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C'est un commencement d'amélioration du régime légal qui régit la petite propriété. On ne doit pas en rester là. Je ne répéterai point ce que j'ai dit (revue de 1850, p. 9 et 10).-Mais je me permettrai encore de faire observer qu'appliquer les mêmes formes de procéder, les mêmes droits fiscaux, quand il s'agit d'une succession de cent mille francs, ou de cent francs, ce n'est pas de l'égalité." Avant de donner au pauvre un défenseur dans les procès, dirai-je encore avec un de mes honorables amis, n'est-il pas nécessaire de lui accorder des mesures conservatrices de son avoir, quelque chétif qu'il puisse être ? »

VII.-M. le garde des sceaux a présenté la statistique de la justice civile de 1849 (1). On connaît mon opinion sur ce genre de travail, dont j'ai déjà signalé souvent les inconvénients et les avantages (1850, p. 6 et 7). J'ai été heureux de trouver la confirmation des idées que j'avais émises l'année dernière sur les causes de la diminution et l'augmentation des procès dans le rapport de M. le ministre, et dans une appréciation savante de ce rapport faite par M. Ginouilhac, docteur en droit (Revue de législation). Voici comment M. Ginouilhac s'est exprimé :

<< La statistique judiciaire de 1849 offre pour les procès civils a la même augmentation que nous avons déjà constatée pour <«<les procès criminels. Mais les causes de l'une et de l'autre « sont différentes. Tandis que la première est due surtout à a une plus active énergie dans la répression, la seconde l'est << tout à la fois à la reprise des transactions civiles et commer«ciales, et à la sécurité plus grande qui, pendant cette année, « a régné dans le pays. Plus, en effet, les affaires ont d'activité, « plus elles sont nombreuses, et plus doivent être nombreux a aussi les procès auxquels elles donnent lieu. On court aussi ❝ d'autant plus volontiers les chances d'un procès que l'on a << moins à craindre, ou du moins que l'on est moins inquiet pour « l'avenir et moins embarrassé pour le présent. Ce serait donc « une grande erreur, et cette erreur, disons-le en passant, n'est « que trop commune, de considérer comme un résultat heureux pour un pays la diminution des procès civils; car cette dimi«nution n'a pas sa cause malheureusement dans de meilleurs « sentiments entre les membres de la même nation; mais elle « est toujours et nécessairement la conséquence de la stagnation << dans les affaires. L'augmentation du nombre des procès civils << et commerciaux est donc un résultat heureux, un véritable a progrès de 1849 sur 1848.

(1) Revue de M. Wołowski, cahier d'octobre, p. 162; Droit du 24 janvier 1851, n°225; Gazelle des Tribunaux du 27 janvier 1851, no 7557.

Qu'on me permette de puiser encore dans cette juste appré ciation des causes de l'augmentation des affaires, une réponse à cette autre exagération sur l'élévation de la valeur des offices. La prospérité des affaires publiques se reflète dans le cours des prix des charges. Qu'on examine les prix de 1847 et ceux de 1848! Le prix augmente ou diminue avec le nombre des trans. actions, et des discussions que produit l'état général du pays. Vouloir soumetre cette nature de conventions à l'appréciation du pouvoir exécutif, c'est détruire la liberté d'un contrat, dont les conditions ne doivent être sainement appréciées que par ceux qui s'obligent et qui calculent les chances diverses que peuvent leur faire courir les variations de l'atmosphère politique.

On remarque qu'en 1849, le nombre des jugements accordant des sursis ou autorisant une surenchère a presque doublé, et que celui des jugements ordonnant la conversion des saisies en ventes volontaires a presque triplé; que le produit moyen de chaque vente qui, en 1848, n'avait pas atteint 9,000 fr., a été en 1849 de 11,937. Dans le département de la Seine, notamment, il s'est élevé à 64,708 fr., après avoir été de 52,679 seulement; mais il avait été de 88,838 en 1847, et de 85,815 en 1846.

Devant les juges de paix, les parties ont comparu en conciliation dans 48,017 affaires, et 26,132 n'ont pas dépassé le seuil de ce tribunal de famille. Ces magistrats ont eu à prononcer sur 563,260 affaires;-78,907 de leurs jugements étaient susceptibles d'appel; 3,618 seulement ont été attaqués, 1,113 infirmés.

Honneur à cette magistrature qui comprend si bien la grandeur de sa noble mission, et qui répond ainsi victorieusement aux récriminations de ses détracteurs! Disons, parce que c'est une vérité connue de tous, que ce résultat est dû en grande partie à la nouvelle direction qui, en général, détermine les choix. Un juge de paix doit, avant tout, être un honnête homme, cela est incontestable; mais pour mériter une entière confiance, il faut aussi qu'il soit éclairé, et qu'il connaisse les lois. Il peut alors préserver ses justiciables des conseils intéressés d'une fausse science, parce qu'il connaît la véritable.

