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dat; car ils se persuadaient, avec trop de raison peut-être, que l'expérience, les plaies de l'Église, et ses propres malheurs, ne l'avaient pas encore entièrement guéri de la maladie des concordats. On prépara les voies en lui envoyant des prélats français qui, suivant la tactique révolutionnaire, lui exagérèrent le danger d'un schisme qui menaçait l'Église, en lui assurant que Napoléon, las des difficultés que le Pape lui opposait, finirait par séparer l'Église gallicane de l'Église romaine.

Mais, qu'il soit permis de l'observer ici, cette menace, cette crainte, cette idée, a été la source, en France, de toutes les erreurs, de tous les crimes, de tous nos maux. On paraît avoir oublié que Jésus-Christ, en parlant du sort futur de son Eglise et de ses apôtres, leur a prédit toutes sortes de mauvais traitements, des accusations, des proscriptions, des persécutions, des défections, des trahisons, des divisions, des scandales, et même, ajoute l'apôtre des nations, il faut qu'il y ait des hérésies. (I. Con. 11.) Sous prétexte d'éviter tous ces maux, est-il donc permis de violer la tradition, la doctrine des pères, et les règles canoniques? Sous prétexte de conserver, ou de ramener le calme dans l'Église, est-il donc permis de porter la moindre atteinte à la constitution de l'Église?

de ren

Et n'est-ce pas lui porter atteinte, que dre l'épiscopat amovible au gré du pape, transformé subitement, et par un coup d'autorité sans exemple, en évêque universel et absolu? Le souverain pontife Pie VI, de même, a été menacé de voir l'Eglise gallicane se séparer de l'Église romaine; il a vu le schisme se former; il l'a vu s'établir: mais a-t-il, malgré cela, destitué les évêques légitimes de France, traité avec les novateurs révolutionnaires, jeté le manteau de la charité sur leurs crimes, fermé les yeux sur leurs desseins pervers, institué leurs évêques, et fondé leur église constitutionnelle, sous prétexte d'éviter un schisme, et d'épargner à la France une barbare et sanguinaire persécution? Non, il connaissait trop bien, et les prédictions de notre divin Sauveur, et les devoirs de son apostolat suprême.

Napoléon, à qui une nouvelle levée de conscrits était nécessaire, et qui sentait le besoin d'endormir le peuple français, par une réconciliation réelle ou prétendue, avec le pape, vint lui-même à Fontainebleau. Il y fit plusieurs voyages, sans pouvoir ébranler la fermeté de Pie VII. Ce fut même dans une de ces visites, que ce monstre d'ingratitude et d'impiété, furieux d'un refus positif qu'il reçut, eut l'irréligieuse insolence d'insulter le vénérable

Chef de l'Église, et se préparait même à le frapper, si le maréchal Duroc ne l'en eût empêché. Buonaparte sortit plein de rage, et ordonna de renfermer le pape à Vincennes; mais l'exécution de cet ordre fut différée, et le lendemain, le lâche et honteux empereur le révoqua. Il n'abandonna point pour cela ses attaques: il eut l'audace de revenir à Fontaineblau, et employa d'autres armes contre son illustre captif. Ses menaces ne se dirigèrent plus contre le pape, mais il essaya d'ébranler la fermeté de Pie VII, par les menaces qu'il laissa échapper contre les prélats exilés, et contre l'Église elle-même. Le Saint-Père fut ému de compassion sur le malheur de tant d'évêques et de prêtres exilés: mais ce qui lui causa la plus grande affliction, et fit la plus vive impression sur son cœur, ce fut le triste sort qui paraissait réservé à l'Eglise confiée à ses soins, et l'image des nouveaux dangers prêts à fondre sur la religion; ces idées accablantes ne laissaient, nuit et jour, aucun moment de repos à l'esprit de sa Sainteté.

Pour épargner à l'Église de nouvelles violences, le Saint-Père, fatigué des assauts pénibles qu'il avait éprouvés, finit par ne pas rejeter absolument les voies de la conciliation.

(Voilà donc encore une fois la piété dupe de la ruse des impies!) Napoléon lui fit proposer alors les articles d'un nouveau concordat, et le souverain Pontife, (ó honte! ô disgrâce! après avoir adressé au prétendu empereur les observations suggérées par ces articles, les accepta provisoirement, et sous la réserve expresse, qu'ils ne seraient, en aucune manière, portés à la connaissance du public, avant d'avoir été examinés et interprétés, d'après leur véritable sens, par une congrégation de cardinaux, uniquement tenue à cet effet, et que ces articles ne devaient être regardés que comme les bases préliminaires d'une paix entre l'Eglise et l'empereur des Français. Napoléon promit tout, et résolut de ne rien tenir : il revint promptement à Paris, et se hâta de communiquer à son sénat les articles du nouveau concordat; ils furent bientôt communiqués au public par la voie de l'impression, et par le canal des gazettes, qui les portèrent jusqu'aux extrémités du royaume, et l'on alla même jusqu'à annoncer, au son des cloches, la conclusion de la paix entre le pape et l'empereur.

Pour donner une apparence de vérité à cette nouvelle, Napoléon fit aussi mettre en liberté treize cardinaux exilés et détenus dans diverses

villes de France, et les envoya à Fontainebleau, sans leur rendre pourtant leurs biens, ni pourvoir à leur subsistance.

Cependant le pape, instruit et de la trahison de Buonaparte, et de sa barbarie envers les cardinaux et les autres ecclésiastiques romains ou italiens qu'il laissait dans la détresse, lui adressa par écrit les plus vifs reproches, déclara nul l'arrangement qu'il avait fait avec lui, et ajouta qu'il ne consentirait jamais à aucun concordat ni traité, à moins qu'il ne s'étendit à tous les points en contestation entre la France. et le St.-Siége: si la pieuse charité de Pie VII avait été assez crédule pour se laisser tromper une troisième fois, sa prévoyante fermeté, quoique tardive, se hâta de réparer les torts de sa faiblesse ; et, pour prévenir l'abus que Napoléon pouvait faire des articles proposés, et conditionnellement acceptés, Sa Sainteté avertit par une circulaire, tous les archevêques et les évêques français qu'ils ne devaient ajouter aucune foi aux bruits que l'on faisait circuler comme si ces articles eussent été approuvés, et qu'un nouveau concordat eût été signé,

Cette démarche irrita tellement Buonaparte, qu'il rendit aussitôt un décret terrible, daté du 26 mars 1813, contre tous ceux qui oseraient altaquer son concordat, et ne pas s'y confor

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