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particulier de l'église catholique de France; cette mesure étoit même la seule possible. Pour investir en France le magistrat politique de la dictature sacerdotale, il eût fallu changer le système religieux de la très-grande majorité des Français. On le fit en Angleterre, parce que les esprits étoient préparés à ce changement; mais parmi nous pouvoit-on se promettre de rencontrer les mêmes dispositions?

Il ne faut que des yeux ordinaires pour apercevoir, entre une révolution et une autre révolution, les ressemblances qu'elles peuvent avoir entre elles et qui frappent tout le monde ; mais pour juger sainement de ce qui les distingue, pour apercevoir la différence, il faut une manière de voir plus perçante et plus exercée, il faut un esprit plus judicieux et plus profond.

Assimiler perpétuellement ce qui s'est passé dans la révolution d'Angleterre avec ce qui se passe dans la nôtre, ce seroit donc faire preuve d'une grande médiocrité.

En Angleterre, la révolution éclata à la suite et même au milieu des plus grandes querelles religieuses; et ce fut l'exaltation des sentimens religieux qui rendit aux âmes le degré d'énergie et de courage qui étoit nécessaire pour attaquer et renverser le pouvoir.

En France, au contraire, les moeurs et les principes luttoient déjà depuis long-temps contre la religion, et on ne voyoit en elle que les abus qui s'y étoient introduits.

En Angleterre, on n'avoit point eu l'imprudence de dépouiller le clergé de ses biens avant de lui demander le sacrifice de sa discipline et de sa hiérarchie.

En France, on vouloit tout exiger du clergé, après lui avoir ôté jusqu'à l'espé

rance.

En Angleterre, les opinions religieuses furent aux prises avec d'autres opinions religieuses; mais la politique, qui sentoit le besoin de s'étayer de la religion, se réunit à un parti religieux qui protégeoit la liberté, qui en fut protégé à son tour, et qui finit par placer la constitution de l'Etat sous la puissante garantie de la religion même.

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En France, où, après la destruction de l'ancien clergé, tout concouroit à l'avilissement du nouveau qu'on venoit de lui substituer, politique avoit armé toutes les consciences contre ses plans; et les troubles religieux qu'il s'agit d'apaiser,, ont été l'unique résultat des fautes et des erreurs de la politique.

Il est essentiel d'observer que, dans ces troubles, dans ces dissensions, tout l'avantage a dû naturellement se trouver du côté des opinions mêmes que l'on avoit voulu proscrire: car la conduite qui avoit été tenue envers ceux qui avoient embrassé les opinions nouvelles, avoit décrié ces opinions, et n'avoit pu qu'augmenter le respect du peuple pour celles qui tenoient à l'ancienne croyance, qui avoient reçu une nouvelle sanction de la fidélité et

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du courage des ministres qui s'en étoient dẻclarés les défenseurs. Car, en morale, nous aimons, sinon pour nous-mêmes, du moins pour les autres, tout ce qui suppose un effort; et en fait de religion, nous sommes portés à croire les témoins qui se font égorger.

Or, une grande maxime d'Etat, consacrée par tous ceux qui ont su gouverner, est qu'il ne faut point chercher mal à propos à changer une religion établie, qui a de profondes racines dans les esprits et dans les cœurs, lorsque cette religion s'est maintenue à travers les événemens et les tempêtes d'une grande révolu

tion.

S'il y a de l'humanité à ne point affliger la conscience des hommes, il y a une grande sagesse à ménager, dans un pays, des institutions et des maximes religieuses qui tiennent depuis long-temps aux habitudes du peuple, qui se sont mêlées à toutes ses idées, qui sont souvent son unique morale, et qui font partie de son existence.

Le Gouvernement ne pouvoit donc proposer des changemens dans la hiérarchie des ministres catholiques, sans provoquer de nouveaux embarras et des difficultés insurmontables,

Il résulte de l'analyse des procès-verbaux des conseils - généraux des départemens, que la majorité des Français tient au culte catholique: que, dans certains départemens, les habitans tiennent à ce culte presque autant qu'à la

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vie; qu'il importe de faire cesser les dissensions religieuses; que les habitans des campagnes aiment leur religion; qu'ils regrettent les jours de repos consacrés par elle; qu'ils regrettent ces jours où ils adoroient Dieu en commun; que les temples étoient pour eux des lieux de rassemblement, où les affaires, le besoin de se voir, de s'aimer, réunissoient toutes les familles, et entretenoient la paix et l'harmonie; que le respect pour les opinions religieuses est un des moyens les plus puissans. pour ramener le peuple à l'amour des lois; que l'amour que les Français ont pour le culte de leurs aïeux, peut d'autaut moins alarmer le Gouvernement, que ce culte est soumis à la puissance temporelle; que les ministres adressent, dans leurs oratoires, des prières pour le Gouvernement; qu'ils ont tous rendu des actions de grâces en reconnoissance de la paix; qu'ils préchent tous l'obéissance aux lois et à l'autorité civile; que la liberté réelle du culte et un exercice avoué la loi, par réuniroient les esprits, feroient cesser les troubles, et rameneroient tout le monde aux principes d'une morale qui fait la force du Gouvernement; que la philosophie n'éclaire qu'un petit nombre d'hommes ; que la Religion seule peut créer et épurer les mœurs ; que la morale n'est utile qu'autant qu'elle est attachée à tin culte public; que l'on contribueroit beaucoup à la tranquillité publique, en réunissant les prêtres des différentes opinions; que la paix

ne se consolidera que lorsque les ministres du culte catholique auront une existence honnéte et assurée; qu'il faut accorder aux prétres un salaire qui les mette au-dessus du besoin; et, enfin, qu'il est fortement désirable qu'une décision du Pape fasse cesser toute division dans les opinions religieuses, vu que c'est Tunique moyen d'assurer les mœurs et la probité.

Tel est le voeu de tous les citoyens appelés pår les lois à éclairer l'autorité sur la situation et les besoins des peuples; tél est le vou des bons pères de famille, qui sont les vrais magistrats des mœurs et qui sont toujours les -meilleurs juges quand il s'agit d'apprécier la salutaire influence de la morale et de la religion.

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Les mêmes choses résultent de la correspondance du Gouvernement avec les préfets.

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» Ceux qui critiquent le rétablissement des » cultes, écrivoit le préfet du département de » la Manche, ne connoissent que Paris; ils ignorent que le reste de la population le dé» sire et en a besoin. Je puis assurer que l'at» tente de l'organisation religieuse a fait beau» coup de bien dans mon département et » que depuis ce moment, nous sommes tran» quilles à cet égard ».

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Le préfet de Jemmapes assuroit «< que tous » les bons citoyens, les respectables pères de >> famille, soupirent après cette organisation, » et que la paix rendue aux consciences, sera

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