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par l'autorité compétente, les mesures nécessaires pour éviter l'approche d'un autre bâtiment (1).

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M. Ruben de Couder a dit, v° Abordage marit., no 94: Un capitaine doit éviter d'appareiller la nuit. Ord. de 1681, tit. des Rades». L'ordonnance de 1681, tit. des Rades (art. 5), s'est exprimée en ces termes : « Quand un vaisseau en rade voudra faire voile pendant la nuit, le maître sera tenu, dès le jour précédent, de se mettre en lieu propre pour sortir, sans aborder ou faire dommage à aucun de ceux qui seront en même rade, à peine de tous dépens, dommages et intérêts et d'amende arbitraire ». C'est Valin qui, commentant cet article, a dit : « Il serait bien difficile qu'un vaisseau destiné pour un voyage de long cours fit voile pendant la nuit, tant il a de préparatifs et de manœuvres à faire avant le départ, quoiqu'on se soit précautionné plusieurs heures auparavant. Quelle raison d'ailleurs de partir la nuit pour un pareil voyage»? Tout est transformé, dans la navigation maritime, depuis le dix-huitième siècle, et Valin tiendrait de nos jours un autre langage. D'abord il est d'usage, dans les pays tropicaux, d'appareiller à l'entrée de la nuit pour profiter de la brise de terre qui s'élève dans la soirée : là non seulement on peut, mais on doit attendre l'entrée de la nuit pour appareiller (2). Même ailleurs, la présomption de l'abordage ne pèse plus sur le navire qui a mis à la voile pendant la nuit. L'invention même des feux destinés à guider les navires après le coucher du soleil aurait levé les derniers doutes, si la moindre équivoque avait pu subsister sur ce point (3). Le tribunal de Marseille a sans doute jugé le 2 mai 1870 (4) qu'un capitaine se trompe lorsque, appareillant la nuit dans une rade où se trouvent plusieurs navires et où il peut rencontrer des courants, il ne prend pas la précaution d'avoir ses ancres et ses chaînes prêtes à être mouillées dans le cas où les courants l'entraîneraient vers les navires à l'ancre dans le voisinage la faute consistait, dans l'espèce, non à quitter le mouillage pendant la nuit, mais à le quitter sans prendre les précautions nécessaires.

On devrait, néanmoins, se conformer au règlement d'un port qui interdirait l'appareillage de nuit (5). Autrement, on enfreindrait non l'article 24, mais l'article 25 du règlement international (6).

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(1) Journ. du dr. intern. privé, t. XI, p. 76. (2) Rouen, 10 février 1857. Rec. du H. 57. 2. 54. - (3) Bordeaux, 16 juillet 1856. Rec. du H. 57. 2. 56. (4) Rec. de M. 1870. 1, 176. Cf. Aix, 15 décembre 1870, et Mars., 22 mai 1874. Rec. de M. 71. 1. 194. · (5) Arrêt précité de la cour de Bordeaux et Caumont, vo Abordage marit., n. 136. (6) Conf. ord. de 1681, I. V, tit. VI, art. 13.

Il faut combiner, ainsi que je l'ai fait plus haut (n. 1087), les prescriptions du règlement international non seulement avec les règlements spéciaux des ports, mais avec le règlement de février 1867.

Par exemple, un navire aborde ou est abordé parce qu'il n'a pas occupé la place fixée par l'officier de port (art. 6 règl. gén.) ou parce qu'il ne s'est pas amarré aux boucles, pieux, bornes ou canons placés sur les quais (art. 7) ou parce qu'il a refusé de recevoir une aussière et de larguer ses amarres pour faciliter les mouvements des autres navires (art. 8) ou parce que, amarré dans le port, il n'avait pas de gardien à bord (art. 9) ou parce que le capitaine ou gardien n'avait pas, en cas de nécessité, doublé les amarres (art. 10) ou parce qu'on a, sans autorisation, travaillé au lestage ou au délestage pendant la nuit (art. 17). II s'expose à encourir la responsabilité de l'abordage.

De même, s'il enfreint les règlements spéciaux (1). Par exemple, l'article 3 du règlement spécial au port de Marseille est ainsi conçu Lorsque les navires seront placés perpendiculairement aux quais, ceux du premier rang, c'est-à-dire les plus rapprochés du quai auront toujours chacun deux amarres sur le quai et une ancre à la mer. Ceux du second rang auront chacun une ancre à la mer et deux amarres en chanvre sur le quai. Ceux des autres rangs auront chacun une ancre à la mer et deux amarres en chanvre sur le rang précédent. Le mouillage d'une seconde ancre pourra toujours être exigé par les officiers de port». Le navire qui contrevient à l'une de ces prescriptions s'expose encore à encourir la responsabilité de l'abordage.

