népotisme disparaît ou du moins il perd sa consistance.

Le pouvoir temporel une fois admis, le népotisme s'impose, comme nous l'avons déjà vu, contre la volonté même du pape; car si le pape éloigne ses neveux, ceux-ci sont reconnus par les puissances, qui les comblent d'honneurs et de titres afin d'entrer dans les bonnes grâces du pape leur oncle et avoir ainsi un chemin ouvert d'avance pour arriver jusqu'à lui dans le cas où ils pourraient en avoir besoin.

J'ai dit précédemment que le pape doit être italien pour le bien de l'Église et j'ai donné un aperçu des malheurs qui sont échus à l'Italie et à l'Église par suite de l'élection de papes étrangers. J'ai fait aussi mention de la translation du Saint-Siège à Avignon. Ce fut un pape français qui émigra de Rome, brisant ainsi la tradition des siècles. La résidence de la papauté à Avignon dura soixante-dix ans au cours desquels sept papes français se succédèrent.

Pendant cette période les affaires de l'Église marchaient d'une façon déréglée et sans connexion; aussi fallut-il enfin céder aux plaintes et aux prières des fidèles qui réclamaient le retour du Saint-Siège à Rome. Les suites de cette fausse route, c'est ainsi que nous l'appellerons, furent très graves, attendu qu'au milieu de tant

de malheurs on vit surgir des schismes et des antipapes par le fait desquels les causes de discordes et de guerres augmentèrent excessivement.

Le souvenir d'Avignon me fait penser aussi à tout ce qui arriva plus tard relativement à la domination temporelle d'Avignon et du ComtatVénaissin appartenant tous les deux au SaintSiège. En 1792, la convention française avait supprimé le pouvoir civil du Saint-Siège dans ces provinces et en avait décrété l'annexion à la France. Losqu'on signa le concordat de 1801 entre Napoléon Ier et Pie VII, ce dernier se trouvant à Paris demanda à l'empereur la restitution d'Avignon et du Comtat-Vénaissin, mais l'empereur, tout en se montrant très doux et très courtois envers le pape, répondit négativement.

La conséquence que nous pouvons tirer de ce fait, c'est que si l'Église perdit, sans en ressentir aucun préjudice, le pouvoir civil sur Avignon et sur le Comtat-Vénaissin, la même chose peut arriver à Rome sans que l'Église en souffre davantage. Et c'est ici justement le cas de rẻpéter que l'Église ne peut qu'en avoir des avantages, le pape restant libre des liens terrestres qui le détournent du vrai but du Saint-Siège et qui troublent la tranquillité nécessaire pour prendre une résolution importante.

Quand la papauté est annexée au pouvoir temporel, il arrive que dans les Conclaves se produisent des intrigues de tous genres et des chicanes scandaleuses. L'élection prend alors un caractère absolument mondain, à l'instar de toutes les autres élections politiques modernes.

En outre, les souverains eux aussi dressent des intrigues, proclamant des exclusions contre l'un on contre l'autre en faveur de leurs adeptes. De telle sorte, le pouvoir laïque étranger s'introduit dans une assemblée sacrée, où seulement le plus pur sentiment de la foi chrétienne devrait planer. Les souverains font des offrandes et des promesses pour atteindre leurs buts politiques, et les corruptions, les simonies les plus honteuses en sont le résultat. Le pape nouveau lui-même était obligé, après son élection, de récompenser par de l'argent, par des honneurs et par des charges lucratives les cardinaux qui lui avaient donné leur vote. Et voilà la jalousie s'emparer de ceux qui s'y étaient pris différemment et qui se voyaient dans la position d'être considérés comme des adversaires du nouveau pape, ce qui ne laisse pas d'être très fâcheux quand le pape est aussi roi et à même de pouvoir se valoir de la vengeance.

Le pontife se trouve dans une condition malheureuse également s'il est élu contrairement

au veto de quelque grande puissance. Dans ce cas, celle-ci soupçonne qu'il lui soit ennemi, et le pape auquel les sentiments d'inimitié de cette puissance à son endroit sont bien connus, réagit, si l'occasion favorable vient à s'offrir. Ainsi nous assistons aux querelles des différents partis, aux dommages de l'Église, à la désolation du peuple.

C'est ce qui arriva pendant le Conclave de Paul IV qu'on élut contre la volonté de l'empereur qui le soupçonnait d'être son ennemi, l'ayant vu contraire en plusieurs occasions au parti impérial. Il s'ensuivit que le pape se déclara hostile à l'empire et s'allia avec les Français, circonstance dans laquelle ses neveux le servirent avec un zèle exagéré et compromettant non moins qu'en mauvaise foi.

Cela donna lieu à des préparatifs de guerre, à des frais considérables, à la levée à Rome d'une armée nombreuse. Les familles impériales furent vexées, on dépouilla les Colonna de leurs fiefs, et l'on finit par s'emparer de l'État romain au grand détriment de la population tourmentée par les étrangers non moins que par les gens du pays.

La fureur du peuple contre le pape éclata enfin, et quand un nouveau pontife fut élu, les neveux de Paul IV subirent la peine de leur politique malsaine et folle avec la condamnation à

mort, qui fut exécutée. Au cours de cette période de cinq ans personne ne pensait à l'Église, personne ne songeait aux fidèles, ni à la charité qui fait revivre les populations, car l'idée qui l'emportait était celle du gouvernement temporel, idée qui traîne après soi de tristes conséquences.

Cela frappe d'autant plus qu'il s'agit d'un pape doué de beaucoup de talent et de mœurs vraiment saintes et qui voulait être le réparateur de la morale de toute l'Église. Mais cela n'est pas possible si le pape a le pouvoir temporel, ce pouvoir ayant des exigences fatales et excitant des passions qui s'imposent chaque jour.

Si l'on veut que le gouvernement spirituel de l'Église ait le dessus et qu'il accomplisse son évolution naturelle, il faut se passer absolument de la principauté civile. Puis, tout bien considérė, c'est un fait qu'on ne peut pas s'expliquer et qui semble une chose à peu près étrange qu'on puisse attacher autant d'importance au pouvoir temporel.

Qu'est-ce que le pouvoir temporel en regard de l'immensité du pouvoir spirituel qui s'étend librement dans le monde entier avec la puissance d'une influence divine? Le pouvoir temporel c'est la satisfaction de commander à quatre soldats, à deux agents de police, à deux douaniers. C'est