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SECTION I.re

De la Forme extrinsèque du Contrat à la grosse.

Nous considérerons le contrat à la grosse sous sa forme extrinsèque et sous sa forme intrinsèque. Quant à sa forme extrinsèque, nous n'avons aucune formule fixe ni imprimée de ce contrat ; il en est autrement pour le contrat d'assurance. L'acte de grosse est dressé en la manière que les parties trouvent à propos. Il suffit qu'on s'explique sans équivoque, qu'on insère les clauses convenables, et qu'on ne stipule rien qui soit contraire à la nature du contrat.

L'édit du mois de décembre 1657 avait créé des offices de notaires-greffiers, pour recevoir les contrats à la grosse et tous autres contrats maritimes, à l'exclusion de tous autres notaires. Le nouveau Code de commerce, comme l'Ordonnance de 1681, art. 1., titre des contrats à la grosse, a dérogé à cette disposition prohibitive; et aujourd'hui les contrats à la grosse peuvent être faits pardevant tous notaires, ou sous signature privée.

« Le contrat à la grosse est fait devant notaire » ou sous signature privée. » (Art. 311 du Code de commerce.)

De sorte que le contrat à la grosse sous signature privée est légal, par cela seul que cette forme, adoptée par l'Ordonnance, est confirmée par la loi nouvelle; et de même que les polices d'assurance faites sous seing privé concourent avec celles passées devant notaires, il en est ainsi des actes à la grosse.

Ainsi, il faut ici rejeter l'opinion de Pothier, no. 29, contrat à la grosse, qui dit que la date des actes sous signature privée n'est pas réputée certaine à l'égard des tiers, si elle n'est constatée d'ailleurs que par l'acte. Cette règle n'a lieu qu'en matière d'hypothèques ; il en est autrement lorsqu'il s'agit de privilége. (Voyez Valin, art. 16, titre de la saisie, et Emérigon, Traité des assurances.)

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Néanmoins, on sent fort bien qu'il était de la plus haute importance, pour garantir la foi publique de toutes sortes de surprises, d'assujétir ces actes à la formalité de l'enregistrement au greffe du tribunal de commerce, faute de quoi ils ne pourraient nuire à des tierces personnes, ni pour l'exercice du privilége, ni pour le paiement maritime.

Il est vrai que l'Ordonnance ne prescrivait pas cette formalité; mais son commentateur Valin la réclamait, attendu, disait-il, que l'esprit de fraude n'a que trop souvent abusé de la faculté de faire les contrats à la grosse sous seing privé et même devant notaire, en supposant des prêts de cette na

ture, ou en leur supposant une fausse date, tandis qu'au fond, ce n'étaient que des prêts simples de sommes pour lesquelles les donneurs n'avaient couru aucuns risques.- (Voyez Valin, sur l'article 1., titre des contrats à la grosse.)

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Le tribunal de commerce de Bordeaux reproduisit au Conseil d'état la réclamation de Valin, et par les mêmes motifs. Tout contrat qui peut » être exécuté au préjudice d'un tiers, observait > ce tribunal, doit nécessairement avoir une date. » certaine et un caractère authentique.»

(Voyez observations du tribunal de commerce de Bordeaux, t. 2, 1ore. partie, p. 181.)

Valin voulait que le contrat fût enregistré aussitôt que les risques commenceraient à courir.

La Cour royale de Rennes trouva ce terme trop indéfini, et proposa d'exiger l'enregistrement dans un délai fixe et déterminé, à compter de la date du contrat. (Voyez observations de la Cour de Rennes, t. 1o, p. 343.)

De son côté, la commission pensait qu'il était suffisant que l'acte fùt enregistré avant le départ.

Le Conseil d'état préféra le système de la Cour royale de Rennes, et le législateur consacra ces principes dans l'art. 312 du Code de commerce, qui porte :

Tout prêteur à la 'grosse, en France, est tenu » de faire enregistrer son contrat au greffe du tri> bunal de commerce, dans les dix jours de la date, à peine de perdre son privilége.

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Et si le contrat est fait à l'étranger, il est sou» mis aux formalités prescrites à l'art. 234. »

Il résulte de la généralité des termes de cet article que le contrat devant notaires est assujéti à l'enregistrement, comme l'acte fait sous seing privé.

La déclaration du 21 octobre 1727 exigeait que dans les pays étrangers les actes de grosse fussent passés en la chancellerie du consulat de France. « Déclarons nuls et de nul effet, porte l'art. 30, » tous les actes de cette nature qui auront été faits » et passés pardevant les notaires des pays étran» gers, et défendons à toutes nos Cours et juges d'y avoir aucun égard. » Aujourd'hui, il importe peu par quelles personnes les actes de

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grosse aient été faits et passés ; il importe peu qu'ils aient été passés devant notaires ou sous seing privé, pourvu qu'ils aient été autorisés par le consul français, ou à défaut, par le magistrat des lieux, sur le vu d'un procès-verbal, signé des principaux de l'équipage, qui constate la nécessité de l'emprunt, conformément à la disposition de l'art. 234 du Code de commerce.

La formalité de l'enregistrement, en France, et de l'autorisation du consul français, en pays étrangers, aurait été inutile, si elle n'avait été prescrite au prêteur à peine de perdre son privilége. Cette peine est la conséquence nécessaire des motifs qui ont dicté la disposition de l'art. 312. Au moyen de ces formalités, le contrat à la grosse, fait devant notaire ou sous signature privée, produit tous ses

effets, même à l'égard des tiers; et sans ces formalités, le prêteur perd son privilége à l'égard des autres créanciers de l'emprunteur.

Il faut bien observer que cette disposition est absolue; de manière, par exemple, que l'enregistrement opéré après les dix jours ne ferait pas renaître le privilége du prêteur.

Cependant, à défaut de l'enregistrement dans les dix jours, le préteur, ou donneur, perdra-til indistinctement son privilége contre tous les créanciers de l'emprunteur? Nous pensons que, comme la formalité de l'enregistrement n'est préscrite que pour obvier aux fraudes, et qu'il est impossible d'en supposer dans le contrat, rela→ tivement aux tiers qui ne deviennent créanciers de l'emprunteur qu'après l'enregistrement tardif, nous pensons qu'à leur égard l'enregistrement, à quelque époque qu'il soit fait, pourvu qu'il l'exprime par la date, conserve le privilége du prêteur; celui-ci ne perdra son privilége que contre ceux dont les titres seront antérieurs à l'enregistrement, qui, dans ce cas, n'a point d'effet rétroactif. C'est aussi l'opinion de MM. Locré et Laporte, sur l'article 312 du Code de commerce.

Il suit de là que l'enregistrement, après les dix jours, ne fait pas remonter le privilége au jour de l'acte ; le privilége ne commence qu'au moment de l'enregistrement du contrat à la grosse.

Ainsi, l'enregistrement de ce contrat, quoique tardif, c'est-à-dire fait après les dix jours de sa

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