C'est ainsi que, en rade d'Anvers, les steamers à pas de vis droit, qui arrivent de mer, doivent, par une nécessité nautique, se porter sur la rive droite au moment où ils arrivent au coude du fleuve, afin de pouvoir éviter vers la rive gauche (2). On pourrait multiplier ces exemples.

1102. L'article 26, précédé de la rubrique « Feux spéciaux pour les bâtiments de guerre naviguant ensemble ou pour les convois », est ainsi conçu : « Ces règles ne doivent en rien gêner la mise à exécution de toute prescription spéciale faite par un gou

(1) V. sur la nécessité de ces règlements spéciaux, pour éviter l'abus des abordages, dans le Journal des intérêts maritimes d'Anvers, du 18 décembre 1884, l'article intitulé: Police des quais et bassins. (2) Bruxelles, 12 déc. 1883 (précité). Est en faute le steamer qui, devant Anvers, pouvant faire son évitage sans encombre en aval de la pointe des Anguilles, vient le faire entre les musoirs des deux bassins au moment de leur ouverture (même arrêt).

vernement quelconque, quant à un plus grand nombre de feux de position ou de signaux à mettre à bord des bâtiments de guerre, au nombre de deux ou davantage, ainsi qu'à bord des bâtiments à voiles naviguant en convoi ».

Enfin voici la disposition finale du règlement : « Lorsqu'un bâtiment est en détresse et demande des secours à d'autres navires ou à la terre, il doit faire usage des signaux suivants, ensemble ou séparément, savoir: pendant le jour : 1o coups de canon tirés à intervalles d'une minute environ; 2° le signal de détresse du code international indiqué par N. C.; 3° le signal de grande distance, consistant en un pavillon carré ayant, au-dessus ou au dessous, une boule ou quelque chose ressemblant à une boule. Pendant la nuit: 1° coups de canon tirés à intervalles d'une minute environ; 2° flammes sur le navire, telles qu'on peut les produire au moyen d'un baril à goudron ou à huile en combustion, etc.; 3° bombes ou fusées, de quelque genre ou couleur que ce soit, lancées une à une, à de courts intervalles ».

1103. Nous ne saurions terminer ce chapitre sans entretenir nos lecteurs d'une institution qui n'a pas pour but unique de prévenir les abordages, mais qui donne souvent le moyen de les prévenir nous voulons parler du «< code international de signaux à l'usage de toutes les nations (1) ».

On avait travaillé pendant un demi-siècle à la création d'un recueil général de signaux à l'aide duquel les navires de toutes les nations, quelle que fût la langue de leurs équipages, pourraient échanger entre eux des avis et des demandes motivés par les besoins et les dangers de la navigation. Dès 1818 et 1820, avaient paru en Angleterre les codes marchands de Tynn et de Squire; en 1836, celui de Philipp. L'ouvrage du capitaine Marryat, plus connu, fut édité pour la dernière fois en 1854, en même temps que paraissait le code français Reynold et le code américain Rogers. Cette variété d'ouvrages faisait encore mieux ressortir le besoin d'un code unique. En 1856, un comité composé par le gouvernement britannique rédigea un projet de code universel, qui fut édité à la suite d'un laborieux examen de treize livres de signaux appartenant à diverses nations et mis en ordre par M. Larkins, du Board of trade. Une commission nommée par les gouvernements de la France et de l'Angleterre y introduisit les changements nécessaires pour que les navires pussent

(4) Nous avons sous les yeux l'édition française de 1882, qu'a bien voulu nous communiquer M. le ministre de la marine, avec les suppléments de 1883 et de 1884. Cette édition annule les éditions antérieures à 1878.

