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navire à Saint-Domingue, qui sera de trois mois: alors les risques ne courent que pendant le tems limité de trois mois, et le prêteur n'est point tenu de ceux qui arriveraient depuis l'expiration de ce tems, si le navire n'avait pas terminé dans les trois mois son voyage de Saint-Domingue.

Il est vrai que Targa pense, au contraire, que, dans l'espèce, le voyage désigné forme l'objet principal du contrat à la grosse, et que le tems limité est un simple accessoire, qui a été ajouté, non pour déterminer le risque avant que le voyage soit fini, mais bien pour grossir le change, à proportion de la plus longue durée du voyage; qu'ainsi, il est juste que l'emprunteur parvienne au lieu de sa destination, pour qu'il se mette à même de payer le capital prêté et le profit maritime. - (Voyez Targa, ch. 33, note 13.)

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Il est vrai aussi que cette question est décidée ainsi en matière d'assurance, par l'art. 35 de l'Ordonnance de la marine, qui porte: « Si le voyage › est désigné par la police, l'assureur courra les risques du voyage entier, à condition toutefois › que si sa durée excède le tems limité, la prime > sera augmentée à proportion, sans que l'assu> reur soit tenu de rien restituer, si le voyage dure > moins.» (Voyez Pothier, Traité des assurances, n°. 62.)

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Quoiqu'il semble d'abord qu'il en dût être de même en matière de contrat à la grosse, il faut répondre, avec Émérigon : « Le texte de la loi 6,

» ff de nautico fœnore, décide que le donneur ne répond de la perte que dans le cas où le navire périt › dans les limites du tems convenu: Si navis intra › præstitutos dies periisset. L'Ordonnance ne déroge point à cette loi générale : il faut donc s'y te»nir, etc. Les présomptions légales sont de droit » étroit. L'Ordonnance a décidé que si le voyage > était désigné par la police, l'assureur serait pré»sumé avoir voulu courir les risques du voyage » entier, moyennant une augmentation de prime; » mais l'Ordonnance n'a pas établi une égale présomption à l'égard du donneur: il n'est donc » pas permis de la suppléer; il faut que le contrat » renferme à ce sujet un pacte spécial, ou quelque » clause qui indique que le donneur s'est soumis > aux risques de l'entier voyage.»-(Voyez Émérigon, t. 2, p. 518.)

d'en

On peut prêter d'entrée et de sortie à tant pour cent par mois. Par exemple, pour un voyage trée à la Martinique, et de sortie de cette île. Les risques subsistent tant que n'est voyage pas fini; seulement, le profit maritime n'est acquis qu'à proportion du tems que le voyage a duré.

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Targa nous apprend qu'en Italie on donne quelquefois à la grosse pour un tems illimité, sans désignation de voyage: de manière qu'il dépend alors de l'une ou de l'autre des parties de terminer le contrat quand elle le trouve bon, pourvu que ce ne soit pas en tems inopportun. Nos deniers laissés par continuation ou par renouvellement, ont

quelque rapport à cet usage. — (Voyez Targa, ch. 33, not. 11, 12, 14 et 15. )

Dans les contrats à la grosse pour un tems limité; par exemple, si j'emprunte pour le tems fixe de six mois, à compter du jour où le navire met à la voile, le risque cesse à l'égard du prêteur, dès que le tems limité de six mois est passé, et le change maritime lui est définitivement acquis à cette époque, quoique le navire soit encore en risque Post diem præstitutam, et conditionem impletam, periculum esse creditoris desinit. (L. 4, de nautico fœnore; Pothier, contrat à la grosse, n°. 36. )

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Mais si pendant ce tems limité de six mois, le navire a fait relâche ou starie dans un port de la route, ces jours de relâche doivent-ils être comptés dans le tems limité de six mois, ou doiventils être pris en dehors? Il faut répondre, avec Émérigon, d'après Stypmannus, que le cours du tems limité n'est pas interrompu par la starie dans un port de la route, parce que, pendant ce séjour. forcé ou volontaire, il est possible que le navire périsse par fortune de mer. Il en est de même pour le déradement: il faut, dans l'un ou l'autre cas, une convention spéciale pour que le tems des staries intermédiaires ou dérademens soit déduit du tems limité par le contrat. Ainsi, le risque finit au terme fixé par l'acte de grosse. (Voyez Ėmėrigon, t. 2, p. 517.)

On insère quelquefois dans ces sortes de prêts,

la clause à tant pour cent par mois, non excédant un an, ou la clause pour trois mois, et à prorata non excédant une année. Alors le risque court jusqu'à la fin de l'année, qui est le terme limité, et à l'échéance de laquelle le capital prêté et le profit ou change maritime sont définitivement acquis au prêteur ou donneur à la grosse.

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J'ai vu, dit Émérigon, des contrats à la grosse d'entrée et de sortie d'un tel endroit, moyennant le change de douze pour cent (plus ou moins), pour le voyage non excédant six mois, et au prorata pour le surplus. Dans ce cas, les risques sont toujours à la charge du prêteur, pendant le cours du voyage désigné; mais si le voyage dure moins de six mois, les premiers douze pour cent sont acquis au prêteur, et s'il dure davantage, le profit ou change maritime est augmenté en proportion. (Voyez Émérigon, t. 2, p. 518.)

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Ce savant jurisconsulte propose, à l'endroit cité, la question suivante: Je donne une somme, dit»il, pour l'entier voyage. Je stipule douze pour » cent pour les premiers six mois, et j'ajoute que » les premiers six mois de change me seront acquis, malgré la perte du navire survenue après. Le navire périt après cette époque. Suis-je fondé à deman» der les premiers six mois?»

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Il est certain qu'un tel pacte est illicite et contre la nature du contrat à la grosse, parce que, ainsi que l'observe Émérigon lui-même, le change ou profit maritime étant un accessoire inséparable du

capital, il s'ensuit que la perte du tout concerne le prêteur. « Cependant, dit-il, le contraire est ad» mis parmi nous, et l'on ne peut justifier cet usage qu'en distinguant les cas. »

D'abord, il suppose que le navire est arrivé dans les premiers six mois aux îles de l'Amérique française, et que le preneur ait fait des profits qu'il ait pu mettre à terre, et dont il lui a été libre d'envoyer une partie pour payer les premiers six mois. Alors, s'il ne remplit pas cette obligation, on peut l'y contraindre, nonobstant le sinistre survenu après, parce que, dans ce cas, il faut discerner deux voyages; le premier, depuis le départ primitif jusqu'à l'endroit où le preneur a pu employer partie de ses profits au paiement du profit maritime des premiers six mois échus, et le second voyage, depuis ce dernier endroit jusqu'au véritable lieu de la destination du navire. Ce serait, en quelque sorte, un renouvellement ou continuation de

contrat

Dans l'espèce où nous raisonnons, Émérigon pense même que le preneur ou emprunteur, à l'époque des premiers six mois, pourrait se dégager de toute obligation, en envoyant au prêteur de quoi payer le capital et le change acquis.

Mais il suppose ensuite que le navire ait péri après l'échéance du premier terme, mais avant d'avoir abordé dans un lieu où l'emprunteur ait pu faire aucun envoi; alors, il pense que l'emprunteur est délié de toute obligation. «En effet,

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