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ment du principal et du change maritime devra avoir lieu à Cadix, quoique le navire ne termine son voyage qu'à Marseille.

Chez les Romains, ce paiement se faisait entre les mains de l'esclave facteur; chez nous, il doit se faire entre les mains du prêteur, s'il est présent sur les lieux, ou de son représentant. Mais s'il n'y a personne dans le lieu où le risque est fini à qui l'on puisse payer le principal et le change nautique, Émérigon, ibid., p. 528, nous enseigne que le preneur a le choix ou de faire le dépôt judiciaire, ou de l'embarquer avec soi. «Dans ce dernier cas, dit-il, il sera déchargé de l'intérêt de terre jusqu'à son » arrivée; mais l'argent ou les effets qu'il embar» quera seront à ses risques. Si, pour remplir ses › engagemens, il tire volontairement des lettres › de change, elles seront pour son compte, à moins qu'il ne les ait tirées par ordre du créancier. »

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Il est en effet de toute équité que la lettre de change tirée par l'ordre du créancier voyage pour son compte; le preneur a acquitté sa dette du moment qu'il a exécuté cet ordre; il a, par l'effet de la lettre de change, effectué son paiement au désir de son créancier.

Mais le donneur et le preneur pouvaient-ils stipuler que, dans ce cas, la lettre de change tirée par ordre du créancier serait néanmoins aux risques du preneur? Il faut répondre encore, avec Emérigon, qu'un pacte de cette nature résisterait à la nature du contrat à la grosse, et serait usu

raire; car il suffit que le preneur paie le principal et le change nautique dans le lieu du terme, sans qu'il soit permis d'aggraver sa condition.

Au reste, le donneur peut assigner le preneur, pour l'obliger à payer ce qu'il doit, devant les juges du lieu du terme des risques; de même le preneur peut s'adresser aux mêmes juges pour faire le dépôt, si personne ne se présente pour recevoir de la part du donneur, à moins que, par des stipulations expresses, le paiement ne doive avoir lieu dans un autre tems et dans un autre lieu. D'ailleurs, le créancier doit se conformer aux dispositions de l'art. 420 du Code de procédure.

D'un autre côté, les actes de grosse doivent être payés en argent; le preneur ne serait pas recevable à offrir des marchandises. On ne peut pas payer au créancier sans son consentement, observe Pothier, une autre chose que celle qui est due et qui fait l'objet de l'obligation. (Voyez Pothier,

Traité des obligations, no. 243 ).

Si le contrat de grosse avait été fait en pays étranger pour être payé en France, on évaluerait en francs la monnaie stipulée.

C'est ce qui résulte de l'art. 24 de l'arrêt du Conseil d'état, du 27 novembre 1779, concernant la perception du droit du consulat établi sur le commerce du Levant et de Barbarie, qui enjoint de tenir les comptes en monnaie de France, et en conséquence, d'évaluer la monnaie courante des Échelles en livres tournois (aujourd'hui en

T. III.

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francs), et d'établir cette évaluation sur le cours du change qui aura lieu dans chaque Échelle, et qui sera constaté par un certificat de deux notables négocians, etc.-(Voyez d'ailleurs l'art. 558 du Code de commerce.)

Tels sont les différens objets qui constituent la forme intrinsèque du contrat à la grosse; telles sont les différentes énonciations que doit contenir cet acte, d'après l'art. 311 du Code de com

merce.

Nous n'avons pas besoin de faire observer que si cet article ne parle point textuellement du consentement des parties contractantes, sa disposition n'en suppose pas moins l'existence nécessaire de ce consentement, en exigeant les noms du prêteur et de l'emprunteur. On sait que pour la validité d'un contrat quelconque, il faut que le consentement des parties intervienne sur les choses qui composent la substance du contrat. — (Voyez ce que nous avons dit à ce sujet aux prolegomènes de ce titre, in fine.)

Maintenant nous allons examiner les conséquences diverses qui se tirent des principes que nous venons d'établir, et appliquer plus particulièrement ces règles aux objets principaux qui constituent le contrat à la grosse, tels que le profit ou change nautique, les intérêts maritimes, les risques, le tems et le lieu des risques, et les objets affectés au contrat à la grosse.

SECTION III.

Du Profit maritime.

Le profit maritime est aussi appelé change nautique et profit aventureux.

D

« La grandeur de l'usure maritime, dit Montesquieu, est fondée sur deux choses: le péril de la > mer, qui fait qu'on ne s'expose à prêter son ar» gent que pour en avoir beaucoup davantage, et » la facilité que le commerce donne à l'emprun»teur de faire promptement de grandes affaires et > en grand nombre; au lieu que les usures de terre » n'étant fondées sur aucune de ces deux raisons, » sont ou proscrites par le législateur, ou, ce qui » est plus sensé, réduites à de justes bornes. » — (Voyez Montesquieu, liv. 22, chap. 20.)

Nous avons vu, dans la section précédente, que le change maritime est de l'essence du contrat à la grosse; qu'ordinairement le change maritime consiste en une somme d'argent; mais qu'on peut stipuler quelque autre chose à ce sujet, et qu'en conséquence un bénéfice quelconque peut constituer un change nautique, un profit mari

time.

Nous avons aussi fait remarquer que le profit ou change maritime peut consister, soit en une

somme fixe pour toute l'expédition, quelle que soit sa durée, soit en une certaine somme par mois, soit pour l'aller, soit pour le retour.

Il n'est point contraire d'ailleurs aux principes du contrat à la grosse que les parties stipulent que le profit maritime sera variable, c'est-à-dire croissant ou décroissant, selon la durée du voyage; qu'il augmentera dans le cas où le navire ne reviendrait pas au tems indiqué; putà, d'un demi pour cent par mois, tant du capital que du profit maritime.

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Lorsque l'emprunt, observe Pothier, est fait » pour l'aller et le retour, on convient assez sou» vent que si le vaisseau n'est pas de retour au bout » d'un certain tems, le profit maritime augmen» tera à raison de tant pour cent par mois, depuis l'expiration de ce tems jusqu'au retour.-(Voyez Pothier, ibid., no. 21.)

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Cependant Valin s'élève contre cette sorte de stipulation, et la regarde comme usuraire. « Un » tel contrat, dit-il, comme manifestement usuraire, ne saurait se soutenir en justice, même quand il y aurait réciprocité, c'est-à-dire quand il serait ajouté en faveur du preneur que le na> vire arrivant avant l'expiration du délai, il lui > serait déduit le même demi pour cent par mois, » ne fût-ce qu'à cause que la réciprocité ne serait qu'apparente ou en idée, rien n'étant plus rare > qu'un vaisseau retourne avant le tems ordinaire, et rien n'étant plus commun, au contraire, que

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