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les propriétés de chacun n'étaient pas sous la protection des lois, la société ne serait qu'un théâtre de brigandage où il n'y aurait d'autre droit que celui de la force, et de sûreté ni pour la fortune ni pour la vie des citoyens. (Applaudissements unanimes.)

Bazire. Pour ne pas embarrasser la délibération, je demande qu'on s'occupe successivement des deux délibérations qui ont été proposées.

» La Convention nationale adopte, et déclare,

» 1° Qu'il ne peut y avoir de constitution que celle qui est acceptée par le peuple ;

» 2° Que les personnes et les propriétés sont sous la sauvegarde de la nation;

» 3° Que, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, les lois non abrogées seront provisoirement exécutées, et que les pouvoirs non révoqués ou non suspendus seront provisoirement maintenus. »

Manuel. « Vous venez de consacrer la souveraineté du peuple; mais il faut débarrasser le peuple d'un rival. La première question à aborder c'est celle de la royauté, par-. cequ'il est impossible que vous commenciez une constitution en présence d'un roi. Je demande, pour la tranquillité du peuple, que vous déclâriez que la question de la royauté sera le premier objet de vos travaux. » (Applaudissements.)

Philippeaux. « Il est un objet plus important encore; c'est de donner aux organes de la loi toute la force qui leur est nécessaire pour maintenir la tranquillité publique. Je demande que vous mainteniez provisoirement en fonctions toutes les autorités actuellement existantes. >>

M.... « J'appuie cette proposition; mais je crois qu'elle est susceptible d'extension, et je voudrais que l'on décrétât aussi que toutes les lois non abrogées continueront à être exécutées comme par le passé.

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Chenier. « Celles qui ne sont pas abrogées subsistent par le fait; il n'est besoin d'aucune déclaration. »

Camus. « Ce qui est essentiel, c'est d'ordonner la con:

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tinuation de la perception des impôts; car vous savez qu'ils doivent être votés au commencement de chaque législature. Quant à l'autre proposition, il suffit, je crois, de passer à l'ordre du jour motivé. »

Pricur. « La conservation provisoire des autorités et des lois actuellement existantes est sans doute de droit; mais il faut garantir les départements des inductions que les agitateurs pourraient tirer du silence de la convention. » (On applaudit.)

Les propositions de MM. Philippeaux et Camus sont unanimement décrétées en ces termes :

« La convention nationale déclare que toutes les lois non abrogées et tous les pouvoirs non révoqués ou suspendus sont conservés.

» La convention nationale déclare que les contributions actuellement existantes seront perçues comme par le passé. »

Collot d'Herbois). « Vous venez de prendre de sages délibérations; mais il en est encore une grande, une salutaire, une indispensable; il en est une que vous ne pouvez remettre à demain, que vous ne pouvez remettre à ce soir, que vous ne pouvez différer un seul instant sans être infidèles au vœu de la nation: c'est l'abolition de la royauté ! Je demande que la Convention nationale déclare que la base immuable de toutes ses opérations sera l'abolissement de la royauté. (Applaudissements unanimes.)

Quinette. Il ne s'agit pas de faire des serments, il ne s'agit pas de faire des déclarations: ce n'est pas nous qui sommes juges de la royauté; le peuple entier l'a jugée : et si quelqu'un de nous osait encore proposer une telle institution, c'est nous que le peuple jugerait encore ! Cette déclaration ne signifierait absolument rien dans la naissance d'une société : déjà nous avons fait le serment de combattre jusqu'à la mort les rois et la royauté; ce serment doit suffire. Notre mission est d'instituer un gouvernement positif; le peuple optera ensuite entre l'ancien,

où se trouvait la royauté, et celui que nous lui présenterons. Quant à moi, comme représentant du peuple français, je ne songe ni aux rois ni à la royauté ; je m'occupe tout entier de ma mission, sans penser qu'une pareille institution ait jamais pu exister. Ce n'est donc pas la royauté que nous avons à juger, c'est Louis XVI, qui a été un instant sur le trône, et qui a manqué de faire périr la nation, la liberté et l'égalité; c'est Louis XVI qu'il faut punir ! Je pense donc qu'il est inutile de s'occuper en ce moment de la proposition du préopinant.

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Grégoire. « Certes personne de nous ne proposera jamais de conserver en France l'institution funeste des rois; nous savons trop bien que toutes les dynasties n'ont jamais été que des races dévorantes qui ne vivaient que du sang des peuples mais il faut pleinement rassurer les amis de la liberté; le mot de roi est encore un talisman dont la force magique serait propre à stupéfier bien des hommes, et à devenir le principe de beaucoup de désordres. Je demande donc que par une loi solennelle vous consacriez l'abolition de la royauté. »

Tous les membres de l'assemblée se lèvent par un mouvement spontané, et protestent, par des acclamations unanimes, de leur haine contre une forme de gouvernement qui a causé tant de maux à la patrie. (Expressions du procès verbal.)

