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SECTION IX.

Du tems et du lieu des risques maritimes.

De ce que la perte arrive sur mer, il ne s'ensuit pas que les assureurs en soient responsables; il faut de plus qu'elle arrive dans le tems et le lieu des risques.

Il semble qu'avant de parler de la durée des risques maritimes en matière d'assurance, les rédacteurs du nouveau Code de commerce auraient dû nous faire connaître quelle était la nature et l'espèce de ces risques. Mais pour ne pas nous écarter du plan que nous nous sommes tracé dans cet ouvrage, nous nous en occuperons en examinant l'art. 350 ci-après.

Quoi qu'il en soit, nous avons vu que les risques sont de l'essence du contrat d'assurance comme du contrat à la grosse; ce sont les mêmes principes et les mêmes règles qui fixent le tems de leur durée, dans l'absence de toutes conventions à cet égard de la part des parties contractantes.

D'abord, il est de règle que l'assurance pour un voyage s'entend toujours du premier voyage que le navire entreprend. Si le navire est déjà en route, l'assurance concerne le voyage commencé, et non pas le voyage qu'il fera dans la suite. Aussi,

presque toutes les formules de police portent qu'on se fait assurer sur les marchandises qui ont été ou seront chargées dans tel navire. Cependant nous avons sous les yeux une formule de Nantes, qui porte seulement : Depuis l'embarquement jusqu'au débarquement, etc.

:

On pensait autrefois que si le tems des risques n'était pas déterminé par la police, on pouvait appliquer l'assurance à tel voyage qu'on trouvait à propos de sorte qu'avant de commencer le voyage pour lequel l'assurance était faite, on pouvait en entreprendre un autre. Mais cette doctrine a été proscrite par les auteurs et la jurisprudence, comme contraire aux véritables maximes en matière d'assurance. Aujourd'hui, il est de principe que si, avant que le voyage assuré soit commencé, le navire en entreprend un autre, l'assurance est nulle, et la prime doit être restituée : Si navis mutaverit iter, vel ceperit secundum viaggium, assecuratores pro primo viaggio non tenentur. - (Voyez Roccus, not. 2, et Décision de la Rote de Gênes, n°. 2; voyez d'ailleurs Émérigon, t. 2, p. 46.)

Il est un autre principe non moins essentiel et non moins incontestable, c'est que l'assurance concerne le seul voyage qui est désigné dans la police. C'est pourquoi il faut bien distinguer le voyage assuré d'avec le voyage du navire, et ne considérer le voyage que fait le vaisseau que pour le conférer avec le voyage désigné dans la police: Cum viaggio promisso, et comprehenso in assecuratione. Cette dis

tinction est de la plus haute importance.-(Voyez Roccus, no. 18 et 52.)

Nos lois nautiques distinguent la route d'avec le voyage. Par voyage, elles entendent parler du voyage assuré, et par route, de la route qui est propre à ce voyage. Ainsi, la route est la voie que l'on prend pour faire le voyage assuré : Est iter viaggii.

On sait que le mot viaggium n'est pas latin; il est employé par les auteurs, sur-tout par les auteurs italiens, pour désigner le voyage même; et le mot iter, pour désigner la route et la direction du voyage assuré : Distinguitur iter à vaggio. (CasaRegis, disc. 67, no. 24.) La route peut, en divers cas, être changée ou altérée, sans que le voyage assuré soit ni altéré, ni changé.

Pour bien caractériser le voyage assuré, il faut faire abstraction du voyage du navire: Independenter se habet assecuratio à viaggio navis. Par exemple, j'assure jusqu'à Cadix les navires le DuguayTrouin et la Gloire, qui vont de Saint-Malo à Toulon. Le voyage assuré ne sera que de Saint-Malo à Cadix, tandis que le voyage des navires sera de Saint-Malo jusqu'à Toulon.

Voyage assuré est un nom de droit, nomen juris, comme l'observe Casa-Regis, dont la vertu dépend des pactes du contrat d'assurance, et qui est qualifié par ses extrêmes, c'est-à-dire par le lieu ou le tems d'où les risques commencent à courir pour le compte des assureurs, et par le lieu ou le tems où

le risque cesse d'être à leur charge.—(Voyez CasaRegis, disc. 67, no. 5 et 31.)

Nous avons vu, à la sect. 2 de ce titre, que l'art. 332 du Code de commerce dit que la police exprimera le port d'où le navire devra partir ou sera parti, et les ports ou rades dans lesquels il devra décharger: Nomen loci ubi navis oneratur, et nomen loci quò navis tendit. (Voyez Stypmannus, part. 4, cap. 7, no. 336.) Ces deux extrêmes sont le terme à quò et le terme ad quem. Ainsi, dans l'exemple que nous venons de donner, le terme à quò du voyage assuré est Saint-Malo, et le terme ad quem est Cadix.

En matière d'assurance, toute navigation assurée, quelque compliquée qu'elle soit, constitue un voyage simple. On considère moins le voyage du navire que celui qui est déterminé par la police. Ainsi, l'assurance faite pour l'aller et le retour, ou pour l'aller, où pour le retour, ou seulement pour une partie de la route, ou pour un tems limité, caractérise le voyage assuré, à l'égard des parties contractantes, quoique le navire eût la permission de faire échelle et de toucher dans tous les ports de la route. Que l'assurance ait été faite, ou pour l'aller, ou pour le retour, ou pour un tems limité, le voyage assuré est toujours parfait et entier; et le voyage assuré n'en est pas moins simple et un, quand même l'assurance aurait été faite pour un voyage autour du Monde.

Il en est de même pour les voyages de caravane :

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la caravane est une multiplicité de petits voyages d'un port à l'autre, qu'un capitaine fait dans le cours de sa navigation. Ces divers petits voyages, pris cumulativement, ne forment qu'un voyage unique et principal. Cependant, il est rare qu'une assurance soit faite pour tout le tems de la caravane. On est dans l'usage de limiter un terme, après lequel les assureurs cessent de courir les risques maritimes. Le propriétaire fait ensuite faire de nouvelles assurances pour un autre tems limité, de manière qu'une même caravane peut opérer divers voyages assurés.

Les mêmes règles s'appliquent à la navigation au petit cabotage, qui se fait de port en port, de cap en cap et de côte en côte. Les assurances se font ordinairement à ce sujet pour un tems limité. Il arrive aussi que, très-souvent, un voyage assuré comprend plusieurs petits voyages que le navire fait de port en port.

Maintenant, les risques maritimes se mesurent if sur l'étendue du voyage assuré; ils existent, pour le compte des assureurs, pendant tout le tems de ce voyage, à moins qu'il n'y ait rupture, déroutement, etc., d'après l'art. 551 du Code de commerce. Alors, il s'agit de savoir de quel moment courent ces risques et à quelle époque ils finissent.

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Nous devons rappeler ici, pour le contrat d'assurance, ce que nous avons déjà fait observer pour le contrat à la grosse. La loi n'enlève pas aux parties la faculté de développer ou de modifier ses dis

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