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spirituelle du pape, parce que ce dernier dans ses allocutions avait foudroyé la politique de l'empire allemand à cause de ses lois persécutrices contre l'Église et contre les catholiques en Allemagne. Il est clair que dans ce cas le pape se serait trouvé dans l'alternative de se taire, ou bien d'essuyer toutes sortes d'humiliations pour ne pas compromettre le pouvoir temporel. Il aurait dû subir une attaque violente plus ou moins diplomatique de la part du chancelier de fer. Si, par contre, il a pu dire tout ce qu'il pensait et frapper par des expressions très dures. les persécuteurs de l'Église, il le doit uniquement à la fortune d'avoir perdu le pouvoir temporel.

Un pape étranger, en voyant les troupes italiennes entrer dans Rome, aurait soulevé le plus grand bruit, d'autant plus qu'en sa qualité d'ẻtranger il se serait vu obligé à une défiance particulière, qui lui aurait fait considérer les Italiens comme des ennemis. Prévenu de la sorte à leur égard, il aurait provoqué la révolte des consciences en Italie et éveillé tous les désastres d'un désordre sans fin, mais dont la papauté en aurait pourtant ressenti bien des dommages.

Très probablement un pape étranger se serait efforcé d'engager le gouvernement de son pays et les gouvernements amis pour obtenir une in

tervention armée, détachant ainsi toujours davantage la papauté de la conscience des populations et l'éloignant du chemin de la paix et du progrès civil. Ne pouvant réussir dans son dessein, il se serait décidé à quitter Rome pour chercher sa résidence près d'une autre nation, alarmant ainsi le monde et faisant des pressions sur les gouvernements afin d'être rétabli au Vatican par les armes, sans penser que toutes ces démarches n'auraient pas abouti. La plus grande confusion se serait néanmoins produite avec tous les troubles moraux et religieux qui dérivent des décisions extrêmes.

Le gouvernement italien, de son côté, en présence de tant d'hostilités aurait été obligé de répondre par des hostilités pareilles, ce qui certainement ne se serait pas traduit à l'avantage de la bonne direction des affaires religieuses.

Il a été donc très heureux d'avoir eu en 1870 un pape italien et plus encore un pape qui s'appelait Pie IX, dont le nom était lié aux faits les plus saillants de la révolution italienne, qui, si elle a si bien réussi, c'est que Dieu lui-même la voulait. Ce pontife, qui se connaissait quelque peu en interventions étrangères et qui avait éprouvé la saveur qu'elles ont de sel et de fiel, ne pouvait certainement pas désirer de nouvelles interventions. Il ne pouvait pas non plus avoir

l'idée de quitter Rome, qu'une loi providentielle a prédestinée comme siège du chef de la religion du Christ. Il est vrai que l'idée du départ a été inspirée et débattue, selon que l'on disait dans ces temps-là, mais le pape comprenait qu'il ne pouvait abandonner Rome sans compromettre la papauté et la religion, sans apporter pour beaucoup d'années un temps d'arrêt dans la suprême direction de l'Église, sans faire naître des jalousies et des dissensions parmi les puissances, sans amoindrir son pouvoir spirituel.

Cette nécessité historique, qui a placé à Rome la chaire de Saint-Pierre, est perpétuelle; elle s'identifie avec son sol, avec son climat et avec le tempérament des Italiens. Si on voulait faire violence à cette nécessité, les premiers à en souffrir seraient les étrangers, c'est-à-dire les catholiques non italiens, qui. ne pouvant pas comprendre la dureté de l'événement inattendu, éprouveraient ce je ne sais quoi qui diminue le respect à l'autorité du pape, celui-ci ne pouvant être vraiment grand qu'à Rome, où chaque pierre est un monument qui lui donne de l'éclat, chaque souvenir une gloire qui rejaillit sur lui.

A cette époque surtout, si le pape ne devait pas être italien, je crois ne pas exagérer en affirmant que l'Église et la papauté courraient le plus grand risque. Je n'ai pas l'intention avec

cela d'en tirer une conclusion absolue, pouvant arriver qu'un pape étranger puisse donner un démenti à mes inductions.

IV.

Incompatibilité entre les deux pouvoirs.

Il n'y a pas de pontife qui, à l'heure actuelle, puisse formellement renoncer aux anciens droits de l'Église, même s'il était disposé à se soumettre à la fatale évolution des temps présents. Non seulement il ne saurait y renoncer, mais il est obligé de protester pour retourner à l'ancienne condition, poussé par la force des choses et par la nature de sa propre position. En effet, Pie IX commença à protester et Léon XIII continue à le faire en vue de prouver la nécessité du pouvoir temporel et de garantir au SaintSiège sa propre liberté. Mais tant ceux qui protestent que ceux qui approuvent et soutiennent les protestations démontrent, sans le vouloir, la nécessité d'avoir un pape italien.

En vérité, si l'on suppose l'existence du pouvoir temporel à Rome tel qu'il était avant 1870, est-il admissible qu'on puisse en donner l'investiture à un pape étranger? Est-ce qu'un étranger pourrait gouverner les villes et les provinces

de l'Italie ? Et le peuple italien en accepterait-il la dépendance et lui obéirait-il? Le Sacré Collège, réuni en Conclave, peut certainement faire tomber son choix suivant son bon plaisir, lui seul étant le juge de son élection. Il n'y a rien à dire là-dessus. Mais pourrait-il oublier les longues traditions par lesquelles la papauté forme une seule chose avec le sol italien et qu'elle est presque une création de cette Rome, où elle a placé son siège? Pourrait-il méconnaître cette romanité qui est inhérente à la papauté ?

Il peut très bien la méconnaître, il peut faire tout ce qu'il veut relativement aux circonstances et aux jugements du moment, mais toute décision contraire à l'essence romaine de la papauté sera toujours nuisible aux intérêts de l'Église non moins qu'à la paix du monde et à la tranquillité des consciences.

Rien ne peut détruire la puissance, pour ne pas dire la toute-puissance, de ce premier jugement qui a fait de la papauté une institution romaine et qui a établi pour Rome et pour l'Italie l'accord d'un privilège accepté et reconnu par tout le monde comme une nécessité de la foi catholique; nécessité réclamée constamment par les usages de l'Église et par les lois qui la gou

vernent.

En effet, tout cardinal, soit-il italien ou étran

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