La magistrature, à tous les degrés, gagnera toujours en considération, en proportion des lumières de ses membres.

VIII.-La mort a enlevé à la science et à ses nombreux amis M. Lucas Championnière, qui fut un de mes premiers collaborateurs en 1825, à la rédaction du Journal des Avoués. Un magistrat de la Cour de cassation qui, à la même époque, me prêtait son concours pour les mêmes travaux, M. Faustin Hélie a inséré dans le Droit, des 28 et 29 octobre, n° 254 et 255,

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une notice biographique à laquelle les bornes de mon journal me forcent de renvoyer mes lecteurs. Personne, mieux que moi, ne connaissait ce cœur délicat, cette âme ardente à l'étude, cet esprit profond. Je voudrais pouvoir insérer ici les dernières lettres qu'il m'écrivait peu de jours avant la terrible maladie qui l'a atteint encore jeune. Cet excellent ami cherchait à renouer la chaîne des temps. Il se rappelait avec bonheur ses premiers travaux dans mon cabinet; il voulait encore être mon collaborateur; il me promettait pour mon journal une série d'articles sur l'enregistrement des actes judiciaires. Mais comme toujours, il cherchait à être complet; semblable à l'abeille, ilréunissait les bonnes idées de chaque auteur pour en faire découler une doctrine pure et juridique; et il n'avait encore rien écrit que je puisse publier.

Sa place était marquée aux premiers rangs de la magistrature; mais, comme Carré, il avait des habitudes trop simples pour que les honneurs vinssent le découvrir dans sa modeste retraite.

Il préparait depuis longtemps avec ses savants collaborateurs, MM. Rigaud et Pont, un supplément au grand ouvrage sur l'enregistrement qui a obtenu un succès si brillant. Ce supplément presque entièrement imprimé avant la mort d'un de ses auteurs, vient de paraître. Il est digne du livre dont il devient un complément indispensable.

ARTICLE 1184.

Bevue de jurisprudence et de doctrine

SUR LES VENTES JUDICIAIRES DE BIENS IMMEUBLES,

(SUITE. Voy. J.Av., t. 73 (2o de la 2o série), p. 46, art. 345; p. 193, art. 399; p. 303, art. 464, p.321, art. 465.-T.74 (3o de la 2a série), p.197, art. 647; p.228, art. 662.-T.75, p. 3, art. 787; p. 320, art. 890, et p. 650, art., 993.-T. 76, p. 32, art. 995; p.481, art. 1144; p. 636, art. 1182).

TITRE VII.DES PARTAGES ET LICITATIONS (1).

A.-Dans mon commentaire (t. 5, p. 926, n° DVI deciès), j'ai dit que l'action en partage devait être intentée par voie d'assignation, et que chaque copartageant avait le droit de se faire représenter par un avoué particulier. J'avais fondé cette opi

(1) Ce titre important est le dernier de la loi de 1841 que j'avais promis d'examiner de nouveau. Ici, comme dans les articles précédents, j'ai réuni la doctrine et la jurisprudence, et j'ai complété, avec tout le soin dont je suis susceptible, le tome 5 des Lois de la Procédure civile.

nion sur ce qu'une disposition additionnelle présentée par M. Tarbé, et qui permettait aux parties d'adresser une requête collective au tribunal, avait disparu et n'avait pas été reproduite. Néanmoins, mon savant collègue, M. Rodière, t. 3, p. 460, pense que cette dernière voie peut encore être suivie. Il la justifie par l'économie des frais, par cette considération, que rien dans la loi ne s'y oppose, et que, dans la pratique, le partage étant souvent demandé par plusieurs cohéritiers qui constituent le même avoué, on ne voit pas pourquoi le même avoué ne pourrait pas représenter tous les cohéritiers qui sont d'accord pour demander le partage.

Je réponds que le partage ne peut être fait en justice, aux termes de l'art. 966, qu'autant que : 1o des majeurs ne seraient pas d'accord; dans ce cas, c'est celui qui ne veut pas consentir au partage amiable qui sera assigné; 2° il y aurait parmi les cohéritiers des absents, des mineurs, ou des interdits; ce sont alors ces personnes incapables qui donnent lieu à l'assignation de ceux qui les représentent, ou à une demande de ces administrateurs contre les cohéritiers des incapables. Dans la loi de 1841 sur les ventes judiciaires, le législateur a pris le soin d'indiquer les cas où une requête collective était autorisée pour saisir le tribunal d'une demande (art. 745, C.P.C.).

