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pres biens, avec son créancier donc l'assureur, qui ne peut exercer que les droits de l'assuré, doit être également primé par le donneur.

Valin, de son côté, désapprouvait fortement cette disposition de l'Ordonnance; il la regardait comme portant une décision incompatible avec les principes et les règles de la justice, et il raisonnait dans ce sens S'il y a un chargement de 20,000, sur lequel il y ait un prêt de grosse de 10,000', il n'y a que la moitié du chargement affectée au donneur; il n'a pas fourni un sou pour les autres 10,000'. Que ces autres 10,000 aient été fournis par un autre prêteur, soit ordinaire, soit à la grosse, soit enfin par les propres fonds et deniers du chargeur; dans tous ces cas, il y a une société tacite pour l'événement de ce chargement par fortune de mer, entre tous ceux qui ont fourni les fonds. On ne connaît aucune raison solide pour traiter le donneur à la grosse, sur un chargement dont il n'a fourni que la moitié, plus favorablement que l'assureur, qui représente celui qui a fourni l'autre moitié des fonds de ce chargement, tandis que, s'il y avait deux donneurs à la grosse, il faudrait bien qu'ils vinssent en concurrence. »

Valin, sur cet art. 18 de l'Ordonnance, rapporte la lumineuse discussion qui eut lieu à cet égard entre ces célèbres jurisconsultes; mais les raisons de Valin parurent dès lors tellement décisives, que l'amirauté de Marseille convint, d'après avis unanimes, que le systême de l'Ordonnance n'était

fondé uniquement que sur la faveur du commerce,' et qu'on n'avait accordé de si grands priviléges aux contrats à la grosse, que parce qu'alors l'argent donné de cette manière procurait les armemens et facilitait beaucoup la navigation. - (Voyez Valin, ibid., Émérigon, t. 2, p. 234 et 255; Pothier, n°. 49-)

Mais, comme véritablement c'est l'intérêt bien entendu du commerce qui doit être pris en considération et servir de règle en cette matière, la disposition de l'Ordonnance ne pouvait plus être maintenue, et l'opinion de Valin devait triompher. En effet, la navigation et le commerce n'avaient pas, en 1681, l'étendue qu'ils ont acquise depuis ; et si alors l'argent pris à la grosse était regardé comme un des grands moyens d'encouragement à la navigation, il en est tout autrement à l'époque où nous sommes: le contrat d'assurance est aujourd'hui, de tous les contrats maritimes, le plus utile, le plus nécessaire même à la prospérité, à l'extension de la navigation, qui, sans ce contrat, serait absolument restreinte dans les bornes les plus étroites. Le système des assurances s'étant amélioré depuis » 1681, disait l'orateur du Gouvernement, les rap> ports ont entièrement changé. Il serait actuelle>ment impossible qu'un grand commerce subsis> tât sans assurances; il serait impossible qu'il sub> sistât long-tems avec les contrats à la grosse. La » raison de la préférence accordée à cette dernière » espèce de contrat a donc cessé, et il a fallu ren

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> trer, par une route presque opposée, dans ce > même systême d'équité que l'Ordonnance avait » établi sous des rapports différens..

En conséquence, il fut décidé que lorsqu'il y aurait en même tems assurance et prêt à la grosse sur le même objet, cet objet serait affecté à l'assureur et au prêteur, proportionnellement à leur intérêt, et qu'en cas de sinistre majeur, ils concourraient, sur le produit des effets sauvés, au marc le franc de cet intérêt.

S'il y a contrat à la grosse et assurance sur le même navire ou sur le même chargement, porte » l'art. 334 du Code de commerce, le produit des > effets sauvés du paufrage est partagé entre le prê» teur à la grosse, pour son capital seulement, et » l'assureur, pour les sommes assurées, au marc > le franc de leur intérêt respectif, sans préjudice des priviléges établis à l'art. 191. »

Ainsi, il n'y a plus maintenant de préférence pour le donneur à la grosse; il vient en concours avec l'assureur sur les effets sauvés, mais pour son capital sculement. Quelques auteurs, et sur-tout M. Delvincourt, avaient, à cet égard, trouvé une espèce d'antinomie entre cet article et l'art. 191. Nous croyons avoir répondu d'une manière satisfaisante sur ce point, en parlant des priviléges sur les navires.(Voyez t. 1, p. 146 et suiv.)

Émérigon, t. 2, p. 236, demandait si le privilége accordé par l'Ordonnance au prêteur sur l'assureur, devait avoir licu pour les contrats à la grosse

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passés dans l'étranger? Nous n'avons plus à nous occuper de cette question, puisque ce privilége a été aboli par la loi nouvelle; de sorte que, soit que le contrat à la grosse ait été fait à l'étranger, soit qu'il ait été fait en France, la règle est toujours la

même.

Mais nous devons faire observer qu'il ne faut pas perdre de vue que l'art. 331 ajoute, sans préjudice des priviléges établis par l'art. 191. Ces derniers termes indiquent d'abord que la contribution ne se fait qu'après l'exercice des priviléges .qui passent avant celui du donneur à la grosse et de l'assureur; et 2°. que la loi excepte de sa disposition un cas particulier auquel elle ne peut s'étendre.

En effet, lorsque le capitaine, dans une relâche, émprunte à la grosse pour les besoins du navire, et affecte le navire déjà assuré, le prêteur doit primer les assureurs, non seulement pour son capital, mais bien aussi pour le profit maritime, parce qu'ayant prêté pour secourir la chose assurée, il est censé avoir prêté pour le compte des assureurs eux-mêmes. (Voyez observations de la Cour de cassation, t. 1, n. 22.)

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TITRE X.

DES ASSURANCES.

L'ASSURANCE, dans le sens le plus étendu, est un contrat par lequel un homme s'engage à indemniser le propriétaire d'une chose quelconque, des accidens qui peuvent arriver à cette chose, comme l'assurance pour garantir les événemens d'incendie, les transports faits par terre.

Mais nous n'entendons ici, par assurance, que le contrat par lequel un homme répond à un autre de la perte et des accidens qui peuvent arriver à un navire et à sa cargaison pendant le voyage, et cela pour une somme d'argent à tant pour cent de la valeur des choses, que lui paie le propriétaire du bâtiment et de son chargement. Si la navigation est heureuse, il est quitte de tout remboursement; si, au contraire, la navigation est malheureuse, il fait bon de tout le désastre et de toutes les pertes, suivant une juste évaluation, dès que la nouvelle du sinistre est arrivée, ou dans un tel délai réglé par les conventions, ou par le droit maritime. L'instrument du contrat, qui est dressé selon les lois nautiques, se nomme police d'assurance. Le prix de l'assurance, c'est-à-dire ce que l'assuré paie à l'assureur, s'appèle prime d'as

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