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SECTION VII.

Des choses sur lesquelles les emprunts à la grosse peuvent être affectés.

« En règle générale, observe Émérigon, tout ce qui peut former l'objet de l'assurance peut faire > celui du contrat à la grosse, pourvu que le risque » maritime et l'aliment de ce risque soient réels de » part et d'autre, et que rien ne répugne à l'essence » du contrat. » — (Voyez Émérigon, t. 4, p. 474.)

La nature particulière du contrat à la grosse ne permet pas que tout ce qui fait l'objet des transactions commerciales puisse indistinctement être affecté à un prêt à la grosse; il faut encore que ces choses soient susceptibles de courir les hasards d'une expédition maritime, les dangers de la mer : il faut d'ailleurs qu'elles soient certaines. Aussi, la loi ancienne et la loi nouvelle ont-elles spécialement désigné toutes les choses qui peuvent faire l'objet du contrat à la grosse.

L'art. 2, titre des contrats à la grosse, de l'Ordonnance de la marine, porte : « L'argent à la › grosse pourra être donné sur le corps et quille du » vaisseau, ses agrès et apparaux, armement et victuailles, conjointement ou séparément, et sur

> le tout ou partie de son chargement, pour un voyage entier ou pour un tems limité.

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De son côté, le nouveau Code de commerce, mettant plus d'ordre et de clarté dans sa disposition, dit, art. 315: Les emprunts à la grosse peu» vent être affectés,

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» Sur le chargement;

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» Sur la totalité de ces objets conjointement, ou » sur une partie déterminée de chacun d'eux.

L'objet du contrat à la grosse indique effectivement assez que les navires sont au premier rang des choses sur lesquelles on peut emprunter. L'argent donné sur le corps et quille du navire, s'entend, dit Valin, du prêt d'une somme pour être

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employée au paiement des frais de radoub, ce qui > comprend les bois et autres choses qui y servent, » les journées de charpentiers, calfats, et autres

>> ouvriers. »

Sous les anciens us et coutumes de la mer, on ne prenait point d'argent à la grosse sur le corps du navire. Il n'êtait d'usage d'en prendre que sur les victuailles et radoubs, ainsi qu'on le voit par l'art. 1. du ch. 18 du Guidon, qui porte: « Les > maîtres de navires, ou bourgeois de la nef, qui » n'auront le pouvoir ou les commodités pour met» tre hors leurs navires, et qui ne pourront fournir » les victuailles, radoubs, agrès, apparaux, et

» cotes-parts,..... prendront argent à profit sur le voyage qu'ils espèrent. »

« Le prêt fait sur les agrès et apparaux, poursuit › Valin, regarde les voiles, cordages, vergues, pou» lies et autres ustensiles du navire.

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>> Celui qui est fait sur l'armement et les victuailles » est borné aux canons et autres armes, aux vivres > destinés pour la nourriture des gens de l'équipage et passagers, aux munitions de bouche et de » guerre. Il faut ajouter à la définition de Valin que le prêt sur l'armement comprend aussi les avances faites à l'équipage, et tous les frais faits jusqu'au départ du navire. (Voyez Valin, sur l'art. 2, titre du contrat à la grosse.)

Enfin, le prêt à la grosse, fait sur le chargement, comprend toutes les marchandises dont est formée la cargaison du navire. Cela s'appèle aussi prêt sur facultés.

Si l'argent est donné sur facultés, le contrat affecte non seulement les objets chargés dans le navire lors du départ, mais encore ceux chargés pour le compte du preneur pendant le voyage, en cas que le contrat renferme la clause de faire échelle. Il affecte même les retours pour le compte du preneur, si le contrat est d'entrée et de sortie du port de destination, et si les marchandises de retour sont chargées sur le même navire, c'est-à-dire sur le navire désigné dans l'acte de grosse ; car le privilége, observe Émérigon, « ne frappe pas sur les » marchandises que le preneur charge volontaire

> ment, et sans nécessité, dans d'autres navires; » le risque de pareilles marchandises est étranger » au donneur, quand même elles seraient les re> traites des effets primitifs. »(Voyez Emérigon, t. 2, p. 476.)

D'un autre côté, si le contrat n'est point d'entrée et de sortie du port de destination; si l'emprunt n'a été que pour l'aller, il n'affecte point les marchandises que le preneur aurait achetées au lieu de la destination, ou pendant la traversée de retour. Il est du plus grand intérêt de s'expliquer formellement à cet égard, en déclarant qu'on affecte les marchandises d'entrée et de sortie, si l'on veut que les retours le soient également.

Lorsque d'ailleurs l'argent est donné sur facultés, cela suffit, dans l'usage, pour que le contrat embrasse l'entier intérêt qui appartient au preneur, tant sur la cargaison proprement dite que sur les pacotilles. Il en serait autrement si l'on prenait de l'argent sur la cargaison, et de l'argent sur les pacotilles alors ces deux objets feraient deux masses séparées, qui produiraient aussi des retours séparés, comme il a été jugé, le 21 juillet 1779, par arrêt du Parlement d'Aix, rapporté par Émérigon, t. 2, p. 475, § 2.

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Au reste, il n'est pas nécessaire qu'on entre dans le détail des marchandises qu'on a achetées ou qu'on a le dessein d'acheter; il suffit que l'aliment du risque se trouve dans le navire.

D'un autre côté, quand la loi parle du charge

ment, cela ne s'entend pas seulement des marchandises chargées par le propriétaire du navire; le mot chargement s'applique à toutes marchandises chargées, soit par l'armateur, soit par un marchand chargeur, de manière que quiconque charge des effets dans un navire peut prendre de l'argent à la grosse sur ces effets.

Les emprunts à la grosse peuvent être affectés tout à la fois et conjointement sur le corps et quille du navire, sur les agrès et apparaux, sur l'armement et les victuailles, et sur le chargement; ils peuvent n'être aussi affectés que sur une partie déterminée de chacun de ces objets; par exemple, sur telles marchandises; ce qui exclut absolument toutes celles qui appartiennent au même propriétaire, et qui sont chargées dans le même navire, lesquelles ne seraient pas de nature, d'espèce ou de qualité, susceptible d'entrer dans la désignation portée au contrat; enfin, sur une quotité quelconque, un quart, une moitié, une telle pacotille, relativement au reste. Mais de ce qu'on aurait emprunté une somme moindre que la valeur de la marchandise, comme 20,000' sur un chargement de 40,000', il ne s'ensuivrait pas de là que le prêt ne fût que sur une portion de ce chargement. Comme l'emprunt porterait généralement sur toute la marchandise, sans spécification d'une quotité quelconque, la marchandise serait, par cela même, affectée dans sa totalité aux effets de l'emprunt. On peut n'emprunter que sur le corps et quille

T. III.

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