B.-On a agité la question de savoir si un mineur émancipé pouvait, avec la seule assistance de son curateur, et sans autorisation du conseil de famille, demander la vente par licitation d'un immeuble indivis.-La raison de douter venait des termes des art. 484, C.C., et 953, C.P.C.; c'est avec fondement qu'on a décidé l'affirmative en invoquant les art. 482 et 840, C.C. M. A. Dalloz est du même avis dans son Dictionnaire général, vo Partage, no 78, et la Cour de Paris a confirmé cette opinion par arrêt du 8 mai 1848 (TOTAIN C. GUILLEMIN).

c.-Par ce motif que la demande en partage est de sa nature indivisible, la Cour de Montpellier a déclaré, le 16 nov. 1842 (J.Av., t. 63, p. 683) que: 1o il suffit qu'elle ait été formée par l'un des cohéritiers pour profiter aux autres, et qu'elle interrompt la prescription à l'égard de tous; 2° la tentative essayée par un seul des cohéritiers est interruptive de la prescription, même lorsque les autres cohéritiers appelés devant le juge de paix, n'ont rien demandé ou n'ont pas comparu. Mon honorable ami, M. Billequin, a critiqué cette jurisprudence dans ses observations. Il a cité comme contraires, deux arrêts des Cours de cassation et de Limoges. Toute la difficulté consiste à savoir si la matière des partages est divisible ou indivisible.-Une vive controverse existe encore. Voy. J.Av., t. 69, p. 52; t. 72, p. 374, art. 171, § 17 et t. 73, p. 214, art. 409; t. 76, p. 181 et suiv., art. 1041, les décisions des Cours de

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Toulouse, Limoges, Dijon et Montpellier; la Cour suprême n'a pas rendu d'arrêt récent sur la question. Ceux que j'ai rapportés, t. 73, p. 270, art. 444, et t. 74, p. 372, art. 721, n'ont pas trait directement à la difficulté. Mais elle s'est prononcée pour l'indivisibilité le 20 juillet 1835 (J.Av., t. 69, p. 535.)Voy. infrà, p. 32, lettre F bis.

D. Peut-on dire que l'instance demeure étrangère à la partie assignée en partage, contre laquelle un défaut profitjoint a été pris et signifié avec réassignation, lorsque les comparants ont délaissé l'instance sans jugement définitif, et peuton lui refuser le droit de la faire revivre, tant contre le demandeur que contre le défendeur comparants, pour profiter, contre ce dernier, d'une interruption de prescription? Si le défaillant est décédé, ses représentants peuvent-ils reprendre l'instance à laquelle il n'avait pas comparu? Je partage sur ce point l'opinion de M. Bioche, t. 7, p. 15, art. 1813. — Je n'hésite pas à résoudre la première question par la négative et la seconde par l'affirmative; cette dernière, du reste, n'est que la conséquence de la précédente. L'instance ouverte par un ajournement régulier n'est terminée que par un jugement définitif; il est si peu vrai de prétendre que le défaillant est étranger à l'instance, qu'il ne dépend pas de lui, en s'abstenant, d'éviter les conséquences des jugements par défaut, auxquels il aura laissé acquérir l'autorité de la chose jugée.

E. L'auteur que je viens de citer, décide, dans le tome 9 de son Journal de Procédure, p. 136, art. 2469, qu'en matière de vente judiciaire (autre que celle sur saisie immobilière), le tribunal qui ordonne la vente peut retenir à sa barre la vente même des immeubles qui sont situés dans d'autres arrondissements. Tel est aussi le sentiment que j'ai exprimé sous l'art. 954, n° DVI bis.

F.- En répondant à une question proposée, j'ai décidé, J. Av., t. 74. p. 629, art. 786, § 2, que l'action en partage intentée par un légataire particulier contre ses colégataires, après la délivrance de l'immeuble légué, volontairement consentie par les héritiers, devait être portée devant le tribunal de la situation de l'immeuble. Voy. conf., question 2504.

F bis. Dans mes Principes de compétence et de juridiction administratives, t. 3, p. 489, n° 674 à 681, et p. 958, no 1417, j'ai déterminé le rôle de l'autorité judiciaire et celui de l'autorité administrative en matière de partage de biens communaux. Les principes généraux de compétence excluraient l'intervention des juges administratifs, si un texte formel, l'art. 1, sect. 5 du décret des 10-11 juin 1793, n'attribuait aux conseils de préfecture la connaissance des contestations qui s'élèvent à raison.

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