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(N.° 2959.) EXTRAIT des Minutes de la Secrétairerie d'état.

Au palais des Tuileries, le 22 Janvier 1808.

AVIS du Conseil d'état sur la durée des Inscriptions hypothécaires prises soit d'office, soit par les femmes, les mineurs et le trésor public, sur les biens des maris, des tuteurs et des comptables. Séance du 15 Décembre 1807.]

LE CONSEIL D'ÉTAT, qui, d'après le renvoi ordonné par sa Majesté, a entendu le rapport de la section de législation sur celui du grand-juge ministre de la justice, concernant la question de savoir si les inscriptions hypothécaires prises d'office, et celles prises par les femmes, les mineurs et le trésor public, sur les biens des maris, des tuteurs et des comptables, doivent être renouvelées avant l'expiration du délai de dix années,

EST D'AVIS que la question est décidée par l'article 2154 du Code Napoléon; il est ainsi conçu :

Les inscriptions conservent l'hypothèque et le privilége, pendant dix années, à compter du jour de leur date; leur effet cesse si ces inscriptions n'ont pas été renouvelées avant » l'expiration de ce délai. »

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Cet article ne fut adopté, lors de la discussion du Code, qu'après une mûre délibération.

La section de législation avait proposé de laisser aux inscriptions tout leur effet pendant tout le temps que dureraient l'obligation et l'action personnelle contre le débiteur, ou pendant tout celui que durerait l'action hypothécaire contre le tiers détenteur, quand le bien chargé d'hypothèque serait dans ses

mains.

Cette proposition fut rejetée : ce n'est pas qu'on ne trouvât un avantage pour les citoyens à n'être pas obligés de renouveler les inscriptions qu'ils auraient prises; mais l'article de la section présentait de grands inconvéniens dans son exécution; on se réunit même à penser que l'exécution en serait impossible.

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En effet, l'obligation personnelle dont le terme devait, suivant l'avis proposé, régler la durée de l'inscription, pouvait se prolonger un siècle peut-être, soit par des actes conservatoires, soit par une suite de minorités : or, comment un conservateur aurait-il pu se retrouver dans cette foule de registres qu'il serait forcé de consulter tous les jours, à chaque fois qu'on lui demanderait un certificat d'inscription!

Cette objection parut insoluble; et tout en reconnaissant qu'il eût été à desirer qu'il fût possible d'épargner aux citoyens l'embarras d'un renouvellement d'inscription, on pensa qu'il n'y avait pas de moyens pour y parvenir : l'article passa tel qu'il est aujourd'hui, sans aucune exception; c'est-à-dire que les inscriptions ne conservent les hypothèques et les priviléges que pendant dix ans, et que leur effet cesse si elles ne sont pas renouvelées avant l'expiration de ce délai.

Le Code ne fait aucune exception; et c'est en quoi le nouvel article diffère de la disposition de la loi du 11 bṛumaire an VII sur la durée des inscriptions.

L'article 23 de cette loi présente d'abord la même disposition que celle de l'article 2154 du Code: il offre ensuite deux exceptions à cette règle; la première, en faveur des inscriptions prises sur les comptables et leurs cautions, lesquelles, est-il dit, auront leur effet jusqu'à l'apurement définitif des comptes et six mois au-delà; la deuxième, en faveur des inscriptions sur les biens des époux pour leurs droits et conventions, lesquelles dureront pendant tout le temps du mariage et une année après.

Si ces exceptions ne sont pas retracées dans le Code Napoléon, ce n'est point par oubli, mais avec réflexion, et par une suite des principes qui sont la base des nouvelles dispositions concernant les hypothèques.

D'abord, les inscriptions relatives aux droits des femmes. et des mineurs ne sont plus nécessaires pour la conservation de leurs hypothèques, qui existent indépendamment de toute

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inscription, suivant l'article 2135 du Code; on n'a donc pas dû ordonner, pour la conservation de cette hypothèque, le renouvellement d'une inscription qui n'était plus nécessaire pour son établissement.

Quant aux inscriptions sur les biens des comptables, il est constant que les créances du trésor public n'ont pas été affranchies de la formalité de l'inscription par le Code Napoléon. L'article 2135 ne donne ce privilège qu'aux mineurs interdits et aux femmes : l'administration, qui a par-tout des agens qu'on doit supposer plus actifs et plus éclairés que le commun des citoyens, peut, sans contredit, faire renouveler les inscriptions qu'elle a dû prendre.

On sent, d'ailleurs, que les inconvéniens sans nombre qui ont empêché de donner aux inscriptions un effet indéfini, se trouveraient tous dans une disposition qui affranchirait celles prises sur les comptables, de la nécessité du renouvellement avant l'expiration du terme de dix ans, généralement fixé pour toutes les inscriptions.

