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si le président de la république pourrait commander en personne l'armée. A notre sens la solution ne peut pas faire de doute. En sa qualité de président de la république il n'a point le droit de commander l'armée en personne; le gouvernement personnifié par le président de la république dispose de la force armée, cela ne veut pas dire que le président ait personnellement et comme tel le droit de commander l'armée. D'autre part rien dans la constitution ne fait de la qualité de président de la république un obstacle à ce que celui qui en est revêtu soit nommé commandant en chef des armées. Si le président de la république était en fait un général, et si le gouvernement estimait qu'il serait un généralissime particulièrement compétent, rien n'empêcherait qu'il lui fût donné une lettre de commandement en chef des armées de la république. Ce commandement il l'aurait, non pas parce qu'il est président de la république, mais quoiqu'il le soit. D'après la constitution des EtatsUnis (art. II, sect. II, § 1), « le président de la république est commandant en chef de l'armée et de la marine des Etats-Unis et de la milice des divers Etats, lorsqu'elle est appelée au service actif des Etats-Unis ».

De l'ouverture des crédits supplémentaires ou extraordinaires. Le principe constitutionnel est qu'un crédit ne peut être ouvert que par le parlement. L'ouverture d'un crédit n'est certainement pas un acte législatif au sens matériel; mais c'est un acte qui ne peut être fait qu'en forme de loi. Cf. L. 14 décembre 1879, art. 1 et supra, § 131. Quelque rigoureux que soit ce principe, il doit recevoir certaines exceptions. En effet il peut se faire que dans l'intervalle des sessions parlementaires, le gouvernement ait besoin d'argent dans des conditions urgentes, soit pour le fonctionnement des services pour lesquels il n'y a eu au budget que des crédits insuffisants, soit pour parer à des nécessités urgentes et imprévues. En un mot, suivant la terminologie financière, le gouvernement peut avoir besoin de crédits supplémentaires ou extraordinaires. Régulièrement il devrait convoquer les chambres pour les leur demander. Mais c'est une grave opération, qui peut à certain moment avoir des inconvénients sérieux, inquiéter l'opinion. D'un autre côté l'urgence peut être si grande que le gouvernement soit dans l'impossibilité de convoquer les chambres. Il fallait donc que le président de la république

fût exceptionnellement autorisé à ouvrir par un décret des crédits supplémentaires et extraordinaires, sous la condition de la ratification postérieure par les chambres.

L'expérience a montré que ce droit qu'on a toujours reconnu au gouvernement a souvent prêté à de graves abus. Notamment pendant la période du 16 mai le gouvernement ordonna, dans des conditions certainement arbitraires, l'ouverture de nombreux crédits. Le but de la loi du 14 décembre 1879 a été d'empêcher le retour de ces abus et de déterminer d'une manière précise les cas dans lesquels et les conditions sous lesquelles des crédits supplémentaires ou extraordinaires peuvent être ouverts par décret du président de la république.

La loi du 14 décembre 1879 détermine d'abord ce que sont les crédits supplémentaires et les crédits extraordinaires. Les crédits supplémentaires sont ceux qui doivent pourvoir à l'insuffisance dûment justifiée d'un service porté au budget et qui ont pour objet un service déjà voté, sans modification dans la nature de ce service. Les crédits extraordinaires sont ceux commandés par des circonstances urgentes et imprévues et qui ont pour objet ou la création d'un service nouveau ou l'extension d'un service inscrit dans la loi des finances au-delà des bornes déterminées par cette loi (L. 14 décembre 1879, art. 2).

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Dans l'intervalle des sessions des chambres» des crédits supplémentaires ou extraordinaires peuvent être ouverts par décret. Cela n'est possible que dans l'intervalle des sessions des chambres, après clôture par un décret. En effet l'art. 4 de la loi du 14 décembre 1879, vise expressément et exclusivement le § 1 de l'art. 2 de la loi const. du 16 juillet 1875. Par conséquent ces crédits ne pourraient pas être ouverts par décret pendant l'ajournement des chambres prononcé conformément au § 2 de l'art. 2 de la loi du 16 juillet 1875. Ils ne pourraient pas a fortiori être ouverts pendant la période de dissolution de la chambre des députés prononcee conformément à l'art. 5 de la loi du 25 février 1875. Le législateur de 1879 a voulu précisément prévenir le retour des abus commis par le gouvernement pendant la période de la dissolution de la chambre qui suivit le 16 mai 1877.

Pendant l'intervalle des sessions parlementaires, ne peuvent point être ouverts par décret tous crédits supplémentaires et tous crédits extraordinaires. Ne

peuvent être ouverts par décret que les crédits supplémentaires afférents aux services compris dans une nomenclature annexée chaque année à la loi générale des finances. Cf. L. de finances 17 avril 1906, art. 70 et l'état F. Quant aux crédits extraordinaires, seuls peuvent être ouverts par décret ceux qui n'ont point pour objet la création d'un service nouveau; ceux qui ont pour objet la création d'un service nouveau ne peuvent être ouverts que par une loi (L. 14 décembre 1879, art. 5).

Le décret qui ouvre dans l'intervalle des sessions des chambres un crédit extraordinaire ou supplémentaire doit réunir trois conditions: 1o il doit être délibéré et approuvé en conseil des ministres; 2° il doit être rendu en conseil d'Etat; 3° il doit indiquer les voies et moyens qui seront affectés au crédit ainsi ouvert (L. 14 décembre 1879, art. 4, § 1).

