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Cet ordre de choses a disparu avec la révolution.

Alors la liberté de conscience fut proclamée; les propriétés du clergé furent mises à la disposition de la nation on s'engagea seulement à fournir aux dépenses du culte catholique, et à salarier ses ministres.

On entreprit bientôt de donner une nouvelle forme à la police ecclésiastique.

Le nouveau régime avoit à lutter contre les institutions anciennes.

les

L'assemblée constituante voulut s'assurer, par un serment, de la fidélité des ecclésiastiques dont elle changeoit la situation et l'état. La formule de ce serment fut tracée par articles 21 et 38 du titre II de la constitution civile du clergé, décrétée le 12 juillet 1790, et proclamée le 24 août suivant.

Il est plus aisé de rédiger des lois que de gagner les esprits et de changer les opinions. La plupart des ecclésiastiques refusèrent le serment ordonné, et ils furent remplacés dans leurs fonctions par d'autres ministres.

Les prêtres français se trouvèrent ainsi divisés en deux classes; celle des assermentés, et celle des non- assermentés. Les fidèles se divisèrent d'opinion comme les ministres. L'opposition qui existoit entre les divers intérêts politiques, rendit plus vive celle qui existoit entre les divers intérêts religieux. Les esprits s'aigrirent; les dissensions théologiques prirent un caractère qui inspira de justes alar mes à la politique.

Quand on vit l'autorité préoccupée de ce qui se passoit, on chercha à la tromper ou à la surprendre.

Tous les partis s'accusèrent réciproquement. La législation qui sortit de cet état de fermentation et de trouble, est assez connue.

Je ne la retracerai pas; je me borne à dire qu'elle varia selon les circonstances, et qu'elle suivit le cours des événemens publics.

Au milieu de ces événemens, les consciences étoient toujours plus ou moins froissées. On sait que le désordre étoit à son comble, lorsque le 18 brumaire vint subitement placer la France sous un meilleur génie.

A cette époque, les affaires de la Religion fixèrent la sollicitude du Sage, du Héros qui avoit été appelé par la confiance nationale au gouvernement de l'Etat, et qui, dans ses brillantes campagnes d'Italie, dans ses importantes négociations avec les divers cabinets de l'Europe, et dans ses glorieuses expéditions d'outre-mer, avoit acquis une si grande connoissance des choses et des hommes.

§. IER. Nécessité de la Religion en général.

Une première question se présentoit: La Religion en général est-elle nécessaire aux corps de nation? est-elle nécessaire aux hommes ?.

Nous naissons dans des sociétés formées et vieillies; nous y trouvons un gouvernement, des institutions, des lois, des habitudes, des

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maximes reçues : nous ne daignons pas nous enquérir jusqu'à quel point ces diverses choses se tiennent entre elles; nous ne demandons pas dans quel ordre elles se sont établies; nous ignorons l'influence successive qu'elles ont eue sur notre civilisation, et qu'elles conservent sur les moeurs publiques et sur l'esprit général. Trop confians dans nos lumières acquises, fiers de l'état de perfection où nous sommes arrivés,. nous imaginons que, sans aucun danger pour le bonheur commun, nous pourrions désormais renoncer à tout ce que nous appelons préjugés antiques, et nous séparer brusquement de tout ce qui nous a civilisés. De là l'indifférence de notre siècle pour les institutions religieuses, et pour tout ce qui ne tient pas aux sciences et aux arts, aux moyens d'industrie et de commerce qui ont été si heureusement développés de nos jours, et aux objets d'économie politique, sur lesquels nous paroissons fonder exclusivement la prospérité des Etats,

Je m'empresserai toujours de rendre hommage à nos découvertes, à notre instruction, à la philosophie de nos temps modernes.

Mais, quels que soient nos avantages, quel que soit le perfectionnement de notre espèce, les bons esprits sont forcés de convenir qu'aucune société ne pourroit subsister sans morale, et que l'on ne peut encore se passer de magistrats et de lois.

Or, l'utilité ou la nécessité de la Religion

ne dérive-t-elle pas de la nécessité même d'avoir une morale ! L'idée d'un Dieu légisTateur n'est-elle pas aussi essentielle au monde intelligent, que l'est au monde physique celle d'un Dieu créateur et premier moteur de toutes les causes secondes! L'athée qui ne reconnoît aucun dèssein dans l'univers, et qui semble n'user de son intelligence que pour tout abandonner à une fatalité aveugle, peutil utilement prêcher la règle des moeurs en desséchant par ses désolantes opinions la source de toute moralité"

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Pourquoi existe-t-il des magistrats? pourquoi existe-t-il des lois? pourquoi ces lois annoncent-elles des récompenses et des peines? c'est que les hommes ne suivent pas uniquement leur raison; c'est qu'ils sont naturellement disposés à espérer et à craindre, et que les instituteurs des nations ont cru devoir mettre cette disposition à profit pour les conduire au bonheur et à la vertu. Comment donc la Religion, qui fait de si grandes promesses et de si grandes menaces, ne seroit-elle pas utile à la

société ?

Les lois et la morale ne sauroient suffire.

Les lois ne règlent que certaines actions; la religion les embrasse toutes. Les lois n'arrêtent que le bras; la Religion règle le cœur. Les lois ne sont relatives qu'au citoyen, la Religion s'empare de l'homme..

Quant à la morale, que seroit-elle si elle demeuroit reléguée dans la haute région des

sciences, et si les institutions religieuses ne l'en faisoient pas descendre pour la rendre sensible au peuple!

La morale sans préceptes positifs laisseroit la raison sans règle ; la morale sans dogmes religieux ne seroit qu'une justice sans tribunaux.

Quand nous parlons de la force des lois, savons-nous bien quel est le principe de cette force? Il réside moins dans la bonté des lois que dans leur puissance. Leur bonté seule seroit toujours plus ou moins un objet de controverse. Sans doute une loi est plus durable et mieux accueillie quand elle est bonne : mais son principal mérite est d'être loi, c'est-à-dire, son principal mérite est d'être, non un raisonnement, mais une décision; non une sim ple thèse, mais un fait. Conséquemment une morale religieuse, qui se résout en commandemens formels, a nécessairement une force qu'aucune morale purement philosophique ne sauroit avoir. La multitude est plus frappée de ce qu'on lui ordonne que de ce qu'on lui prouve. Les hommes, en général, ont besoin d'être fixés; il leur faut des maximes plutôt que des démonstrations.

La diversité des religions positives ne sauroit être présentée comme un obstacle à ce que la vraie morale, à ce que la morale naturelle puisse jamais devenir universelle sur la terre. Si les diverses religions positives ne se ressemblent pas, si elles diffèrent dans leur cie extérieur et dans leurs dogmes, il est

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