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» je pas? ils me comblent, ils me comblent de » bienfaits ».

Pour convaincre de plus en plus VOTRE MAJESTÉ que ces bienfaits ne tombaient point en effet sur un coeur ingrat, voyez, SIRE, comment en 1809, s'exprimait sa reconnaissance pastorale, dans un mandement qu'il adresse à ses diocésains. « L'histoire contera long-temps » ces journées du 5 et 6 juillet, où toutes les » difficultés ont été surmontées; où toutes les » ressources du génie guerrier ont été épuisées; » où s'est déployée dans tout son éclat cette » tactique nouvelle qu'il a créée comme par » inspiration, ou qu'il a devancée par je ne » sais quel instinct, plus savant que l'expé»rience, et plus sûr que la règle même.

» Elle ne racontera pas moins ce mémorable » passage du Danube, où les aigles françaises. » se sont montrées aussi hardies dans leur »essor, que ce fleuve est rapide dans son cours, » et impétueux dans ses ondes; et où l'art, » pour dompter la nature, s'est surpassé lui» même dans des ouvrages dignes des plus » beaux jours de la grandeur romaine.

» Mais laissons à la renommée le soin de pu» blier ces victoires prodigieuses.... Pour nous, » enfants de la foi, n'ayons que des yeux digues.

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» d'elles. Élevons plus haut nos regards, pour » juger sainement de toutes les scènes extraor» dinaires qui se jouent sur la terre, et dont le » dénoûment ne se trouve que dans le ciel..... » Car ôtez l'idée de Dieu et de sa providence, » et concevez ensuite ce qui se passe sous nos » yeux?... Que serait encore, sans l'idée de » Dieu, la vie entière du monarque qui nous » gouverne, qu'une suite de problêmes plus » insolubles les uns que les autres? D'où peut» il donc tenir et cette fortune sans nuage » parmi tant de hasards, et cette santé sans » altération, parmi tant de fatigues, si ce n'est » de celui qui l'a choisi pour l'instrument et le » ministre de ses volontés, et l'a pris par la » main, suivant l'expression d'Isaïe, pour » l'exécution de ses conseils suprêmes? N'est-il » pas évident qu'il y a en lui quelque chose de » plus fort que lui-même, et qu'il est chargé » d'une mission d'en haut, » (et d'autres l'ont crue mission d'en bas), « qu'il accomplit à son » insu? » (Lettre pastorale de monseigneur l'évêque de T., 4 août 1809.)

Il est essentiel de faire observer à VOTRE MAJESTÉ, qu'au moment où le prélat parlait ainsi, son invincible Empereur avait déja fait arrêter nuitamment notre souverain Pontife Pie VII, l'avait arraché de son palais, de sa'

capitale, de ses états même, et le retenait prisonnier à Savone. Vous voyez, SIRE, qu'un digne évêque concordataire, du haut de la chaire de vérité, en parlant de Buonaparte, son généreux bienfaiteur, le présente à ses diocésains comme inspiré du ciel pour créer une tactique nouvelle; c'est Dieu qui préside à toutes les actions de sa vie; qui lui accorde (pour prix de ses vertus sans doute), une santé sans altération, une fortune sans nuage; et qui, l'ayant pris par la main, selon l'expression d Isaïe, le conduit à l'exécution de ses desseins, et à l'accomplissement de la mission qu'il a reçue d'en haut.

Mais le 4 octobre 1815, la scène change; VOTRE MAJESTÉ est remontée sur le trône de ses ancêtres, et le langage pastoral de monseigneur change aussi : cet empereur, envoyé du TrèsHaut, et conduit par la main de Dieu, tant qu'il a proscrit les Bourbons, se trouve avoir été conduit par la main du démon, dès que la cause des Bourbons triomphe : c'est l'ennemi du monde entier, dit le même orateur concordataire; c'est lui dont l'apparition funeste a ouvert un abime de maux sous nos pas; dont la main sacrilége a brisé le contrat éter· nel qui existait autrefois entre le trône et l'autel; et dont l'empire, tel qu'il le laisse à

l'héritier légitime, après l'avoir usurpé 14 ans, n'offre qu'un débordement de corruption et de licence, et n'est maintenant qu'un triste cadavre doublement mort à la vérité et à la vertu.

Ainsi les éloges toujours sincères et véridiques de cet illustre prélat, ne sont plus aujourd'hui pour Napoléon Ier. ; ils sont dirigés vers Votre Majesté, vers ce vertueux monarque, dit-il, qui, conduit sans doute aussi par la main de Dieu, nous est rendu par un grand miracle, et que nous pouvons bien appeler LE DÉSIRÉ DES NATIONS. (Lett. past. de M. l'évêque de T., 4 octobre 1815.)

D'après ces citations et ce langage si contradictoire dans la bouche d'un évêque, quelque méchamment qu'il ait traité mon ouvrage et moi-même dans son journal, je ne me plaindrai sans doute ni de sa sévérité, ni de son injustice, puisqu'en effet son éloquence si malléable, son esprit si fertile en contre et pour et pour et contre, me font raisonnablement espérer qu'avant six ans peut-être il me dédommagera de sa critique amère par quelque éloge pompeux et solennel.

En attendant cette justice, toujours tardive de la part des hommes, et bien plus encore des défenseurs du nouveau concordat, je me fais

Concordat.

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un devoir de répéter ici ce que j'ai déjà publié par la voie d'un journal: S'il est vrai que par des expressions irrévérentes et déplacées, j'aie manqué au respect dû à N. T. S. P. Pie VII, aux évêques, aux prêtres de l'Eglise catholique, et même aux simples fidèles; si, malgré la scrupuleuse surveillance que j'apporte à mon style, il m'échappe encore quelque chose de la même nature dans ce nouvel écrit, je me hâte d'avouer, de reconnaître, d'abjurer ma faute, et me glorifie de la réparer solennellement. Il est malheureux de s'égarer quelquefois : c'est le lot déplorable de l'humanité ; mais c'est en quelque sorte un égarement heureux, quand il préserve de rechute, par les avis salu taires qu'il suscite. Les mots, les phrases, le style, la contexture entière de mon Adresse aux deux chambres, est mon ouvrage ; je les abandonne, je les renie, je les rétracte en tout ce qu'ils peuvent avoir de répréhensible et de coupable, parce qu'ils sont de moi, et qu'ils m'appartiennent. Mais il n'en est pas de même des principes qui s'y trouvent, relativement au concordat nouveau; ils appartiennent à quarante évêques légitimes de France, non démissionnaires, et confesseurs de la foi, parlant au nom de toute l'Eglise gallicane, appuyés par le silence même des évêques démissionnaires, et par l'adhésion formelle de plu

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