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permis, ce qui est défendu. Il entre dans la société tout préparé à ses institutions.

Ils seroient donc bien peu dignes d'estime les législateurs anciens, qui tous fortifièrent leur ouvrage du secours et de l'autorité de la Religion ! Ils, trompoient les peuples, dit-on. Comme s'il n'étoit pas constant qu'il existe dans l'homme un sentiment religieux qui fait partie de son caractère, et qui ne s'efface qu'avec peine; comme s'il ne convenoit pas de mettre à profit cette disposition naturelle; comme si l'on ne devoit pas s'aider, pour gouverner les hommes, de leurs passions et de leurs sentimens, et qu'il valût mieux les conduire abstractions!

par

des

Hélas! qu'avions-nous gagné à nous écarter des voies tracées, à substituer à cette expérience universelle des siècles et des nations, de vaines théories ?

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L'Assemblée constituante, qui avoit profité de toutes les lumières répandues par la philosophie; cette Assemblée, où l'on comptoit tant d'hommes distingués dans tous les genres de talens et de connoissances, s'étoit gardée de pousser la tolérance des religions jusqu'à l'indifférence et à l'abandon de toutes. Elle avoit reconnu que la Religion étant un des plus anciens et des plus puissans moyens de gouveril falloit la mettre, plus qu'elle ne l'étoit, dans les mains du Gouvernement; diminuer sans doute l'influence qu'elle avoit donnée à une puissance étrangère, détruire le crédit et,

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l'autorité temporelle du clergé qui formoit un ordre distinct dans l'Etat, mais s'en servir en le ramenant à son institution primitive, et le réduisant à n'être qu'une classe de citoyens utiles par leur instruction et leurs exemples.

L'Assemblée constituante ne commit qu'une faute, et la convention qui nous occupe la répare aujourd'hui: ce fut de ne pas se concilier avec le chef de la Religion. On rendit inutile l'instrument dont on s'étoit saisi, dès-lors qu'on l'employoit à contre-sens, et que, malgré le pontife, les pasteurs et les ouailles, on formoit un schisme au lieu d'opérer une réforme. Ce schisme jeta les premiers germes de la guerre civile, que les excès révolutionnaires ne tardèrent pas à développer.

C'est au milieu de nos villes et de nos familles divisées, c'est dans les campagnes dévastées de la Vendée, qu'il faudroit répondre à ceux qui regrettent que le Gouvernement s'occupe de religion.

Que demandoit-on dans toute la France, même dans les départemens où l'on n'exprimoit ses désirs qu'avec circonspection et timidité? La liberté de conscience et des cultes ; de n'être pas exposé à la dérision, parce qu'on étoit chrétien; de n'être pas persécuté, parce qu'on préféroit au culte abstrait et nouveau de la raison humaine, le culte ancien du Dieu des nations.

Que demandoient les Vendéens les armes à la main? Leurs prêtres et deurs autels. Des malveillans, des rebelles et des étrangers asso

cièrent, il est vrai, à ces réclamations pieuses des intrigues politiques; à côté de l'autel, ils plaçoient le trône. Mais la Vendée a été pacifiée aussi-tôt qu'on a promis de redresser son véritable grief. Un bon et juste gouvernement peut être imposé aux hommes ; leur raison et leur intérêt les y attachent promptement: mais la conscience est incompressible; on ne commande point à son sentiment: de tous les temps, chez tous les peuples, les dissensions religieuses furent les plus aniinées et les plus redoutables.

Ce n'est point la Religion qu'il faut en accuser, puisqu'elle est une habitude et un besoin de l'homme; ce sont les imprudens qui se plaisent à contrarier ce besoin, et qui, sous prétexte d'éclairer les autres, les offensent, les aigrissent et les persécutent.

Nous rétrogradons, disent-ils; nous allons retomber dans la barbarie. J'ignore si le siècle qui nous a précédés étoit barbare; si les hommes de talens qui ont préparé, au-delà de leur volonté, les coups portés au Christianisme étoient plus civilisés que les Arnaud, les Bossuet et les Turenne. Mais je crois qu'aucun d'eux n'eut l'intention de substituer à l'intolérance des prêtres contre lesquels ils déclamèrent si éloquemment, l'intolérance des athées et des déistes. Je sais que les philosophes les moins crédules ont pensé qu'une société d'athées ne pourroit subsister long-temps; que les hommes ont besoin d'être unis entre eux par d'autres

règles que celles de leur intérêt, et par d'autres lois que celles qui n'ont point de vengeur lorsque leur violation a été secrète; qu'il ne suffit pas de reconnoître un Dieu; que le culte est à la Religion ce que la pratique est à la morale; que, sans culte, la Religion est une vaine théorie, bientôt oubliée; qu'il en est des vérités philosophiques comme des initiations des anciens : tout le monde n'y est pas propre.

Et si l'orgueil, autant que le zèle de ce qu'on croyoit la vérité, a porté à dévoiler ce qu'on appeloit des erreurs, on ne pensoit certainement pas aux pernicieux effets que produiroit cette manifestation. Qui auroit voulu acheter la destruction de quelques erreurs non démontrées, au prix du sang de ses semblables et de la tranquillité des Etats?

A l'homme le plus convaincu de ces prétendues erreurs, je dirai donc : Nous ne rétrogradons pas; ce sont vos imprudens disciples qui avoient été trop vite et trop loin. Le peuple, resté loin d'eux, avoit refusé de les suivre; c'est avec le peuple et pour le peuple. que le Gouvernement devoit marcher : il s'est rendu à ses veeux, à ses habitudes, à ses be

soins.

Les cultes, abandonnés par l'Etat, n'en existoient pas moins; mais beaucoup de leurs sectateurs, offensés d'un abandon dont ils n'avoient pas encore contracté l'habitude, et qui étoit sans exemple chez toutes les nations,

rendoient à la patrie l'indifférence qu'elle témoignoit pour leurs opinions religieuses. On se les rattache en organisant les cultes; on se donne des partisans et des amis, et l'on naturalise ceux qui voudroient encore rester irréconciliables. On ôte tous les prétextes aux mécontentemens et à la mauvaise foi, on se donne tous les moyens.

Comment donc ne pas applaudir à un traité qui, dans l'intérieur, rend à la morale la sanction puissante qu'elle avoit perdue; qui pacifie, console et satisfait les esprits; qui, à l'extérieur, rend aux nations une garantie qu'elles nous reprochoient d'avoir ôtée à nos conventions avec elles; qui ne nous sépare plus des autres peuples, par l'indifférence et le mépris pour un lien commun auquel tous se vantent d'être attachés. C'est au premier bruit du concordat que les ouvertures de cette paix, qui vient d'être si heureusement conclue, furent écoutées. Nos victoires n'avoient pas suffi; en attestant notre force, elles nous faisoient craindre et haïr. La modération, la sagesse qui les ont suivies, cette grande marque d'égards pour l'opinion générale de l'Europe, nous les ont fait pardonner, et ont achevé la réconciliation universelle.

Le concordat présente tous les avantages de la Religion, sans aucun des inconvéniens dont on s'étoit fait contre elle des argumens trop étendus et dans leurs développemens et dans leurs conséquences;

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