Le gouvernement n'ouvre ces crédits que provisoirement; il faut qu'ils soient ratifiés par les chambres. L'art. 4, § 2 de la loi de 1879 porte en effet : « Ces décrets (portant ouverture de crédits supplémentaires ou extraordinaires) seront soumis à la sanction des chambres dans la première quinzaine de leur prochaine réunion ». Le plus souvent les chambres ne pourront que les ratifier; car les crédits seront dépensés et elles se trouveront en présence du fait accompli. Cependant, si l'une des chambres estimait que les conditions de forme exigées par la loi de 1879 n'ont pas été remplies, ou que les ministres ont, quoique en une forme régulière, engagé des dépenses inutiles, elle pourrait certainement mettre en jeu la responsabilité civile des ministres dans les conditions qui seront étudiées au § 146. En exigeant la ratification par le parlement, le législateur ne peut pas avoir eu en vue une ratification de pure forme; et cette disposition de l'art. 4, § 2 de la loi du 14 décembre 1879 implique reconnaissance du principe de la responsabilité civile ministérielle.

De la loi du 14 décembre 1879, rapp. l'art. 14 de la loi du 26 février 1887 el l'art. 29 de la loi du 18 juillet 1892.

Outre les actes qui viennent d'être indiqués dans ce §, le président de la république signe un grand nombre d'actes administratifs qu'il est impossible d'indiquer ici. Le gouvernement agit souvent comme autorité administrative supérieure dans le pays; et le législateur lui a donné compétence pour faire des actes administratifs qu'il considère comme très importants. Le gouvernement fait notamment un grand nombre d'actes de contrôle administratif.

139. De l'initiative et de la promulgation des lois. Le président de la république personnifiant le gouvernement a l'initiative des lois : « Le président de la république a l'initiative des lois concurremment avec les membres des deux chambres » (L. 25 février 1875, art. 3, § 1). Ainsi il participe directement à la confection des lois. Ce droit d'initiative a été étudié au § 121.

Promulgation de la loi. — « Le président de la république promulgue les lois dans le mois qui suit la transmission au gouvernement de la loi définitivement adoptée. Il doit promulguer dans les trois jours les lois dont la promulgation, par un vote exprès dans l'une et l'autre chambre, aura été déclarée urgente » (LL. const. 16 juillet 1875, art. 7 et 25 février 1875. art. 3, § 1). Le texte de la loi voté définitivement par les deux chambres est expédié en double exemplaire par les soins du président de la chambre qui l'a voté en dernier lieu. Chacune de ces expéditions est signée par le président de la chambre et un certain nombre de secrétaires. L'une reste déposée aux archives de l'assemblée et l'autre est transmise au président de la république ou plus exactement au ministre du département auquel la loi se rattache par son objet. C'est lui qui la soumettra à la signature du président de la république pour la promulgation (Règl. sénat, art. 120; chambre, art. 143).

La promulgation est l'acte par lequel le président

de la république affirme, en la formule consacrée, que la loi a été régulièrement votée par les chambres, qu'elle doit être appliquée par les autorités administratives et judiciaires et qu'elle s'impose à tous.

Portalis disait de la promulgation : « C'est l'édition solennelle de la loi, le moyen de constater son existence et de lier le peuple à son exécution ». La formule actuelle de la promulgation fait d'ailleurs très nettement ressortir le vrai caractère de la promulgation. Elle a été fixée par le décret du 6 avril 1876 qui porte : « A l'avenir les lois seront promulguées dans la forme suivante : Le sénat et la chambre des députés ont adopté, le président de la république promulgue la loi dont la teneur suit... (Le texte de la loi). La présente loi, délibérée et adoptée par le sénal et par la chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat ». Suit l'indication du lieu et de la date de la promulgation, la signature du président de la république et le contreseing d'un ministre.

La formule de la promulgation montre bien que la promulgation est le complément indispensable de la loi, que tant qu'il n'y a pas promulgation, il n'y a pas à proprement parler de loi, que nul n'est tenu d'obéir à cette prétendue loi qui n'est point encore promulguée, que les tribunaux, que les autorités, non seulement ne sont pas tenus d'appliquer une loi non promulguée, mais ne peuvent pas l'appliquer. En un mot par la promulgation le président de la république est directement et vraiment associé à la confection de la

loi.

Il résulte de cela que la seule date véritable d'une loi est la date de sa promulgation, comme on dit quelquefois la date du fait à.....

L'usage de citer les lois par la date de leur promulgation paraît aujourd'hui définitivement établi.

Cependant ce caractère de la promulgation est parfois contesté. Certains auteurs voient dans la promulgation le premier acte d'exécution et soutiennent que par conséquent la véritable date de la loi est toujours la date du dernier vole. M. Dueroq notamment a soutenu celte opinion et déclaré que depuis 1875 toutes les lois sont mal datées (Ducroq, Etudes de droit public, p. 1-17; Droit administratif, 7e édit., 1897, I, p. 64). Nous maintenons notre opinion. Sans revenir sur la question de savoir si la fonction exécutive existe comme fonction spécifiquement distincte de l'Etat (cf. § 47), il est évident que si la fonction exécutive existe, un acte d'exé

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