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premier dahlia, et j'ai trouvé un méloé cuivré que j'ai rapporté fièrement à M. S..., qui était entomologiste très-distingué.

Plus tard, dans un ruisseau, qui m'a appartenu pendant quelque temps, à quelque distance de Vendôme, j'ai pêché et mangé des écrevisses qui m'auraient rendu grand service en m'étranglant.

C'est alors que je suis venu repêcher à Saint-Maur, où mon frère Eugène prenait tant de perches dans la Marne, et où, avec Gatayes, nous avons un jour trouvé à propos de passer en canot par-dessous la roue d'un moulin qu'on avait soulevée pour la réparer. Nous avions avec nous mon chien Freyschütz, que Gatayes tenait couché avec lui au fond du canot, dans lequel je me jetai moi-même quand il fut engagé sous la roue, car les bords du canot rasèrent la roue du moulin.

Où ai-je pêché ensuite?

C'est alors que j'allai à Étretat; ensuite j'allai à Vichy, où je pris force ablettes dans le Sichau et où je fis Hortense; puis à Imphy, près de Nevers,où mon frère dirigeait une partie des forges.- Là, nous primes ensemble, à l'épervier, un brochet de vingt-deux livres. Et, un jour, dans un trou de la Loire, avec une petite seine, nous ramassâmes tant de carpes et de barbillons, que nous deux, et trois

forgerons, nous dûmes prier un batelier de nous aider à rapporter notre poisson à la forge.

A Palaiseau, dans l'Yvette, Dieu sait ce que j'ai pêché d'écrevisses; puis j'allai pêcher des gardons dans le lac de Genève. C'est du lac de Genève qu'on envoyait, tous les ans, à Pradier quelque monstrueuse truite qui était l'occasion d'un dîner qu'il donnait à ses amis. Au dernier auquel j'ai assisté, et qui fut l'avant-dernier, je ne pus venir au dernier de tous, - il y avait Victor Hugo, Adolphe Adam, le général Cavaignac; c'était au mois de janvier 1849. Quelqu'un voulut parler politique, et j'arrêtai cette tendance intempestive en disant : << Messieurs, ne parlons pas politique par égard pour les vainqueurs. »

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C'est auprès de Genève, à Montreul, que j'écrivis Pour ne pas être treize.

Puis j'allai à Dives-sur-Mer pêcher de petites anguilles dans la Dive, et des notes pour faire la Famille Alain. Dans le chapitre précédent, je vous ai parlé de mes pêches de Sainte-Adresse. A SainteAdresse, j'ai passé une soirée avec Victor Hugo, sur cette mer qui devait, quelques mois après, lui prendre sa fille, et j'y attendais Lamartine en 1848. Je devais lui faire voir la Normandie, que ce grand et illustre voyageur ne connaissait

pas, et que sans doute il ne connaît pas encore. Je ne parle pas d'autres amis avec lesquels j'ai fait dans le sable cette pêche aux équilles si amusante, parce que leurs noms et je les en félicite - n'appartiennent pas à la publicité.

Aujourd'hui je suis près de Gênes, où je vais pêcher dans la Méditerranée, je n'ai encore pris que des oursins en plongeant dans les rochers. Voilà à peu près mes états de services, si j'y ajoute une pêche que j'ai faite rue Laffitte, au cinquième étage. Je faisais une visite à une femme de lettres de nos amies, à Gatayes et à moi; elle me fit demander la permission de finir quelques lignes.

Au bout d'un quart d'heure, m'impatientant un peu, et ne voulant pas, cependant, m'en aller, parce que Gatayes devait venir me trouver, je pris dans une boîte à ouvrage du fil et une épingle; j'allai demander un peu de mie de pain à la camérière du bas bleu, et, au moyen de ma canne, je fis une ligne, avec laquelle je me mis en mesure de pêcher un gros poisson rouge, qui tournait dans un bocal, sur une console. Il ne tarda pas à mordre et à rouler sur le plancher. Je le remis en toute hâte dans son domicile, en entendant arriver la maîtresse du logis. Quelques jours après, le poisson

mourut subitement. Je mis sur le bocal son épitaphe, adressée à sa maîtresse :

Aucun sujet ne bouge

Sous ton aimable loi;
Même ton poisson rouge

Est mort d'amour pour toi.

Il ne vous paraîtra, sans doute, pas présomptueux de ma part de parler de pêche, lorsque vous

aurez lu les états de service que je viens de détailler.

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Pour faire le présent livre et le rendre plus complet que ce qui avait été écrit précédemment sur le même sujet, j'ai dû colliger, compiler, emprunter. J'ai pris partout ce que j'ai trouvé de bon, mais quel état! lire deux cents pages quelquefois pour prendre dix lignes. C'est un rude métier que celui de compilateur, et je ne le recommencerai pas :j'ai ajouté de mon cru les résultats de mon opinion personnelle. Pour l'histoire des poissons, j'ai demandé des renseignements à Buffon, à Valmont de Bomare, à Lacépède et à cent autres; pour ce qui est de ce dernier, je lui ai rendu un service à cause duquel je suis convaincu qu'il me pardonnera mes emprunts. Je vais établir dans ce chapitre que d'autres que moi lui ont de ce temps-ci fait de notables emprunts, et ne s'en sont pas suffisamment vantės.

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