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légitime, en remontant sur son trône, ne peut et ne doit avoir ni cet infâme édifice pour demeure, ni ses habitants pour serviteurs et pour ministres? J'ai dénoncé ouvertement à VOTRE MAJESTÉ, la bureaucratie toujours existante du dernier tyran, la préférence accordée souvent aux révolutionnaires sur les royalistes, le système vicieux de l'éducation publique, le triomphe du crime sur la vertu, les adminis trations à réformer, les tribunaux à relever, la magistrature à épurer, tous les désordres du chaos révolutionnaire à réparer, les rebelles à punir, le concordat à dissoudre, et les malheurs de l'Église gallicane à terminer, en lui rendant enfin sa constitution pure, son indépendance et ses pasteurs légitimes. J'ai donc eu nécessairement pour ennemis tous les conducteurs du char sanguinaire de la révolution, et les simples dont il a facilement entraîné la faiblesse, et les ambitieux qui y ont volontairement attaché leur fortune et leur gloire, et tous ceux enfin qui, au moment où ce char s'arrête, n'en descendent qu'à regret, et tremblent de ne pas conserver le riche butin qu'ils ont pillé sur la route.

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De là sont partis contre moi ces innombrables traits décochés par l'ignorance et la sottise, et ces plates critiques où le sarcasme a remplacé

la raison, et ces menaces de poursuite judiciaire et de censures canoniques de la part d'un trop fameux évêque constitutionnel, qui, sans rétractation, sans absolution, sans pénitence, s'est transplanté d'un siège sur un autre, et des rives de la Garonne aux bords de la Charente, en vertu du concordat; enfin, toutes ces clameurs d'improbations vagues et non motivées, qui ont retenti, par la voie des journaux, jusqu'au fond des provinces, et trouvé quelques échos, même à la cour, dans les premiers rangs de la hiérarchie politique.

Lorsque la plupart des habitants de Cons-tantinople sont en proie aux fureurs de la peste qui les dévore trop souvent, croyez-vous, SIRE, qu'une ordonnance rigoureuse contre les pestiférés y serait favorablement accueillie? Si l'on veut être juste à mon égard, il ne faut donc point compter mes ennemis ; il faut les apprécier et les peser. J'ai défendu, je défendrai jusqu'à mon dernier soupir, les principes conservateurs de l'Église gallicane et du trône des Bourbons; et dût le nombre, déjà trop considérable de ceux qui les avaient renversés, et qui frémissent de les voir debout, s'accroître au point de pouvoir accomplir une seconde fois leurs coupables desseins; dussent-ils, en circonvenant les marches du trône, en usur

pant les premières charges de l'état, en confiant les emplois secondaires à leurs anciens collaborateurs, en marchant, selon leur usage, de ruse en ruse, et de complots en complots, parvenir à rendre suspects à VOTRE MAJESTÉ les sujets les plus fidèles, à faire substituer, pour les royalistes les plus purs, le blâme à l'éloge, et le châtiment à la récompense; je me glorifierai d'une si noble disgrâce : et, inébranlable dans les principes de la plus belle et de la plus juste des causes, j'en supporterai sans remords et sans crainte la peine et les funestes revers: impavidum ferient ruinæ.

Loin de moi, cependant, le desir de répondre avec aigreur aux journalistes qui, dans leurs feuilles éphémères, ont tâché d'insulter mon ouvrage et moi-même ! Leurs plumes, en tout temps serviles esclaves des gouvernements qui leur permettaient d'écrire, se sont accoutumées à varier de style et d'opinion suivant les partis qui s'élevaient, triomphaient et s'écrasaient tour à tour. Ils n'étaient point obligés d'avoir des principes qui leur fussent propres : que dis-je ? ils étaient même forcés de n'en avoir aucuns; et rien ne doit, en effet, leur paraître plus ridicule que de voir, que d'entendre un prêtre royaliste, un revenant d'outremer, qui, armé des principes de la religion,

de la justice et de la morale qu'on professait autrefois, vient bêtement aujourd'hui solliciter en France, le rétablissement de l'Église et du trône sur des bases fermes et légitimes.

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Je ne dois cependant pas confondre avec eux, un auteur journaliste, l'ami de la religion, de l'empereur jadis, et maintenant du Roi; prêtre inconstitutionnel, évêque concordataire, aumônier de Buonaparte, et l'un de mes plus inexorables détracteurs. Élevé pour ainsi dire à l'ombre des autels, dans la pieuse enceinte d'un séminaire qui le vit naître, il connaît à fond la doctrine invariable que j'annonce; il l'a professée lui-même dans le fort de nos tempêtes révolutionnaires, et l'a confessée au péril de ses jours. Généreux athlète, toujours terrible à la constitution civile du clergé; toujours armé contre le schisme et l'hérésie; long-temps ennemi irréconciliable du concordat dont il aperçut d'abord l'illégitimité canonique et les vicieuses conséquences, ce digne ministre des autels jouissait, avec nos évêques, notre illustre Pontife Pie VI, et l'Église catholique tout entière, du triomphe què la religion venait de remporter sur les impies. Mais le jour des épreuves et de la chute arriva; ce prêtre, fidèle jusqu'alors, déserta tout à coup les pieuses bannières, et se rangea sous

les riches étendards du concordat; ce fut alors que tous ses amis empruntèrent ses paroles, et s'écrièrent avec douleur : « d'un si haut degré » de vertu, de mérite et de gloire, comment » est-il tombé jusqu'à l'épiscopat concorda»taire? quomodo cecidit? Lorsqu'un prêtre » catholique ne peut entrer dans cette nou» velle Église de France, qu'en s'associant à » des schismatiques impénitents, comment a-t>>> il pu faire cette chute malheureuse? quo» modo cecidit? Lorsqu'un sujet fidèle ne peut » se soumettre avec honneur, ni s'attacher par » serment à l'usurpateur du trône des Bour» bons, sans devenir parjure, et infidèle à son » souverain légitime, comment s'est-il donc » abaissé, dégradé jusques-là? quomodo ceci» dit? »

L'explication de cet incompréhensible mystère ne peut vous être donnée, SIRE, que par lui même : lui seul a pu la déposer dans le sein d'un homme alors son intime ami : « Nos an» nates sont supprimées, lui dit-il; le cardinal » Fesch m'accueille et me comble de caresses: » l'empereur m'appelle à sa cour, me choisit » pour aumônier, me fait évêque; il marie ses » frères et ses soeurs; six mille francs m'arrivent >> à chaque cérémonie: comment ne les aimerais

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