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pape italien, mais sur les idées qu'il doit repré

senter:

Les cardinaux étrangers sont, non seulement convaincus, mais décidés à porter leur vote sur un nom italien; mais sur qui? Il est inutile de le cacher, la passion politique entrera pour beaucoup dans le choix. Deux sont les graves problèmes à résoudre. Devra-t-on voter pour un candidat qui doit combattre pour le pouvoir temporel, ou bien sur qui voudrait l'acquiescement, en faisant toutefois les protestations habituelles?

L'autre question dérive de la division politique, dans laquelle se trouve l'Europe, et c'est très discuté si le futur pontife doit suivre la conduite de Léon XIII dans les affaires intérieures des États.

Une preuve que la question politique ne doit pas rester étrangère au Conclave qui devra avoir lieu, on la trouve dans la conduite de l'Allemagne et de la France, qui tàchent d'avoir un ascendant sur les décisions que l'on est en train de prendre. Vraiment, le fait de voir l'Allemagne faire tant d'efforts pour avoir un nombre de cardinaux qu'elle n'a jamais eu, est un symptôme qu'il ne faut pas perdre de vue. On doit en dire autant à l'égard de la France, qui dans le Consistoire du 12 juin de cette année a imposé deux nou

veaux cardinaux, ne voulant pas rester avec deux places vacantes en vue de quelque événement qui pût se produire. Bien mieux, elle en aurait désiré même un troisième si on avait pu en ce temps établir les accords.

De quels éléments se compose le Sacré Collège pour la future élection du pape? L'élection sera-t-elle faite avec une entière liberté, ou bien les cardinaux entreront-ils dans le Conclave avec une décision déjà arrêtée?

Je parlerai plus tard de l'action des puissances et de leurs rapports avec le Vatican qui ont avec ces deux questions des liaisons intimes.

Voici, en attendant, les éléments qui probablement décideront de la future élection du pape. Je ne ferai pas une biographie des cardinaux présents. Je me bornerai à n'en dire que ce qui est nécessaire pour connaître leur inclination et leur pensée au sujet du futur pontife.

Le premier qui se présente est le cardinal Raffaele Monaco La Valletta, issu d'une ancienne famille de Chieti, bien qu'il soit né à Aquila le 23 février 1827. C'est le doyen du Sacré Collège et évêque suburbicaire d'Ostia et Velletri. On a parlé de lui à plusieurs reprises comme successeur de Léon XIII, jouissant parmi ses collègues de beaucoup de sympathie. Sa nomination était

encore plus sûre il y a quelques années, quand les cardinaux créés par Pie IX étaient plus nombreux.

Le cardinal Monaco est très pratique dans les affaires et fort à même de connaître les hommes et les choses qui se rapportent au gouvernement de l'Église. Ce n'est pas un savant, mais il est habile, de manières distinguées, sans prétention, ayant du cœur et en même temps d'une fermeté toute spéciale: c'est un bourru bienfaisant. Il vit simplement et de ses rentes il n'a jamais fait aucune économie. D'une rigidité exceptionnelle, sa crédulité l'a pourtant induit parfois en erreur. Aussi, ayant prêté l'oreille à des accusations non toujours fondées sur quelques dignitaires du clergé, a-t-il été transféré du Vicariat à la Pénitencerie apostolique.

Son choix signifierait que l'on s'intéresserait plus à l'Église et à la morale qu'à la politique. Intransigeant sincère, il ne ferme pas les yeux sur la réalité des choses, et s'il ne ferait aucune concession, il ne négligerait pas pour la politique les intérêts de la religion. Il lancerait sa bonne protestation dans un langage sévère, ne s'inquiétant guère des mesquineries mondaines. Certes, il ne tolérerait pas des offenses à la religion et à l'Église, mais il ne les provoquerait pas non plus. Avec les autres puissances il en

tretiendrait également de bons rapports et il aurait soin des intérêts religieux.

La certitude pour le cardinal Monaco La Valletta de réussir élu futur pape serait mathématiquement sûre (sous le nom de Pie X), si dans ces derniers temps son état de santé ne s'était sensiblement affaibli, le faisant paraître plus âgé de ce qu'il ne l'est réellement.

Ce dépérissement de santé met ses collègues dans l'embarras. Dans la crainte, ils tournent leur regard à la recherche de quelqu'un qui, dans les mêmes conditions, pourrait le remplacer; ce qui n'est certainement pas très facile. C'est pour ce motif qu'une grande incertitude règne sur ce choix.

Luigi Oreglia di Santo Stefano a un an de moins que le précédent, étant né en 1828 à Bene Vagienna, près de Mondovì, en Piémont.

Camerlingue de la S. R. Église, il est sous-doyen du Sacré Collège et évêque suburbicaire de Porto et Santa Rufina. Il fut créé cardinal par Pie IX en 1873, après avoir été nonce en Portugal. Quoique ce cardinal ait parcouru une longue carrière, il n'a ni précédents, ni partisans, ni amis. Son train de vie est excentrique et son opiniâtreté est telle que rien ne peut l'émouvoir. Il combat dans le camp des intransigeants et

son vote sera pour celui qui partagera ses idées, à la condition toutefois qu'il lui plaise. Il est poli, charitable et parfois génial.

Luigi Serafini, cardinal palatin, secrétaire des Brefs, évêque suburbicaire de Sabine, n'a pas les mêmes idées que les deux cardinaux précédents, mais son âge de quatre-vingt-six ans étant né à Magliano Sabina le 7 juin 1808 - le met presque hors de combat.

Plus qu'un homme de lutte, le cardinal Serafini a été toute sa vie un homme de travail, ayant laissé des traces dans toutes les charges qu'il a occupées. Plusieurs fois il a exprimé de sévères jugements sur la politique du Saint-Siège, se tenant cependant toujours dans les limites de la prudence. Aimant la justice, il l'a administrée à la satisfaction commune, parcourant degré par degré l'entière carrière légale, à commencer par la charge de procureur de la Rote.

Lucido Maria Parocchi est nommé l'énigme du Sacré Collège. C'est un candidat sérieux à la papauté, bien qu'il ait des adversaires et des amis également forts et puissants. Ce n'est pas un homme ordinaire que le cardinal Parocchi. Né à Mantoue le 13 août 1833 d'une famille

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