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Juble, et il importe au bien des peuples et à l'honneur des gouvernemens qu'elle soit résolue.

Des théologiens sans philosophie, et des philosophes qui n'étoient pas sans prévention, ont également méconnu la sagesse du christianisme. Il faut pourtant connoître ce que l'on attaque et ce que l'on défend.

Comme les institutions religieuses ne sont jamais indifférentes au bonheur public, comme elles peuvent faire de grands biens ou de grands maux, il faut que les Etats sachent une fois pour toutes, à quoi s'en tenir sur celles de ces institutions qu'il peut être utile ou dangereux de protéger.

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Nous nous honorons à juste titre de nos découvertes, de l'accroissement de nos lumières, de notre avancement dans les arts, et de l'heureux développement de tout ce qui est agréable ou bon.

s. III. Christianisme.

Mais le christianisme n'a jamais empiété sur les droits imprescriptibles de la raison hu maine : il annonce que la terre a été donnée en partage aux enfans des hommes; il abandonne le monde à leurs disputes, et la nature entière à leurs recherches. S'il donne des règles à la vertu, il ne prescrit aucune limite au génie. De là, tandis qu'en Asie et ailleurs des superstitions grossières ont comprimé les élans de l'esprit et les efforts de

l'industrie, les nations chrétiennes ont partout multiplié les arts utiles et reculé les bornes des sciences.

Il y a des pays où le bon goût n'a jamais pu pénétrer, parce qu'il en a constamment été repoussé par les préjugés religieux. Ici la clôture et la servitude des femmes, que ces préjugés favorisent, sont un obstacle à ce que les communications sociales se perfectionnent, et conséquemment à ce que les choses d'agrément puissent prospérer; là on prohibe l'imprimerie; ailleurs la peinture et la sculpture des êtres animés sont défendues. Dans chaque moment de la vie le sentiment reçoit une fausse direction, et l'imagination est perpé tuellement aux prises avec les fantômes d'une conscience abusée.

Chez les nations chrétiennes, les lettres et les beaux-arts ont toujours fait une douce alliance avec la Religion : c'est même la Religion qui, en remuant l'âme et en l'élevant aux plus hautes pensées, a donné un nouvel essor au talent. C'est la Religion qui a produit nos premiers et nos plus célèbres orateurs, et qui a fourni des sujets et des modèles à nos poëtes; c'est elle qui parmi nous a fait naître la musique, qui a dirigé le pinceau de nos grands peintres, le ciseau de nos sculpteurs, et à qui nous sommes redevables de nos plus beaux morceaux d'architecture.

Pourrions - nous regarder comme inconciliable avec nos lumières et avec nos moeurs

une religion que les Descartes, les Newton, et tant d'autres grands hommes s'honoroient de professer, qui a développé le génie des Pascal, des Bossuet, et qui a formé l'âme de Fénélon?

Pourrions-nous méconnoître l'heureuse influence du christianisme sans répudier tous nos chefs-d'œuvres en tout genre, sans les condamner à l'oubli, sans effacer les monumens de notre propre gloire?

En morale, n'est-ce pas la Religion chrétienne qui nous a transmis le corps entier de la loi naturelle? Cette Religion ne nous, enseigne-t-elle pas tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui est aimable? En recommandant partout l'amour des hommes, et en nous élevant jusqu'au Créateur, n'a-t-elle pas posé le principe de tout ce qui est bien? n'a-t-elle pas ouvert la véritable source des moeurs ?

Si les corps de nation, si les esprits les plus simples et les moins instruits sont aujourd'hui plus fermes que ne l'étoient autrefois les Socrate et les Platon sur les grandes vérités de l'unité de Dieu, de l'immortalité de l'âme humaine, de l'existence d'une vie à venir, n'en sommes-nous pas redevables au christianisme?

Cette Religion promulgue quelques dogmes particuliers; mais ces dogmes ne sont point arbitrairement substitués à ceux qu'une saine métaphysique pressent ou démontre : ils ne

remplacent pas la raison; ils ne font qu'oc cuper la place que la raison laisse vide, et que F'imagination rempliroit incontestablement plus mal.

Enfin, il existe un sacerdoce dans la Religion chrétienne. Mais tous les peuples qui ne sont pas barbares, reconnoissent une classe d'hommes particulièrement consacrée au service de la Divinité. L'institution du sacerdoce chez les chrétiens n'a pour objet que l'enseignement et le culte. L'ordre civil et politique demeure absolument étranger aux ministres d'une religion qui n'a sanctionné aucune forme particulière de gouvernement, et qui recommande aux pontifes, comme aux simples citoyens, de. les respecter toutes 2. comme ayant toutes pour but la tranquillité de la vie présente, et comme étant toutes entrées dans les desseins d'un Dien créateur et conservateur de l'ordre social.

Tel est le christianisme en soi.

Est-il une religion mieux assortie à la situation de toutes les nations policées, et à la politique de tous les gouvernemens? Cette religion ne nous offre rien de purement local, rien qui puisse limiter son influence à telle contrée ou à tel siècle, plutôt qu'à tel autre siècle ou à telle autre contrée : elle se montre non comme la religion d'un peuple, mais comme celle des hommes; non comme la religion d'un pays, mais comme celle du monde.

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Après avoir reconnu l'utilité ou la nécessité de la Religion en général, le Gouvernement

français ne pouvoit donc raisonnablement ab→ jurer le christianisme, qui de toutes les religions positives, est celle qui est la plus accommodée à notre philosophie et à nos mœurs.

Toutes les institutions religieuses ont été ébranlées et détruites pendant les orages de la révolution : mais en contemplant les vertus qui brilloient au milieu de tant de désordres, en observant le calme et la conduite modérée de la masse des hommes, pourquoi refuserionsnous de voir que ces institutions avoient encore leurs racines dans les esprits et dans les coeurs, et qu'elles se survivoient à elles-mêmes dans les habitudes heureuses qu'elles avoient fait contracter au meilleur des peuples? La France a été bien désolée; mais que seroit-elle devenue si, à notre propre insu, ces habitudes n'avoient pas servi de contre-poids aux passions. La piété avoit fondé tous nos établissemens de bienfaisance, et elle les soutenoit. Qu'avons-nous fait quand, après la dévastation gé nérale, nous avons voulu rétablir nos hospices? nous avons rappelé ces vierges chrétiennes, connues sous le nom de Sœurs de la charité, qui se sont si généreusement consacrées au service de l'humanité malheureuse, infirme et souffrante. Ce n'est ni l'amourpropre ni la gloire qui peuvent encourager des vertus et des actions trop dégoûtantes et trop pénibles pour pouvoir être payées par des applaudissemens humains. Il faut élever ses regards au-dessus des hommes ; et l'on ne peut

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