communiquer à grande distance et de se mettre facilement en rapport avec les sémaphores. « Au moyen de dix-huit pavillons combinés deux à deux, trois à trois et quatre à quatre, lit-on dans un rapport du ministre Chasseloup-Laubat à Napoléon III, on obtient plus de soixante-dix-huit mille combinaisons, nombre plus que suffisant pour exprimer toutes les communications nécessaires à la mer et pour signaler les noms des bâtiments de guerre et de commerce des différentes nations; enfin, pour les signaux de grande distance, un nombre également suffisant de combinaisons est obtenu par l'emploi de trois boules et de deux pavillons ». Le décret du 25 juin 1864 fut ainsi conçu : « Le code commercial des signaux à l'usage des bâtiments de toutes nations, tel qu'il a été adopté par la commission anglo-française, sera seul employé par les bâtiments français pour toutes les communications à la mer échangées soit entre eux et avec les sémaphores, soit avec les bâtiments étrangers » (art. 1). « Tout bâtiment de notre marine impériale et tout sémaphore des côtes de France devront être munis du dictionnaire, des pavillons et autres objets nécessaires pour l'échange des communications avec les navires de commerce Français et étrangers, d'après le système de signaux déterminé par ledit code» (art. 2). « Nos bâtiments de guerre continueront à communiquer entre eux et avec les sémaphores Français au moyen des signaux actuellement en usage dans la marine impériale » (art. 3). « Seront envoyés aux chambres de commerce des ports, par les soins de notre ministre secrétaire d'Etat de la marine et des colonies, des exemplaires 1° du dictionnaire du code commercial de signaux, ainsi que de la liste des bâtiments français et étrangers et de leur numéros officiels dans le code commercial des signaux; 2o de la carte des sémaphores français. Seront également envoyés aux chambres de commerce des modèles : 1o de la série universelle des pavillons du code commercial des signaux; 2° et des boules noires employées pour les signaux à grande distance ».

Ce code renferme les éléments d'une langue maritime universelle qui s'exprime soit par des signes extérieurs (pavillons, flammes, boules, etc.), soit par des signes écrits ou caractères, selon que les bâtiments veulent communiquer par la voie des signaux ou par écrit. Les signes écrits ou caractères, au nombre de 18, sont: B, C, D, F, G, H, J, K, L, M, N, P, Q, R, S, T, V, W. A chaque caractère correspond un signe extérieur portant son nom. Les mots et les phrases nécessaires pour l'échange des idées ont comme équivalents des groupes de 2, 3 ou 4 signes.

Les groupes de deux signes sont les combinaisons de B avec les dix-sept autres caractères, combinaisons dans lesquelles B

occupe le premier rang, puis celles de C avec les dix-sept autres caractères et ainsi de suite jusqu'à W: B C, BD..., C B, CD..., WB. WC..., WV. Ces groupes sont réservés pour les avis pressés et importants. Par exemple: HT signifie : j'ai une avarie dans la mâture; HV: j'ai une avarie dans le gouvernail, je ne puis gouverner; HW: j'ai une avarie dans la machine; JD : vous courez sur un danger; JT: virez de suite; JW: mettez en panne, stoppez de suite; KC: diminuez de voile; il n'est pas prudent d'aller si vite. Marchez doucement; KD: continuez votre route; LS: prenez la mer de suite, gagnez le large, etc. Les groupes de trois signes sont affectés aux demandes et renseignements les plus utiles lors des rencontres en mer. Par exemple, BCG signifie: abandonnez le bâtiment aussitôt que possible; BCP je n'ai pas l'intention d'abandonner le bâtiment; BFR: il y a eu abordage entre... (vessels indicated); BFV: j'ai (or vessel indicated has) eu le malheur de couler un bâtiment; BHC: ne coupez pas vos mâts; CVL: je désire faire des signaux, voulezvous venir à distance commode de signaux? CVP: avez-vous vu le signal? CWD: annulez le dernier signal; CWF: on voit les pavillons, mais on ne comprend pas le signal; DBJ: avez-vous des fusées ? DCB: hissez vos couleurs, etc.

Les groupes de quatre signes sont affectés aux communications moins usuelles et aux noms des bâtiments de guerre et de commerce. Par exemple: BCTH signifie : Saint-Pétersbourg; BDGT: Danemark; BGKJ: Dunkerque; BHGR: Marseille (1). Les signaux GQBC à WVTS sont affectés aux numéros distinctifs des navires, les combinaisons de GQBC à GWVT sont réservées aux bâtiments de guerre, celles de HBCD à WVTS (dont le signe supérieur est toujours un pavillon carré) sont destinées aux bâtiments du commerce.

A une très petite distance, deux navires peuvent communiquer entre eux en écrivant sur un tableau noir les groupes de consonnes affectés aux mots ou aux phrases qu'ils veulent échanger. Si l'éloignement est trop grand, ils doivent faire usage de signaux.

Dans les signaux du code international, les dix-huit caractères sont représentés par un guidon, quatre flammes et treize pavillons carrés (2) ces signes s'arborent sur une seule drisse, le signe supérieur correspondant au premier caractère du groupe

(1) Les noms géographiques et les signaux correspondants sont d'ailleurs réunis dans un index alphabétique (p. 278 à 317). (2) Ainsi la lettre H est représentée par un pavillon carré, blanc et rouge; la lettre K par un pavillon carré jaune et bleu, etc.

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