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pondais par une simple dénégation, je n'aurais rien fait; je dis que je ne suis pas accusé; je dis que cette accusation est un crime; je dis que cette accusation n'est pas dirigée pour me perdre, mais pour perdre la chose publique! (Murmures.) Je demande que ceux qui me répondent par des rires, par des murmures, se réunissent contre moi, que ce petit tribunal prononce ma condamnation! Ce sera le jour le plus glorieux de ma vie. Oui, il était absurde de maccuser puisque, non content de remplir en vrai patriote les devoirs que mes commettants m'avaient imposés, je me suis encore dépouillé de tout ce que je pouvais regarder comme la récompense de mon patriotisme: la meilleure réponse à de vagues accusations est de prouver qu'on a toujours fait des actes contraires; loin d'être ambitieux, j'ai toujours combattu les ambitieux. Ah! si j'avais été homme à m'attacher à l'un de ces partis qui plus d'une fois tentèrent de me séduire; si j'avais transigé avec ma conscience, avec la cause du peuple, je serais à l'abri de toute persécution; j'aurais évité la haine de ces hommes redoutables par leur influence; j'aurais eu l'avantage d'allier avec la réputation de patriote toutes les douceurs, toutes les récompenses du patriotisme qui sait se prêter à des actes de complaisance. Depuis un an que je combats contre quelques personnes, dont cependant je ne suspecterai point le patriotisme, on m'a présenté souvent le gage de la paix ; j'en ai même accepté le baiser; mais j'ai gardé mon opinion, qu'on voulait m'arracher!

>> Paris est l'arène où j'ai soutenu ces combats politiques contre mes détracteurs; ce n'est donc point à Paris qu'on peut en imposer sur mon compte, car là on assiste aux délibérations de l'assemblée nationale, aux débats des sociétés patriotiques : mais il n'en est pas de même dans les départements... (Murmures.) Vous, représentants du peuple, qui devez apporter ici des sentiments de fraternité pour vos collègues, c'est vous que j'adjure de m'écouter ! Il n'en est pas de même dans les départements; là vous ne

connaissez ces débats que par les papiers publics; eh bien, ces papiers défiguraient pour la plupart la vérité, suivant l'intérêt d'une coalition dans laquelle se trouvent ceux que j'appelais tout à l'heure mes ennemis; nous, qui avions 'une opinion contraire à ce système, nous ne lui opposions aucuns papiers, et la calomnie a pu exercer impunément ses ravages. Vous avez apporté de funestes préventions contre quelques hommes: je vous en conjure au nom de la chose publique, dégagez-vous de ces impressions dangereuses! Écoutez-moi avec impartialité ! Si la calomnie est la plus redoutable de toutes les persécutions, elle est aussi celle qui nuit le plus à l'intérêt de la patrie. On nous a accusés partout de tramer des projets ambitieux contre la liberté de notre pays: mais avant cette accusation, nous avions, nous, dévoilé des faits multipliés, des faits précis d'un système aristocratique, favorable seulement à l'intérêt d'un parti et à un chef de parti! On nous a accusés par des expressions insignifiantes; mais nous avions, nous, fait des dénonciations positives! Et c'est au moment où nous combattions les coupables, c'est lorsqu'avant la guerre je demandais la destitution de Lafayette, qu'on a osé dire que j'avais eu des conférences avec la reine, avec la Lamballe ! C'est alors qu'on nous imputait à crime les phrases irréfléchies d'un patriote exagéré, et les marques de confiance qu'il donnait à des hommes dont il avait éprouvé pendant trois ans l'incorruptibilité; et ces combinaisons perfides on les renouvelle depuis le commencement de la convention nationale; elles en ont même précédé l'ouverture, parceque ceux qui avaient véritablement le dessein d'opprimer la liberté, ont pensé qu'il fallait commencer par perdre dans l'opinion publique les citoyens qui ont fait serment de combattre jusqu'à la mort, d'immoler toutes les factions, tous les partis!

» On nous a dit sans preuves: Vous aspirez à la dictature.. Et nous, nous avions soupçonné, d'après des faits, que nos accusateurs voulaient nous donner un gouvernement étranger à nos mœurs, étranger à nos principes d'é

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galité; nous avions soupçonné qu'on voulait faire de la république française un amas de républiques fédératives qui seraient sans cesse la proie des fureurs civiles ou de la rage des ennemis. Je ne sais si ces indices sont fondés; mais nous avons cru devoir adopter cés soupçons d'après l'affectation de quelques personnés à calomnier ceux qui avaient voulu la liberté tout entière. Nous les avons con-çus ces soupçons lorsque nous avons entendu accuser la commune; lorsque nous avons entendu dire que la loi agraire avait été prêchée dans l'assemblée électorale, quand nous savions, nous, membres de cette assemblée, qu'il n'y avait été agité aucune question relative à la propriété! Lorsque nous avons vu tous les coups qui ont porté sur les hommes les plus atroces, présentés comme des crimes, en les dépouillant de tous les caractères de la révolution; quand nous avons vu rejeter tous ces faits sur les autorités constituées révolutionnairement dans Paris, nous avons cru qu'il y avait un dessein formé de faire une république fédérative.