On vient de dire que l'hypothèque légale des femmes et des mineurs existant indépendamment de l'inscription, il n'y avait pas lieu, de leur part, à renouveler une mesure dont ils étaient dispensés.

C'est ici le moment de remarquer qu'en affranchissant les droits des femmes et des mineurs de la nécessité d'une inscription pour l'existence de leur hypothèque, on a cependant pris des mesures sévères pour que ces droits fussent rendus publics, et pour que ceux qui traiteraient avec les maris et les tuteurs ne fussent pas les victimes d'une clandestinité que le régime hypothécaire actuel a voulu proscrire.

En conséquence, l'article 2136 du Code porte que les maris et les tuteurs seront tenus de rendre publiques les hypothèques dont leurs biens seront grevés à raison du mariage ou de la tutelle; il leur est ordonné d'en requérir eux-mêmes l'inscription sur leurs propres biens, sous peine

d'être réputés stellionataires, et, comme tels, contraignables par corps.

L'hypothèque n'existe pas moins, à défaut de cette inscription de la part des maris et des tuteurs; mais ceux-ci sont punis personnellement, s'ils ont négligé de faire inscrire l'hypothèque.

C'est ainsi qu'on a cherché à concilier dans cette occasion l'intérêt général, qui veut la publicité des hypothèques, et l'intérêt particulier des femmes et des mineurs qui ne doivent pas être victimes du défaut d'une inscription qu'ils seraient souvent dans l'impossibilité de former.

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Mais il est hors de doute que les maris et les tuteurs sont tenus, sous les peines portées en l'article 2136, de renouveler, avant l'expiration du délai de dix ans, les inscriptions des hypothèques dont leurs biens peuvent encore être chargés; le motif qui leur a fait ordonner d'inscrire, leur prescrit aussi de renouveler l'inscription, toutes les fois que leurs biens continuent d'être grevés, à raison du mariage ou de la tutelle.

Il ne reste plus qu'à s'expliquer sur le renouvellement des inscriptions prises d'office. Le fexte de l'article 2154 du Code, et les développemens qu'on vient de donner, ne doivent plus laisser de doute sur la nécessité de ce renouvellement avant l'expiration du délai de dix années : on ne pourrait en élever que sur la personne chargée de prendre ce soin; mais, avec un peu de réflexion, on demeure convaincu que, même sur ce point, il est impossible d'élever un doute sérieux.

L'article 2108 porte que la transcription vaut inscription pour le vendeur; le même article charge le conservateur de faire d'office l'inscription sur son registre. La raison en est sensible : le conservateur trouve dans l'acte de vente qu'on lui présente, tous les élémens du bordereau qu'un créancier ordinaire doit fournir pour faire inscrire son titre; le conservateur a donc sous les yeux tout ce qu'il

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peut desirer pour être en état d'inscrire la créance du vendeur: la loi l'oblige à cette inscription, sans qu'il soit nécessaire de lui faire, à ce sujet, une réquisition particulière; la présentation de l'acte à la transcription équivaut à cette réquisition.

Résulte-t-il de là que l'inscription, ainsi faite d'office, ne doit pas être renouvelée! en résulte-t-il que, lorsque l'époque du renouvellement est venue, c'est au conservateur à'y pourvoir? Il est évident que non. Le conservateur ignore, au bout de dix ans, si la créance du vendeur est ou non soldée; il lui serait d'ailleurs impossible de tenir note de toutes les ventes qu'il aurait transcrites, pour veiller, chaque jour, à ce que chaque inscription d'office fût renouvelée

à son terme.

On n'a pas dû, on n'a pas pu imposer une pareille charge au conservateur: on n'a pas pu davantage l'obliger, à chaque demande d'un certificat d'inscription, de consulter tous ses registres, depuis quarante ans et plus, pour s'assurer qu'il n'existe pas quelque inscription d'office; recherche qui serait cependant indispensable, si les inscriptions d'office n'étaient pas renouvelées.

Il est donc vrai de dire que l'inscription d'office doit être renouvelée comme toute autre, pour la conservation de l'hypothèque, et que c'est au vendeur à veiller au renouvellement il ne doit pas se trouver blessé par une obligation qui lui est commune avec tous les créanciers sans exception, quand ils veulent conserver leurs droits.

:

Les principes que nous venons d'établir, s'appliquent aussi à une autre espèce d'inscription d'office, ordonnée par l'article 7 de la loi du 5 septembre 1807.

Les conservateurs des hypothèques sont tenus, sous peine de destitution et de dommages et intérêts, au vu des actes translatifs de propriété passés par les receveurs généraux et payeurs, de faire d'office une inscription au nom du trésor

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