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gent trajectice n'avait été fourni que pour une partie de la navigation, on était dans l'usage de faire embarquer un esclave pour qu'il exigeât le principal et le change maritime, dans le lieu où le ris¬ que devait cesser d'être à la charge du créancier. L'on stipulait une peine pécuniaire contre le preneur qui serait en retard de remplir son obligation. Cette peine était acquise dès l'échéance du terme, à moins qu'il ne se présentât personne pour recevoir le paiement, et elle se confondait alors avec l'intérêt de terre, au-delà duquel il n'était permis de rien exiger.

D'après la loi 1,, au code de nautico fœnore, l'argent trajectice dont le péril est à la charge du créancier, c'est-à-dire du donneur, n'est exempt de la règle des intérêts ordinaires que pendant le tems du risque.

Par la loi 2, C. eod., si vous ne vous êtes pas chargé des périls maritimes, vous n'avez pu stipuler un intérêt au-dessus de celui qui est permis par la loi.

Le donneur ne répond pas de la perte qui arrive sur mer par la faute du preneur. Voyez l. 5, C. eod.)

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La loi 4, C. eod., veut que, jusqu'à ce que le navire soit arrivé au lieu destiné, les cas fortuits soient à la charge du donneur, qui s'y est soumis.

Nous avons vu, titre préliminaire, 1°. volume, p. 16, aux notes, et p. 45, in fine, que tant que l'argent était sur mer, il payait des intérêts arbi

traires et toujours considérables; mais que Justinien, par sa Novelle 110, défendit, sous quelque prétexte que ce fût, de porter l'intérêt maritime à un taux plus haut que douze pour cent.

Nous n'étendrons pas plus loin la notice des textes des lois romaines, au sujet des contrats à la grosse; nous aurons occasion d'y revenir souvent dans l'explication du titre qui nous occupe.

Dans le moyen âge, sur-tout parmi les peuples septentrionaux et les Normands, le contrat à la grosse était communément nommé bomerie, du mot flamand bome, 'qui signifie quille de vaisseau; et bomerie est une quille équipée ou vaisseau garni. Il paraît qu'alors le prêt à la grosse ne se faisait que sur le corps et quille du navire. → (Voyez l'art. 58 de la Hanse-Teutonique; Cleirac, sur les art. 1 et 2 du chap. 18 du Guidon de la mer ; Loccenius, de jure maritimo, lib. 2, cap. 6, n.° 1.)

Wolff, S 680 et 681, distingue l'argent trajectice de la bomerie; il appèle trajectice l'argent donné sur les marchandises, et bomerie l'argent donné sur le corps. Mais la nature du contrat est la même dans les deux cas.

En divers pays d'Italie, le contrat à la grosse est appelé hypothèque.

Parmi nous, ce contrat est appelé à la grosse aventure, ou à la grosse, par abréviation, parce que le prêteur ou le donneur expose son argent à l'aventure de la mer, et qu'il contribue aux grosses avaries.

Il est encore appelé à retour de voyage, parce que, pour l'ordinaire, le prêteur ou donneur court les risques maritimes jusqu'à l'heureux retour du navire, et que la somme n'est payable, avec le profit maritime, qu'au retour du navire sur lequel le prêt est fait.

Dans le droit romain, comme nous venons de le voir, le donneur d'argent est appelé créancier ; dans notre législation, celui qui fournit l'argent est appelé prêteur ou donneur, et celui qui le reçoit est appelé preneur, ou emprunteur.

Le contrat à la grosse est du nombre des contrats aléatoires, définis par l'art. 1964 du Code civil. Or, le contrat aléatoire est une convention réciproque, dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement

incertain.

Le Code civil, après avoir fixé le caractère du contrat à la gròsse, n'a pas été plus loin, et a renvoyé la matière, pour le surplus, aux lois maritimes.

Pour se faire une juste idée de cette sorte de convention nous adopterons, avec Émérigon, la définition que Pothier donne de ce contrat. « Le » contrat de prêt à la grosse, dit ce savant magis> trat, est un contrat par lequel l'un des contrac> tans, qui est le prêteur ou donneur, prête à l'au» tre, qui est l'emprunteur ou preneur, une cer⚫taine somme d'argent, à condition qu'en cas de

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» perte des effets pour lesquels cette somme a été prêtée, arrivée par quelque fortune de mer ou > accident de force majeure, le prêteur n'aura au> cune répétition, si ce n'est jusqu'à concurrence » de ce qui en restera; et qu'au cas d'heureuse ar» rivée, ou au cas qu'elle n'aurait été empêchée que par le vice de la chose, ou par la faute du ⚫ maître et des mariniers, l'emprunteur sera tenu › de rendre au prêteur la somme avec un certain profit convenu, pour le prix du risque desdits ef(Voyez Pothier, contrat à la grosse,

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fets.

» »

n°. 1.)

Par cette définition, tirée des lois romaines cidessus citées, et de presque tous les auteurs qui ont traité la matière, on voit que le contrat à la grosse est beaucoup plus réel que personnel. La navigation forme son objet unique. Le change maritime, c'est-à-dire le prix du péril, est considéré en quelque manière comme une portion des profits du voyage. Si le navire périt, le donneur n'a rien à demander; et si rien n'a été exposé aux flots de la mer, le contrat n'a jamais été à la grosse. (Voyez Stypmannus, part. 4, cap. 2, no. 13; Kurike, Jus hans., tit. 6; Loccenius, lib. 2, cap. 6, n°. 2; Savary, dict., verbo contr. à la gr., etc.)

Outre que ce contrat est aléatoire et réel, Pothier, ibid., n°. 3, dit encore « que ce contrat est » unilatéral; car le prêteur ne contracte aucune obligation envers l'emprunteur par ce contrat : il n'y a que l'emprunteur qui contracte l'obliga

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tion de rendre la somme prêtée, avec le profit » maritime, sous la condition qu'il n'arrive pas

quelque accident de force majeure qui causât la » perte des effets sur lesquels le prêt a été fait.

› Ce contrat est intéressé de part et d'autre, et il » diffère en cela du prêt ordinaire, qui est un con> trat de bienfaisance qui ne concerne que l'intérêt » du seul emprunteur, et ne renferme, de la part » du prêteur, qu'un pur service qu'il rend à l'em» prunteur, en lui accordant l'usage gratuit de la > somme qu'il lui prête; au lieu que le contrat à la » grosse se fait pour l'intérêt du prêteur aussi bien ⚫ que pour celui de l'emprunteur. Le prêteur ne se › propose pas, par ce contrat, de rendre service à > l'emprunteur; mais il se propose de recueillir le > profit maritime qu'il y stipule, s'il n'en est empêché par quelque accident.- (Voyez Pothier, n°. 4.)

L'emprunteur à la grosse contracte par ce contrat, envers le prêteur, l'obligation de lui rendre la somme prêtée, et de lui payer en outre le profit maritime convenu; mais il ne la contracte même pour la restitution de la somme principale, que sous une condition, s'il ne survient pas quelqu'accident de force majeure, qui cause la perte des effets sur lesquels le prêt est fait. C'est encore ce qu'observe Pothier, ibid., n.o 33.— (Voyez aussi Targa, cap. 33, not. 4.)

Le contrat à la grosse, tel qu'il est adopté parmi nous, n'est ni une vente, ni une société, ni un

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