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détourner ce coup, les évêques protestèrent, en déclarant que dans l'exercice de leur ministère point n'était besoin d'un surveillant papal. En présence d'une pareille attitude, le pape dut abandonner son idée d'établir des relations diplomatiques avec l'Angleterre. De son côté, le cabinet de Saint-James fut très satisfait de ce résultat, attendu que l'action d'un représentant anglais près le pape aurait dû uniquement se borner à faire acte de présence aux réceptions et aux cérémonies pontificales.

A part cette circonstance, les rapports entre la Grande-Bretagne et le Vatican se sont améliorés au point qu'on doit considérer aujourd'hui l'Angleterre comme une des puissances intéressées dans la question du pape futur. En effet, ce n'est pas une chose indifférente pour elle que d'avoir le pape favorable ou contraire dans la question irlandaise, qui ne pourra être résolue pas même dans le cas où le bill du Home rule viendrait à être approuvé. En outre, quoique l'Angleterre n'ait à l'heure présente rien à craindre aux Indes, il n'est pas moins de son intérêt que l'influence des missions catholiques, qui, ainsi que nous venons de le voir, ont fait de grands progrès, continue à s'exercer loyalement en faveur de la couronne britannique.

Bien qu'il résulte d'un tel ensemble de cir

constances que le gouvernement anglais ne doit nullement se préoccuper à l'égard de la conduite du clergé catholique, car il est assuré que le pape, par rapport à l'Irlande, n'a qu'une influence bornée, ce clergé que dirigent les évêques ne cédant pas au Vatican dans ce qui se rapporte à la politique, malgré tout cela l'Angleterre ne saurait ne pas s'intéresser, pour des raisons particulières, à ce qui a trait à la succession de Léon XIII.

Vis-à-vis de la papauté, le gouvernement anglais a modifié son ancienne politique, tenant compte des influences et des forces catholiques de l'État. Aussi, dans le Conclave futur, en raison encore de l'attitude des autres puissances, ne se bornera-t-il pas au rôle de spectateur indifférent.

Les rapports entre le Vatican et la Turquie, qui d'ailleurs n'ont jamais été intimes, empirėrent de beaucoup lorsqu'une partie de l'Église arménienne encouragée par le gouvernement ottoman, se rébella à l'autorité papale. Eh bien! Avec la Turquie elle-même le pape a voulu nouer des rapports amicaux. On dit qu'il l'a fait à l'avantage exclusif de l'influence française, et que le délégué apostolique n'est qu'une émanation de l'ambassade de France. On doit pourtant reconnaître que des intérêts ont été créés entre la Turquie et le Vatican, et que la question du

choix du pape futur ne peut pas être du tout indifférente à la Sublime Porte, car un pape non italien, ou possédant cette nationalité, mais obéissant aux inspirations de quelque puissance, pourrait bien altérer sa condition intérieure déjà si peu solide.

Ce réseau d'intérêts que Léon XIII a développés au milieu d'États non catholiques, ne lui a pas suffi. Il s'est avancé jusqu'à la Hollande et à la Suisse. Entre le Vatican et la Hollande il n'existait vraiment ni discorde, ni unión intime. Ce pays luthérien se souciait fort peu du pape; néanmoins, une partie de sa population étant catholique, il avait consenti à ce qu'un internonce résidât à La Haye, non en vue des rapports politiques entre l'État et le Vatican, mais pour des affaires spirituelles. Non satisfait, le pape a saisi tout prétexte pour donner du poids à la présence de l'internonce dans la capitale de la Hollande, le considérant comme un chargé d'affaires diplomatiques.

Plus considérable encore a été l'action du pontife à l'égard de la Suisse. Une rupture complète de rapports et un âpre conflit s'étaient produits entre la confédération helvétique et le Vatican, l'évêque de Lausanne, poussé par le pontife, ayant usurpẻ titre et juridiction sur le canton de Genève, en opposition aux autorités de

l'État qui ne voulaient ni ne voulurent point les

accorder. De là une série d'actes très hostiles. de part et d'autre, et l'expulsion du délégué apostolique représentant le Saint-Siège dans la confédération helvétique. L'irritation produite par cette mesure venait à peine de se calmer, que le pape envoyait des personnes s'interposer auprès du gouvernement fédéral pour amener un accommodement. Ce ne fut pas une chose facile, et plusieurs années s'écoulèrent avant d'arriver à une entente, dans laquelle toutefois force fut au pape de céder aux prétentions de la Suisse. Mais un pareil sacrifice ne parut pas trés lourd au Vatican, qui se voyait ainsi facilité les moyens de renouer les anciens bons rapports. Il est vrai que la délégation apostolique n'a plus été rẻtablie; cependant on a abouti à une réorganisation des évêchés, en sorte que les deux parties se sont créé des intérêts réciproques.

Ce qui préoccupe la Suisse ce ne sont pas les conditions de la papauté, mais les idées que pourrait avoir un pape futur, qui, suivant ses tendances plus ou moins françaises ou allemandes, pourrait bien causer des perturbations politiques. Bref, ce n'est que l'élection d'un pape italien qui puisse être agréée par la confédération.

Nous venons d'exposer quels sont les intérêts que le pape a établis avec plusieurs États non

catholiques. Jetons maintenant un coup d'eil sur les rapports entre le Saint-Siège et les pays catholiques les moins considérables à notre point de vue.

Le pape pouvait jadis compter de la manière la plus efficace et la plus sûre sur l'Espagne. Aujourd'hui, quoique cette nation soit encore très dévouée au pape et soumise à son autorité, la situation a sensiblement changé. Le Saint-Siège, qui avait encouragé pendant longtemps les carlistes dans l'espoir qu'ils seraient arrivés à s'emparer du gouvernail de l'État, fit preuve d'hostilité d'abord contre la république, ensuite contre Amédée de Savoie. Désabusé par les événements, le pape reconnut ouvertement le jeune roi Alphonse XII, malgré l'opposition de plusieurs évêques espagnols. Les vestiges de la révolution n'ont pas entièrement disparu; cependant peu à peu l'Espagne est redevenue l'État très fidèle au pape, rétablissant les choses de façon à se rendre nécessaire l'un à l'autre.

A tout événement, même le moins important, le pape intervient et dicte sa volonté au gouvernement espagnol. L'État voudrait résister à de pareilles exigences, mais le parti libéral lui-même doit s'y plier. La monarchie n'y est que pour la forme. Le clergé se servant de l'épouvantail du carlisme pour effrayer le pays abattu, s'est rendu

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