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No XVI.

3 mai

Copie d'une lettre adressée par le Sénat de la ville libre à S. M. Nicolas I, Empereur de toutes les Russies, Roi de Pologne. Sire, ayant pris les rênes du Gouvernement du pays libre de Cracovie, créé par la volonté des hautes Cours alliées, le Sénat juge que', parmi les objets confiés à sa sollicitude, l'éducation publique méritait de l'occuper particulièrement, tant par le but auquel elle tendait immédiatement, que par la volonté que les puissances contractantes avaient exprimée dans le traité additionnel signé à Vienne le 27 avril 1815, et nommément aux articles XIII et xv, de voir l'Université de Cracovie jouir d'un haut degré de prospérité et de splendeur. C'était donc tout autant par le sentiment de son devoir, que par celui d'une confiance illimitée dans la bonté et la générosité de S. M. l'Empereur Alexandre Ier, de glorieuse mémoire, que le Sénat avait porté aux pieds de son trône pour lui représenter que le vœu des hautes Cours protectrices exprimé à ce sujet dans les traités, ne saurait être rempli, à moins que l'Université de Cracovie ne fût remise en possession de son entière dotation que dans les siècles précédents la munificence des rois de Pologne, les largesses de beaucoup de familles illustres à titre de reconnaissance pour l'éducation qu'elles avaient reçue et la parcimonie de ses propres membres avaient accumulée. En conséquence de quoi le Sénat osa réclamer par sa Note du 24 août 1816 la restitution des fonds en question qui se composent de biens immeubles, de capitaux hypothéqués, de dix maisons et de bénéfices de collation académique qui étaient exclusivement destinés pour les membres ecclésiastiques de l'Université. La réponse du lieutenant du Roi faite à ce sujet au nom de Sa Majesté, ne fut rien moins que favorable; puisqu'elle énonça, selon l'article XIII du traité additionnel,

que l'Université de Cracovie était déjà suffisamment dotée, par les biens nationaux situés dans le territoire de la ville libre, par les sommes portées au budget, ainsi que par les biens et capitaux hypothéqués qui se trouvaient réellement en sa possession à l'époque de la signature du traité additionnel et que l'article xv de ce même traité lui avait laissés. Plus tard néanmoins, savoir, le 6 juin 1818, le commissaire de S. M. l'Empereur de toutes les Russies, Roi de Pologne, délégué au comité organisateur, ayant apporté au protocole la déclaration que son souverain se prêterait à la restitution, en faveur de l'Université de Cracovie, de la partie de sa dotation en biens et capitaux qui se trouverait dans le royaume de Pologne, si les Cours de Vienne et de Berlin témoignaient de leur côté les mêmes dispositions; le Sénat ranimé dans ses espérances, s'empressa de renouveler à ce sujet des prières, par l'entremise des résidents des trois hautes Cours protectrices accrédités auprès de lui. Le ministère des affaires étrangères de S. M. le Roi de Prusse ayant d'abord porté au protocole du comité organisateur par son commissaire délégué, en date du 24 juillet 1818, la déclaration : «< que droit sera fait à la réclama«<tion de l'Université de Cracovie du capital de la somme de « 3,333 1⁄2 ducats ainsi que des intérêts arriérés depuis 1792, à << la charge du magistrat de la ville de Dantzig», et l'Université ne possédant d'ailleurs aucun autre bien ni capital dans les États prussiens, si cette réclamation aurait été satisfaite; a communiqué plus tard par la note de son résident, en date du 28 mai 1819, les motifs qui lui faisaient regarder cette réclamation comme inadmissible. Aussi, le Sénat s'étant assuré que ce capital n'avait pas été réellement hypothéqué et que la convention de Pétersbourg de 1797 avait autorisé le trésor de S. M. le Roi de Prusse à s'approprier ce capital, ne fit aucune difficulté à se désister de cette prétention. Les démarches du Sénat faites à ce sujet auprès de la Cour de