Bazire. « Je demande à faire une motion d'ordre. L'assemblée vient de manifester par l'unanimité de ses acclamations sa haine profonde pour les rois ; on ne peut qu'applaudir à ce sentiment, si concordant avec celui de l'universalité du peuple français ; mais, citoyens, il serait d'un exemple effrayant pour le peuple de voir une assemblée de philosophes chargés de ses plus chers intérêts délibérer dans un moment d'enthousiasme... (Quelques membres demandent que l'orateur soit rappelé à l'ordre.) Je ne crains pas que l'on m'accuse d'aimer les rois; le premier j'ai élevé ici la voix contre Louis XVI, et certes je ne serai pas le dernier à prononcer l'abolition de la royauté ;

mais, citoyens, ce que je crains, ce que je redoute, c'est l'enthousiasme. Certes il faut abolir la royauté ! Le peuple veut cette abolition; il la faut ! Mais une décision de cette importance, que sans doute tous les peuples d'Europe prendront avec vous, mérite d'étre précédée d'une discussion solennelle. »

Grégoire. «Eh! qu'est-il besoin de discuter quand tout le monde est d'accord? Les rois sont dans l'ordre moral ce que les monstres sont dans l'ordre physique; les cours sont l'atelier du crime, le foyer de la corruption; l'histoire des rois est le martyrologe des nations: dès que nous sommes tous également pénétrés de ces vérités, qu'est-il besoin de discuter? Je demande que ma proposition soit mise aux voix, sauf à la rédiger ensuite avec un considérant digne de la solennité de ce décret.» (Applaudissements. réitérés.)

Manuel. « Le pacte social commence aujourd'hui: quand le peuple commence un pacte social il n'a pas de roi, puisque c'est lui qui les fait. Vous ne pouvez point abolir la royauté, elle n'existe point; mais vous pouvez déclarer que la nation ne veut pas de roi, que la nation ne reconnaît pas la royauté: ainsi substituons au mot abolition un mot qui soit d'accord et avec nos principes et avec nos sentiments profonds de haine contre la royauté. » (Applau dissements.)

La discussion est fermée. Il se fait un profond silence; le président met aux voix la proposition principale, et,

à l'unanimité, l'assemblée l'adopte en ces termes ::

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a La Convention nationale décrète que la royauté est

>> abolie en France,

» Et que tous les actes publics porteront dorénavant la date de l'an 1 de la république. »

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SÉANCE DU VINT-DEUX SEPTEMBRE.

:

M.... s'élève contre les administrations, qui sont gangrenées de royalisme, et demande qu'elles soient renouvelées; Pontécoulant appuie sa proposition; Philippeaux veut qu'elle s'étende aux tribunaux; Billaud-Vareunes est de cet avis il demande, non qu'on réorganise les tribunaux, mais qu'on les remplace par des experts; Chassey, Carra, Lanjuinais, Vergniaux, combattent inutilement cette proposition; la Convention l'adopte, et décrète que les juges pourront être indistinctement choisis parmi tous les citoyens.

Des députés extraordinaires de la commune d'Orléans sont introduits. L'orateur prend la parole:

« Le peuple d'Orléans, représenté par le vœu unanime des sections assemblées, vient d'exercer par un acte éclatant la souveraineté, en prononçant la suspension des officiers municipaux qui avaient perdu sa confiance, et en conservant ceux que leur patriotisme, leur dévouement généreux et leur respect constant pour les droits du peu ple devaient faire distinguer des autres. Les grains étaient publiquement accaparés par les ennemis intérieurs de la révolution. La municipalité n'opposait au brigandage que la plus criminelle insouciance. Déjà elle avait excité les plus justes méfiances, par ses adresses adulatoires à l'ancien pouvoir exécutif; enfin sa dureté à repousser les réclamations des citoyens, son opiniâtreté à s'entourer de canons et de baïonnettes, plutôt que de la confiance publique; le drapeau de sang qu'elle vient de déployer au milieu d'un peuple qui ne demandait que du pain et qui depuis trois ans avait donné tant de preuves de son amour pour la paix, ont déterminé cette suspension:

Eh bien ! le croiriez-vous ! la volonté du peuple est méconnue par ces infidèles mandataires; les citoyens sont menacés par des satellites qui entourent avec des canons la forteresse municipale. Les sections, voulant éviter les

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