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faisaient partie s'étaient éparpillés, éclaircissant ainsi leurs rangs. Qu'a fait alors le Vatican? En dépit de la loi de suppression, il a d'abord intimé, encouragė, aidé les corporations à établir à Rome des établissements et des couvents; ensuite, voyant que le nombre des religieux s'était considérablement augmenté, il s'est empressé de commander aux généralats de rentrer dans leurs anciennes résidences. C'est là un travail d'une entité et d'une importance si considérable, qu'il est à ne pas croire que le gouvernement ne s'en soit pas aperçu. Je me tiens au-dessous de la réalité en disant que depuis lors les corporations religieuses se sont triplées autant dans le nombre des maisons que dans le montant des individus. Les anciens monastères ont disparu et à la place de ces habitations mesquines, sales, voire même indécentes, on a vu s'élever de somptueux édifices avec tout le confort de la civilisation moderne, et à leur côté de belles et riches églises artistement bâties.

A ne parler que des jésuites, qui, à l'exception du Collegio Romano n'avaient aucun grand bâtiment à eux, ils possèdent maintenant non moins de dix maisons, dont quatre sont de très vastes et superbes palais, comme l'ancien hôtel Costanzi et l'immense bâtiment Campanari à Ripetta. Il est vrai que le général des jésuites n'est

pas retourné à Rome, mais ce retard ne dépend pas de sa volonté.

Toutes ces maisons religieuses créent autour d'elles une masse si énorme d'intérêts pour travaux, pour secours, pour aumônes, pour conseils, que, peu s'en faut que la population tout entière ne soit attirée dans leur orbite. Avec les maisons de religieux ont surgi des écoles de tout genre et de tout degré qui se trouvent en mesure de faire concurrence aux meilleures qu'entretiennent la municipalité et le gouvernement, et possédant sur celles-ci l'avantage de l'économie. Ce que peuvent faire les institutions religieuses, le gouvernement ne le peut pas. Dans tous les coins de Rome on a fondé des instituts d'éducation et des pensionnats pour combattre les instituts des libéraux ou pour rivaliser avec eux. Si l'on ajoute à tout cela l'action qu'exercent les nombreux curés et la masse d'intérêts que le Vatican peut déployer par l'entremise de la Cour pontificale, des congrégations ecclésiastiques, des chapitres et des adeptes, on verra qu'il existe dans Rome une population à part. Or, le Vatican a su habilement exploiter la position que l'inertie et l'inhabileté du gouvernement italien lui ont permis de se faire.

Chaque fois que quelque grave événement s'est produit, comme lors de l'inauguration du monu

ment à Giordano Bruno, le pape a fait supposer d'avoir l'intention de quitter Rome. Cela n'a jamais eu des probabilités sérieuses. Je crois même pouvoir affirmer que si l'on a eu pour un instant cette idée, à la suite de conseils venus de l'étranger on a entièrement changé d'avis, et le pape est aujourd'hui fermement résolu, quoi qu'il arrive, à ne pas se mouvoir du Vatican. Il ne se meut car il ne saurait pas où aller. Il ne se meut ni se mouvra, car les puissances ne le veulent pas. Il ne se meut ni se mouvra, sachant bien que si le départ lui réussirait très facile, le retour ne le lui serait pas autant. Aussi, non seulement le pape, mais encore les cardinaux sont-ils maintenant plus décidés que par le passé à ne pas bouger de la forteresse vaticane, et quel que soit le successeur de Léon XIII, il ne se départira certainement pas d'une pareille décision.

J'ai déjà fait observer que le Vatican combat l'Italie aussi à l'étranger. Cela a eu pour résultat, que les missionnaires italiens éparpillés sur la surface du globe ne peuvent pas demander à être pris sous l'égide des représentants de l'Italie, mais ils doivent, par contre, se ranger sous un pavillon différent. En outre, toutes les écoles italiennes à l'étranger qui auraient pu être dirigées par nos religieux, au grand avantage moral autant que matériel de notre patrie, ont été écartées

parce qu'elles auraient dû se soumettre à la surveillance et à la protection des consuls italiens!

Grâce à sa nationalité italienne, le pape a pu envelopper l'Italie de tous côtés. La papauté est usurpatrice par sa nature même, car les principes religieux s'infiltrent par nécessité. Pourquoi donc nul État ne veut-il le pape chez soi? Pourquoi le pape doit-il être forcément italien? C'est pour la raison que tous craignent son action usurpatrice. Dans la situation actuelle, j'aime à le rẻpéter, les cardinaux étrangers eux-mêmes sont les partisans les plus ardents d'un pape italien. Pourrait-on établir ailleurs un tas aussi imposant d'intérêts mondains? Est-ce qu'un pape de nationalité différente ne les détruirait pas? A part cela, est-ce qu'un gouvernement étranger pourrait permettre qu'un pape italien allât s'asseoir dans ses États, soit pour travailler au recouvrement du pouvoir temporel, ou bien pour se créer une nouvelle position?

Le pape futur sera donc, quel que soit le point de vue d'où l'on envisage la question, nécessairement italien.

IV.

Le pape et la France.

Il ne sera pas très facile au vulgaire de comprendre pourquoi, en traitant la question si le pape doit être italien, j'écris un chapitre dédié expressément aux rapports entre la France et l'Italie. Je me suis même demandé si la prudence n'exigeait pas que ce sujet fût mis à l'écart. Le lecteur verra pourtant que je n'ai pas eu tort de m'y décider, les événements qui se sont produits non seulement dans ces dernières années mais aussi par le passé entre le Vatican et la France ayant créé une situation toute spéciale.

La France a joué un rôle considérable dans les vicissitudes du Saint-Siège; de son côté, le pape ne s'est jamais lié à d'autres pays aussi étroitement qu'avec elle. L'Espagne, le Portugal, l'Autriche et d'autres États sont peut-être plus attachés au pape de ce que ne le soit la France. On observe cependant ceci, qu'entre la France et le pape les rapports ont été et sont plus intimes que ceux qui existaient jadis entre le pape et les princes italiens détrônes par l'Italie nouvelle et qui formaient pourtant avec le Vatican presque tout à fait la même chose. Ces rap

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