Vienne, étaient restées pendant longtemps sans effet, lorsque enfin le baron Stürmer, en l'absence de S. A. le Prince chancelier d'État et de la maison de S. M. l'Empereur d'Autriche annonça à l'agent diplomatique du Sénat de la ville libre de Cracovie, accrédité près de la Cour de Vienne, une décla– ration du 12 septembre 1826, que la restitution des fonds appartenant à l'Université ou aux autres instituts de la ville libre de Cracovie, ainsi que leurs usufruits, depuis que la Gallicie occidentale avait cessé de faire partie de la monarchie autrichienne, était non- seulement arrêtée par un décret de S. M. l'Empereur antérieurement rendu, mais qu'à la suite d'une convention entre elle et la Cour impériale de Russie, elle se trouvait confirmée; et que cette restitution serait effectuée par l'entremise du gouvernement du royaume de Pologne, avec lequel on se concertait sur les moyens d'exécution. - Enfin le ministre secrétaire d'État du royaume de Pologne, en annonçant au lieutenant du Roi dans la dépêche datée de TsarskoeSelo juin 1819 et communiquée ensuite au Sénat la volonté de S. M. l'Empereur Alexandre Ir, de glorieuse mémoire, en réponse à cette seconde note, ne fit que répéter la déclaration portée au protocole du comité organisateur en date du 6 juin 1818. Fondé sur ces déclarations et se reposant sur la magnanimité, la justice et la bienveillance tant de fois manifestées pour ce pays, par l'auguste prédécesseur de Sa Majesté Impériale et Royale, le Sénat attendait tranquillement le moment où ces dispositions gracieuses auraient reçu leur entier effet. Cependant, le règlement des hypothèques ayant été ordonné dans le royaume de Pologne, il n'a pas manqué de produire devant les commissions établies à cet effet dans les Palatinats, les droits que l'Université de Cracovie avait aux biens et aux capitaux hypothéqués et ce fut à son plus grand étonnement qu'il apprit que, partout les fondés de pouvoir du procureur général du royaume contestaient cette propriété

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à l'Université, et demandaient que les droits qu'elle faisait valoir fussent considérés comme propriété du trésor da royaume, et portés comme tels sur les registres hypothécaires. Bien plus, comme les commissions hypothécaires ne se sentaient pas le pouvoir de changer les lettres de propriétés appuyées de documents authentiques et s'étaient refusées à la demande du procureur général, celui-ci appela juridiquement le Sénat de Cracovie par devant les tribunaux du royaume de Pologne dans une affaire qui tient aux traités et qui ne saurait être décidée que par la voie diplomatique, voie dans laquelle elle se trouve déjà engagée. Le Sénat ayant aussitôt adressé ses représentations à cet égard au conseil administratif du royaume de Pologne, crut de son devoir de porter en même temps aux pieds du trône de Sa Majesté Impériale et Royale, la prière qu'il fût enjoint au gouvernement de Pologne, nonseulement de faire cesser les poursuites judiciaires entamées par le procureur général, mais encore de faire reconnaître les droits incontestables de l'Université de Cracovie, et d'effectuer par la suite la restitution de sa dotation. A votre avénement au plus grand trône de la terre, vous avez, Sire, annoncé à l'univers entier que votre règne ne serait que la continuation de celui de votre auguste prédécesseur. Qu'il soit donc permis au Sénat d'en appeler aujourd'hui à cette assurance mémorable, par laquelle Sa Majesté Impériale et Royale avait consolé alors les peuples plongés dans l'affliction. Qu'il lui soit permis de concevoir l'espérance que, puisque les autres Cours co-protectrices se sont déclarées disposées à restituer à l'Université de Cracovie tous les fonds qui, après la convention de Pétersbourg, de 1797, étaient en leur possession et qui pendant le temps qu'ils restèrent sous la domination de S. M. l'Em pereur d'Autriche, étaient seulement sous la régie et nullement converties en propriété du trésor, Sa Majesté Impériale et Royale daignera aussi partager les intentions bienveillantes pour l'Uni

versité de Cracovie, des hauts co-protecteurs de ce pays, ses alliés. Enfin daignez, Sire, juger dans votre sagesse, que le Gouyernement de la ville libre de Cracovie, employant déjà près de la moitié de ses revenus à l'instruction publique, n'est point en état de faire de plus grands sacrifices; encore ces fonds se trouvent-ils trop modiques pour porter les instituts d'éducation de ce pays à la hauteur de leur destination, et les mettre en état de rivaliser avec les autres universités qui s'élèvent sans cesse en proportion du progrès que les sciences et les arts continuent toujours à faire. D'ailleurs, le nouvel ordre introduit dans cette Université, conformément à la volonté de V. M. Impériale et Royale et de ses hauts alliés, par l'établissement du curateur général, nécessite de nouvelles dépenses et de nouveaux fonds, qui, s'ils devaient être pris sur les revenus actuels du pays, en diminueraient d'autant la part que d'autres objets d'un intérêt non moins direct pour le bien public réclament impérieusement. Au surplus, le bienfait qu'en recevrait l'Université de Cracovie, retombera en partie sur les habitants du royaume de Pologne, qui doivent avoir la permission d'y envoyer leurs enfants pour faire leurs études; et de cette manière, l'acte de générosité et de justice de V. M. Impériale et Royale envers cet institut, que les Rois de Pologne, ses prédécesseurs, ont toujours honoré de leur protection particulière, sera profitable également à tous les intéressés, au bien-être et à la splendeur de cette Université, tant à ceux qui sont immédiatement soumis à son sceptre qu'à ceux qui ont l'honneur de se trouver sous sa gracieuse protection.

Cracovie, le 13 mars 1827.

Signé WODZICKI, Président.

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