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ne pouvons-nous la décomposer, et nous aper cevrions bientôt la quantité innombrable de ressorts imperceptibles par lesquels elle subsiste. Une idée reçue, une habitude, une opinion qui ne se fait plus remarquer, a souvent été le principal ciment de l'édifice. On croit que ce sont les lois qui gouvernent, et partout ce sont les moeurs. Les moeurs sont le résultat lent des circonstances, des usages, des institutions. De tout ce qui existe parmi les hommes, il n'y a rien qui embrasse plus l'homme tout entier que la Religion.

Nous sentons plus que jamais la nécessité d'une instruction publique. L'instruction est un besoin de l'homme; elle est surtout un besoin des sociétés : et nous ne protégerions pas les institutions religieuses, qui sont comme les canaux par lesquels les idées d'ordre, de devoir, d'humanité, de justice, coulent dans. toutes les classes de citoyens! La science ne sera jamais que le partage du petit nombre; mais avec la Religion, on peut être instruit sans être savant. C'est elle qui enseigne, qui révèle toutes les vérités utiles à des hommes qui n'ont. ni le temps ni les moyens d'en faire la pénible recherche. Qui voudroit donc tarir les sources de cet enseignement sacré, qui sème partout les bonnes maximes, qui les rend présentes à chaque individu, qui les perpétue en les liant à des établissemens permanens et durables, et qui leur communique ce caractère d'autorité et de popularité, sans lequel elles seroient étran¬

gères au peuple, c'est-à-dire, à presque tous

les hommes ?

Ecoutons la voix de tous les citoyens honnêtes qui, dans les assemblées départementales, ont exprimé leur vœu sur ce qui se passedepuis dix ans sous leurs yeux..

» Il est temps, disent-ils (*),.que les théo

»ries se taisent devant les faits. Point d'ins»truction sans éducation, et point d'éduca» tion sans morale et sans religion..

» Les professeurs ont enseigné dans le dé»sert, parce qu'on a proclamé imprudemment » qu'il ne falloit jamais parler de religion dans » les écoles.

» L'instruction est nulle depuis dix ans : il » faut prendre la religion pour base de l'édu>> cation.

» Les enfans sont livrés à l'oisiveté la plus »dangereuse, au vagabondage le plus alar-.

>> mant.

» Ils sont sans idée de la Divinité, sans no» tion du juste et de l'injuste. De là des mœurs. » farouches et barbares; de là un peuple fé

» roce.

» Si l'on compare ce qu'est l'instruction. » avec ce qu'elle devroit être, on ne peut » s'empêcher de gémir sur le sort qui menace » les générations présentes et futures >>.

Ainsi toute la France appelle la Religion an. secours de la morale et de la société.

(Analyse des procès-verbaux des conseils géné– raux des départemens.

Ce sont les idées religieuses qui ont contri bué, plus que toute autre chose, à la civilisation des hommes; c'est moins par nos idées que par nos affections, que nous sommes sociables: or, n'est-ce pas avec les idées religieuses que les premiers législateurs ont cherché à modérer et à régler les passions et les affections humaines?

Comme ce ne sont guère des hommes cor-. rompus ou des hommes médiocres qui ont bât des villes et fondé des empires, on est bien fort quand on a pour soi la conduite et les plans des instituteurs et des libérateurs des nations. En est-il un seul qui ait dédaigné d'appeler la religion au secours de la politique?

Les lois de Minos, de Zaleucus, celles des douze Tables, reposent entièrement sur la, crainte des dieux. Cicéron, dans son Traité des lois, pose la Providence comme la base de toute législation. Platon rappelle à la Divinité. dans toutes les pages de ses ouvrages. Numa avoit fait de Rome la ville sacrée, pour en faire la ville éternelle.

Ce ne fut point la fraude, ce ne fut point la superstition, dit un grand homme, qui fitétablir la religion chez les Romains; ce fut la nécessité où sont toutes les sociétés d'en avoir

une.

Le joug de la religion, continue-t-il, fut le seul dont le peuple Romain, dans sa fureur pour la liberté, n'osa s'affranchir; et ce peuple, qui se mettoit si facilement en colère,

avoit besoin d'être arrêté par une puissance invisible.

Le mal est que les hommes, en se civilisant, et en jouissant de tous les biens et des avantages de toute espèce qui naissent de leur perfectionnement, refusent de voir les véritables causes auxquelles ils en sont redevables; comme dans un grand arbre, les rameaux nombreux et le riche feuillage dont il se couvre, cachent le tronc, et ne nous laissent apercevoir que des fleurs brillantes et des fruits abondans.

Mais je le dis pour le bien de ma patrie, je le dis pour le bonheur de la génération présente et pour celui des générations à venir, le scepticisme outré, l'esprit d'irréligion, transformé en systême politique, est plus près de la barbarie qu'on ne pense.

Il ne faut pas juger d'une nation par le petit nombre d'hommes qui brillent dans les grandes cités. A côté de ces hommes, il existe une population immense qui a besoin d'être gouvernée, que l'on ne peut éclairer, qui est plus susceptible d'impressions que de principes, et qui, sans les secours et sans le frein de la religion, ne connoîtroit que le malheur et le crime.

Les habitans de nos campagnes n'offriroient bientôt plus que des hordes sauvages, si, vivant isolés sur un vaste territoire, la Religion, en les appelant dans les temples, ne leur fournissoit de fréquentes occasions de se rapprocher, et ne les disposoit ainsi à goûter la dou ceur des communications sociales.

travaux,

Hors de nos villes, c'est uniquement l'esprit de religion qui maintient l'esprit de sóciété. On se rassemble, on se voit dans les jours de repos. En se fréquentant, on con. tracte l'habitude des égards mutuels. La jeunesse, qui cherche à se faire remarquer, étale un luxe innocent, qui adoucit les mœurs plutôt qu'il ne les corrompt. Après les plus rudes on trouve à la fois l'instruction et le délassement. Des cérémonies augustes frappent les yeux et remuent le coeur; les exercices religieux préviennent les dangers d'une grossière oisiveté. A l'approche des solennités, les familles se réunissent, les ennemis se réconcilient, les méchans même éprouvent quelques remords. On connoît le respect humain. Il se forme une opinion publique, bien plus sûre que celle de nos grandes villes, où il y a - tant de coteries et point de véritable public. Que d'oeuvres de miséricorde inspirées par la piété! que de restitutions forcées par les terreurs de la conscience!

Otez la religion à la masse des hommes: par quoi la remplacerez-vous? Si l'on n'est pas préoccupé du bien, on le sera du mal : l'esprit et le cœur ne peuvent demeurer vides.

Quand il n'y aura plus de religion, il n'y aura plus ni patrie ni société pour des hommes qui, en recouvrant leur indépendance, n'auront que la force pour en abuser.

Dans quel moment la grande question de l'utilité ou de la nécessité des institutions reli

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