vit surtout l'Italie et l'on dut en parler longuement au retour dans les festins et aux veillées. Tout fut à l'italienne, modes et chansons. Nous en avons encore de nos jours la preuve dans le grand nombre de mots qui passèrent dans notre langue et qui y sont restés depuis.' Ce fut le commencement du règne de l'idéalisme mièvre qui durera jusqu'à ce que l'esprit prenne sur lui la revanche qu'il avait déjà prise une fois au moyen des fabliaux. Ce fut en même temps le retour du lyrisme provençal, car il ne faut pas oublier que les « maestros d'amour » s'étaient réfugiés en Italie à la fin du XIII° siècle, et y avaient

1 Arquebuse, arsenal, artisan, bastion, cavalerie, fresque, médaille, etc. (Voir Nyrop, Grammaire historique de la langue française, vol I, p. 55.), Paris, A. Picard et fils.

formé Perceval Doria, Lanfranc Cigala, Malaspina et surtout, ceux qui leur firent le plus honneur, Dante et Pétrarque.

Une des premières conséquences de l'italianisme est un essor de la personnalité. Cet essor qui coïncide avec le retour des idées chevaleresques et la mode des tournois se manifeste dans l'expression de l'amour platonique. On revient à l'amour de Tristan pour Yseult, de Dante pour Béatrice et de Pétrarque pour Laure de Noves. Il en résulte que l'influence italienne tend à relever de plus en plus la conception de la poésie lyrique.

C'est ainsi que la teinte italienne domine dans l'école lyonnaise où l'on pousse fort loin le pétrarquisme dans les idées et dans la forme.

Cette école cut un précurseur dans Antoine Heroët de Maison Neuve(?1492-1568), évêque de Digne, qui se rendit célèbre par la publication de sa Parfaicte Amye (1542), « petit œuvre, dit Pasquier, mais qui, en sa petitesse surmonte les gros ouvrages de plusieurs », et dont le succès se prolongea même pendant la période glorieuse de la Pléiade. La question de l'amour et de la femme intéressait du reste tout le monde; on venait de traduire Il Cortegiano (1528), Le Courtisan de Castiglione (1478-1529), et La Borderie s'en était inspiré pour composer son Amye de Court (1542) où, à l'encontre de Heroët, il peint la femme en coquette qui n'aime que la galanterie et pour qui le calcul est à la base de toutes les actions, conception à laquelle Charles Fontaine s'attaqua dans << Contr' Amye de Court » où il se fit l'avocat de l'Amour sincère.

Dans la Parfaicte Amye, Heroët plaide en faveur de l'amour idéal qui mène sûrement aux joies les plus pures. La Parfaicte Amye est donc une espèce d'art d'aimer, ou, comme l'a écrit l'auteur, le livre de la « parfection d'amour ».

C'est l'amie elle-même qui parle. Dans le premier livre, elle définit le caractère de son amour.

J'ay veu Amour pourtraict en divers lieux:
L'ung le painct vieil, cruel et furieux,

L'autre plus doux, enfant aveugle et nud;

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