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la proie des pirateries du Gouvernement anglais. Quinze mille marins, et plus de trois cents bâtimens français, estimés trente millions, avaient été déjà pris avant la déclaration de guerre. Les assurances, qui avaient d'abord été portées jusqu'à quarante-cinq et cinquante pour cent, finirent par cesser entièrement. (1)

«

Cependant Pothier nous apprend que les assu» reurs anglais, qui, avant les hostilités de 1755, » avaient assuré pour une prime modique plusieurs » de nos navires, ne firent aucune difficulté de

(1) « L'amiral Boscawen ayant rencontré, près des bancs » de Terre-Neuve, deux vaisseaux de ligue que le brouil» lard avait séparés d'une flotte française, les assura qu'on » était en paix; ensuite il les attaqua et les prit!..... Une » conduite si étrange était conforme à celle du ministère >> britannique, qui, ne cessant de faire de nouveaux arme» mens, protestait toujours au trop crédule ambassadeur » de France, le duc de Mirepois, que son intention n'était >> pas de donner atteinte à la paix générale...., et que cer»tainement les anglais ne commenceraient pas les hosti»lités.

>> Combien de négocians français, victimes de cette po» litique insidieuse, furent ruinés! Que de matelots, en» tassés dans différentes prisons, y souffrirent du défaut de » subsistances, etc.! Ces procédés inhumains, avouons-le >> pour l'honneur de la nation anglaise, furent désapprouvés >> par ceux qui en étaient la partie la plus éclairée. » — (Voyez M. de Sainte-Croix, histoire de la puissance navale de l'Angleterre, t. 2, p. 247 et 248.)

T. III.

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» payer le prix de leur assurance pour les navires > et effets qui, depuis les hostilités, furent pris par » les corsaires de leur nation, et ils ne demandé> rent aucune augmentation de prime. (Voyez Pothier, no. 83.)

}

Le même auteur rapporte néanmoins diverses sentences de l'amirauté de Paris, confirmées par arrêts, qui ont dû alors augmenter la prime convenue en tems de paix; mais il faut faire observer avec Émérigon, que ces décisions ne furent point adoptées parmi les assureurs des places maritimes, sur-tout de Marseille, et que les dispositions des arrêts du Conseil, de 1748 et 1749, ne furent point renouvelées lors de la paix publiée en 1763.

Le savant annotateur de Pothier, M. Estrangin, prétend même, en parlant des sentences de l'amirauté de Paris, que c'est une erreur de Pothier, qui aura été mal instruit, ou que c'est une erreur des tribunaux qui auraient rendu de pareils jugemens.

Quoi qu'il en soit, ces arrêts du Conseil, ces décisions particulières, sont des actes de la puissance souveraine ou de l'équité des tribunaux, provoqués par des circonstances exorbitantes, qui ne peuvent tirer à conséquence, ni changer la règle générale.

Ainsi, les assureurs n'obtiennent de prime que celle qu'ils ont stipulée. La survenance de guerre ne l'augmente pas; le retour de la paix ne la fait pas baisser. La prime telle qu'elle a été stipulée, » dit Valin, s'exécute sans augmentation, si elle

> est faite en tems de paix, quoique la guerre sur» vienne (c'est un point de jurisprudence dont » personne ne doute), et de même sans diminu» tion, nonobstant le retour de la paix, ayant été > stipulée en tems de guerre. » -(Voyez Valin, sur l'art. 7, titre des assurances; Émérigon, t. 1", p. 74; M. Estrangin, sur Pothier, no. 83.).

Au reste, quand les assureurs prévoient une guerre, ils ont soin de stipuler que la prime augmentera dans telle ou telle proportion, si cet événement arrive. De leur côté, les assurés, qui seraient tenus de payer la prime sans diminution, malgré le retour de la paix, ont aussi soin, lorsqu'ils prévoient ce retour, de stipuler que, cet événement arrivant, la prime sera réduite à un taux moindre.

hostilités ou

C'est ce qui a eu lieu dans presque toutes les places de commerce, depuis les voies de fait commises par les Anglais en 1755. Les assureurs et les assurés ont eu soin d'insérer dans les polices d'assurance la clause qu'en cas de guerre, représailles, la prime sera augmentée, etc. Aussi cette stipulation fait-elle partie des formules imprimées dont on se sert ordinairement; mais elle n'a pas été conçue partout de la même manière.

La première question que présentait à décider cette clause d'augmentation de prime en cas de guerre, était celle de savoir quand la condition de la survenance de la guerre est censée réalisée?

D'abord, il est de droit public que ce n'est pas une déclaration qui constitue l'état de guerre en

tre deux peuples; mais les hostilités qu'ils commettent l'un sur l'autre, et les torts qu'ils se font réciproquement. Ces actes de violence de la part d'une puissance envers les propriétés des sujets d'une autre puissance, sans être précédés d'une déclaration, sont autant de pirateries faites, non par des expéditions furtives, non furtivis expeditionibus, mais avec l'appareil d'une guerre ouverte, belli more, et qui doivent être considérés comme de véritables actes d'hostilités de nation à nation. C'est alors le cas de dire, avec Cicéron, inter bellum et pacem medium nihil est, il n'y a point de milieu entre la paix et la guerre. (V. Paterculus, lib. 2, cap. 22; Mably, Droit public de l'Europe, chap. 1, p. 29; Ciceron, philip. 8, cap. 1".)

La déclaration de guerre, à la vérité, est requise pour rendre les hostilités légitimes selon le droit des gens; mais que ces hostilités aient été légitimes ou non, qu'elles aient été précédées ou non d'une déclaration de guerre, elles n'en sont pas moins dans le fait des hostilités. «Or, dit Pothier, le > cas qu'ont eu en vue les contractans, dans la clause » d'augmentation de prime en cas de guerre, est le > seul fait d'hostilité qui se commettent en guerre, » et non leur légitimité, étant chose fort indiffé> rente par rapport au contrat d'assurance, que ces > hostilités se commettent d'une façon régulière ou » irrégulière. Ces hostilités sont, dans l'intention >> des contractans, un commencement de guerre, » et par conséquent sont renfermées dans la clause

» en cas de guerre, etc. Elles le sont même dans la » clause en cas de déclaration de guerre; car ces hos

tilités sont dans le fait une déclaration de guerre, » et celles que les parties contractantes avaient en > vue. » -(Voyez Pothier, Traité des assurances, n°. 84.)

des

En effet, l'intention des parties et la fin de la condition sont ici plus à consulter que le texte littéral du contrat. Les parties, en stipulant l'augmentation de prime en cas de guerre, ont eu éminemment en vue l'état de par guerre constitué hostilités quelconques. Il leur est indifférent, il est indifférent à l'objet du contrat d'assurance, que ces hostilités n'aient pas été accompagnées des formalités prescrites par le droit des gens.

Cependant, nous devons faire observer qu'il est nécessaire que les hostilités soient continues et aient des suites, pour caractériser un véritable état de guerre; car il pourrait arriver qu'une insulte faite au pavillon français fût désavouée et n'eût aucun résultat; mais la continuation des hostilités réalise l'état de guerre qui était encore incertain, et lui donne un effet rétroactif au moment du premier acte hostile.

D'après ces principes, les Cours souveraines ont toujours accordé par leurs arrêts l'augmentation de prime, de nolis et de change maritime, lors même que cette augmentation avait été stipulée depuis les hostilités connues et avant la guerre déclarée, et ont décidé ainsi que la condition d'aug

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