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SECTION XV.

De la Responsabilité du prêteur, en cas de naufrage et perte partielle.

La raison veut que celui qui est tenu de supporter la perte, lorsqu'elle est entière, la supporte à proportion, lorsqu'elle est moindre. C'est pourquoi l'Ordonnance de la marine disposait, art. 17 du titre des contrats à la grosse :

« Seront toutefois, en cas de naufrage, les contrats à la grosse réduits à la valeur des effets › sauvés. »

Cette disposition est passée toute entière dans l'art. 327 du nouveau Code de commerce, qui porte:

«En cas de naufrage, le paiement des sommes > empruntées à la grosse est réduit à la valeur des » effets sauvés et affectés au contrat, déduction faite des frais de sauvetage. »

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Mais quoique la loi ne parle que du cas de naufrage, il faut faire observer, avec Pothier et tous les auteurs, que le cas de naufrage n'est ici énoncé que comme un exemple. Il en doit être de même, c'est-à-dire, l'art. 327 est applicable, dans tous les cas auxquels, par une force majeure, un cas fortuit, quelque partie des effets affectés au prêt à la

grosse a été perdue, et le surplus sauvé. Si l'on pouvait avoir quelques doutes à cet égard, ils seraient dissipés par la disposition de l'art. 325, qui s'applique à tous les cas fortuits quelconques. Dans tous ces cas, soit qu'il y ait eu naufrage, et ensuite sauvetage, soit qu'il y ait eu pillage du vaisseau par des forbans qui aient emporté une partie de la cargaison et laissé le reste; dans tous ces cas, disons-nous, la loi nouvelle, comme l'ancienne, veut que les sommes empruntées à la grosse soient réduites à la valeur des effets sauvés ou laissés. Voyez Pothier, contrat à la grosse, no. 47. )

Lors donc qu'on se trouve au cas de prise, de naufrage, de bris, d'échouement, etc., la perte entière légale est encourue; il s'agit alors de sauvetage. L'obligation personnelle du preneur est éteinte; il ne reste au donneur qu'une simple action réelle, et les sommes empruntées sont réduites à la valeur des effets sauvés. Mais outre cette action, le donneur a encore l'action negotiorum gestorum contre celui qui a administré la chose sauvée.

Le preneur n'est pas obligé de faire abandon pour demeurer quitte de son engagement. Le sinistre majeur le délie ipso jure de l'action personnelle dérivant du contrat. De son côté, le donneur est saisi de droit des effets sauvés, dès le moment du sinistre majeur; les effets sauvés sont soumis au paiement de sa créance, déduction faite des frais de sauvetage, et sauf le fret ou nolis, si le prêt à la grosse n'était fait que sur le chargement ou partie

du chargement. Il en serait autrement, si les deniers à la grosse avaient été fournis sur le corps et quille du navire: le privilége du donneur embrasserait non seulement les débris du navire, mais encore le fret ou nolis des marchandises sauvées. -(Voyez ce que nous avons dit, à cet égard, à la sect. 11.)

Pothier demande si, dans l'hypothèse où nous raisonnons, le profit maritime est aussi dù proportionnellement à la somme à laquelle montent les effets sauvés? Il répond que non; car, dit-il, › l'Ordonnance porte: Seront..... les contrats à la grosse réduits à la valeur des effets sauvés. Ces » termes comprennent toutes les obligations que le › contrat renferme, celle de payer le profit mari> time comme celle de restituer la somme prêtée; > toutes ces obligations sont réduites à la valeur des effets le prêteur ne peut donc demander pour > tout ce qui lui est dû par le contrat que la valeur des effets sauvés, et rien de plus; il ne peut donc pas demander un profit maritime, outre la valeur > des effets sauvés. »

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Mais il faut faire observer que le Code de commerce ne s'exprime point de la même manière, et que l'interprétation de Pothier, qui ne nous paraît pas d'ailleurs très-exacte, ne saurait être appliquée au texte de la loi nouvelle. Elle ne dit pas que le contrat, mais que le paiement des sommes empruntées sera réduit à la valeur des effets sauvés d'où il suit que la loi nouvelle ne restreint que

l'obligation de payer la somme prêtée, et qu'elle n'éteint pas celle de payer le profit, au moins proportionnellement à la valeur des effets sauvés.

En effet, le capital de la somme et le profit maritime sont dus sur les choses affectées au prêt. Si les choses sauvées ne sont que d'une valeur inférieure ou égale à la somme prêtée, le preneur se rembourse sur cette valeur, et alors il ne reste plus rien pour faire face au profit maritime dù. Mais si les effets sauvés sont d'une valeur supérieure à la somme prêtée, le preneur, après s'être remboursé de son capital, se fait payer du profit maritime sur ce qui reste de la valeur des effets sauvés bien entendu qu'il n'aura aucun recours contre l'emprunteur, si cette valeur est insuffisante. C'est aussi l'avis de M. Locré, sur l'art. 327 du Code de commerce.

Nous devons faire aussi remarquer que l'Ordonnance ne portait que ces mots : Seront réduits à la valeur des effets sauvés, et que la loi nouvelle ajoute ceux-ci : Et affectés au contrat. C'est peutêtre parce que ces derniers mots ne se trouvaient pas dans l'Ordonnance, que nous voyons controversées parmi les auteurs des questions très-importantes, relativement aux effets sauvés et affectés au prêt à la grosse.

D'abord, lorsque le prêt à la grosse a été fait sur les effets d'un chargement d'une valeur supérieure à la somme prêtée, doit-il être réduit, en cas de naufrage ou autre accident, à la valeur du

total des effets de ce chargement qui ont été sauvés, ou seulement à la valeur d'une portion des effets sauvés correspondante au montant du prêt? En d'autres termes, le prêteur prendrait-il la totalité des effets sauvés, en supposant toutefois qu'ils n'excédassent pas ce qui lui est dû, ou s'il viendrait à contribution avec l'emprunteur; savoir: le prêteur, jusqu'à concurrence de la somme prêtée, et l'emprunteur pour l'excédant? Par exemple, la valeur du chargement est de 20,000'; le prêt est de 15,000', mais fait sur le chargement en totalité; on ne sauve que pour 4,000' d'effets; le prêteur touchera-t-il ces 4,000' en entier, ou n'en recevra-t-il que 3,000, faisant les trois quarts des effets sauvés, comme la somme de 15,000' prêtée faisait les trois quarts du chargement?

Valin, se fondant sur l'analogie qu'il y a entre le prêt à la grosse et celui d'assurance, décide que le contrat à la grosse doit être réduit à la valeur, non du total des effets sauvés, mais de la portion desdits effets, qui soit en même raison avec le total desdits effets, qu'était la somme prêtée avec le total du chargement. En conséquence, selon lui, le prêteur ne devrait recevoir, dans l'exemple donné, que les 3,000 faisant les trois quarts des effets sauvés. (Voyez Valin, sur l'art. 11 du titre des contrats à la grosse.)

Pothier, ibid., n°. 49, combat cette doctrine. Lorsque, dit-il, on fait assurer une certaine › somme sur un chargement d'une valeur plus

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