» Je reviens à moi. Vous croyez donc que j'ai conspiré contre la liberté de mon pays! Détrompez-vous. Est-ce accuser un citoyen que de lui dire : Vous aspirez à la dictature...? Quels sont vos faits, où sont vos preuves? Ah! vous n'avez rien dit; mais vous avez eu assez de confiance pour croire que ce mot lancé contre moi pourrait me rendre l'objet d'une persécution. Vous ne savez donc pas quelle est la force de la vérité, quelle est l'énergie de l'innocence quand elle est défendue avec un courage imperturbable! Vous m'avez accusé; mais je ne vous en tiens pas quittes vous signerez votre accusation; vous la motiverez; elle sera jugée aux yeux de la nation entière ! Il faut savoir si nous sommes des traîtres, si nous avons des desseins contraires à la liberté, contraires aux droits du peuple, que nous n'avons jamais flatté, car on ne flatte pas le peuple on flatte bien les tyrans; mais la collection de vingt-cinq millions d'hommes, on ne la flatte pas plus que la Divinité!

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» J'en ai trop dit sur cette misérable inculpation; je viens aux propositions qui ont été faites. Sur la première, de décerner la peine de mort contre quiconque proposerait la dictature, le triumvirat, ou toute autre autorité contraire au système de liberté adopté par la république française, je dis que cette proposition ne peut être éludée que par ceux qui auraient conçu le système d'accaparer toutes les places et l'opinion, ou qui se croiraient souleles puissances étrangères. Sans doute nous mourrons tous pour arrêter cette coalition de despotes; mais si ces hommes se croyaient assez près de la victoire pour affecter la couronne dictatoriale, demain ils ne seraient plus; le peuple aurait prononcé leur arrêt de mort! Une autre proposition est celle de déclarer que la république française ne formera qu'un seul état. Qu'y a-t-il donc de difficile dans une pareille déclaration? La nécessité de l'unité de la république n'est-elle pas reconnue? Y a-t-il deux opinions sur ce point? Que signifient ces demandes éternelles de renvoyer à des commissions? N'est-il pas vrai qu'une grande assemblée, chargée de construire le grand édifice d'une Constitution, doit faire par elle-même tout ce qu'elle peut faire, qu'elle ne peut en confier le travail à quelques personnes, sans compromettre à certain point les intérêts du peuple? Qu'on renvoie des objets de détail, à la bonne heure ; mais renvoyer ces propositions, c'est violer tous les principes. (Applaudissements.)

» Déclarons que la république française formera un état unique, soumis à des lois constitutionnelles, uniformes! Il n'y a que la certitude de l'union la plus forte entre toutes les parties de la France qui puisse fournir les moyens de repousser ses ennemis avec autant d'énergie que de succès. Je demande donc que ces propositions, aussi simples que naturelles, soient adoptées sur-le-champ, et qu'on examine à fond l'objet qui me regarde. »

Barbaroux (s'élançant à la tribune.) « Barbaroux de Marseille se présente pour signer la dénonciation faite par Rebecqui contre Robespierre!

» Nous étions à Paris avant le 10 août : vous savez quelle conspiration patriotique a été tramée pour renverser le trône de Louis XVI. Les Marseillais ayant bien servi cette révolution, il n'était pas étonnant qu'ils fussent recherchés par les différents partis qui malheureusement divisaient alors la capitale. On nous fit venir chez Robespierre; là on nous dit qu'il fallait se rallier aux citoyens qui avaient acquis le plus de popularité. Le citoyen Panis nous désigna nommément Robespierre comme l'homme vertueux qui devait être le dictateur de la France! (Agitation.) Nous lui répondîmes que les Marseillais ne baisseraient jamais le front ni devant un roi ni devant un dictateur. (Applaudissements.) Voilà ce que je signerai, et ce que je défie Robespierre de démentir!

>> On vous dit, citoyens, que le projet de dictature n'existe pas! Il n'existe pas! et je vois dans Paris une commune désorganisatrice qui envoie des commissaires dans toutes les parties de la république pour commander aux autres communes, qui brave l'assemblée et se met au-dessus des lois, qui délivre des mandats d'arrêts contre des députés du corps législatif, et contre un ministre, homme public qui appartient non pas à la ville de Paris, mais à la république entière! (Applaudissements.) Le projet de dictature n'existe pas! et cette même commune de Paris écrit à toutes les communes de la république de se coaliser avec elle, d'approuver tout ce qu'elle a fait, de reconnaître en elle la réunion des pouvoirs ! On ne veut la dictature! Pourquoi donc s'opposer à ce que la pas convention décrète que des citoyens de tous les départements seront appelés à Paris pour protéger les représentants du peuple dans cette ville immense où cent mille scé-, lérats peuvent se rassembler, et où Daigremont avait formé des brigades! Citoyens, ces oppositions seront vaines ; les patriotes vous feront un rempart de leur corps! Huit cents Marseillais sont en marche pour venir concourir à la défense de cette ville et à la vôtre; Marseille, qui constamment a prévenu les meilleurs décrets de l'assemblée na

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