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ment. La condition indispensable pour que l'unité puisse être maintenue dans cet organe collectif qu'est le ministère, c'est qu'il ait un chef. Ce chef porte aujourd'hui en France le titre de président du conseil des ministres. C'est toujours en fait un des ministres à portefeuille. Ce pourrait être cependant un ministre. sans portefeuille.

En Angleterre, c'est le premier ministre, chef du cabinet, qui est le chef du gouvernement et qui sous sa responsabilité et celle de ses coll'gues, tous solidaires de lui-même et entre eux, exerce les fonctions du gouvernement. Le roi même ne prend pas part aux réunions du cabinet; c'est une règle établie depuis Georges Ir. M. Anson écrit : « Le cabinet est un organe bien défini dont tout le monde se fait une idée assez nette. C'est un groupe de personnes collectivement responsables de la politique et du gouvernement de l'Etat... Les membres du cabinet sont choisis el dirigés par un chef que nous appelons le premier ministre. C'est le principal représentant du parti politique qui a pour un temps la majorité à la chambre des communes et dans le pays ». Le premier ministre a été presque toujours premier Lord de la trésorerie; mais les fonctions effectives de ministre des finances sont exercées par le chancelier de l'échiquier. Cf. Anson, Loi et pratique constitutionnelles de l'Angleterre. II, p. 128 et 209.

En France, au lendemain de la loi du 31 août 1871, qui formulait le principe de la responsabilité du conseil des ministres devant l'Assemblée, le décret du 2 septembre 1871 créa un vice-président du conseil des ministres. M. Thiers, président de la république, était en même temps un premier ministre, déclaré responsable devant l'assemblée (L. 31 août 1871, art. 2, § 7), et un chef d'Etat. Le vice-président du conseil des ministres n'était donc point en réalité le chef du ministère et le directeur de sa politique; il était seulement chargé de le convoquer et de le présider au cas d'empêchement du président de la république. Jusqu'aux élections de février 1876, il n'y eut toujours qu'un vice-président du conseil des ministres. Mais la constitution de 1875 ayant déclaré le président de la république irresponsable, il était logique qu'il y eût un président du conseil des ministres, véritablement chef du ministère, directeur de sa politique et responsable. Aussi le décret du 2 mars 1876, au moment de la nomination du premier ministère constitué sous l'application de la constitution de 1875, nomma-t-il M. Dufaure président du conseil des membres, et depuis il y a toujours eu un président du conseil des ministres.

En France, à la différence de ce qui se passe en Angleterre, le chef de l'Etat a toujours assisté aux réunions du conseil des ministres.

Sous la Restauration et le gouvernement de Juillet, le roi présidait le conseil des ministres. La const. de 1848 donnait au président de la république implicitement la présidence du conseil des ministres. Aux termes de l'art. 19 du sénatusconsulte const. du 21 avril 1870, le conseil des ministres se réunit sous la présidence de l'empereur. La résolution du 17 février 1871 décidait que M. Thiers, chef du pouvoir exécutif, présiderait le conseil des ministres.

Rien de contraire à cette pratique n'ayant été dit dans la const. de 1875, la tradition s'est maintenue, et, actuellement, le président de la république assiste aux réunions du conseil des ministres.

Mais les ministres peuvent se réunir hors la présence du chef de l'Etat; ces réunions portent le nom de conseil de cabinet. Ces réunions des ministres hors la présence du chef de l'Etat avaient lieu déjà sous Louis-Philippe. Aujourd'hui, elles alternent avec les réunions en conseil de ministres. Mais il importe de noter que, lorsque la loi exige qu'une décision soit prise en conseil des ministres, il faut qu'elle ait été délibérée par les ministres réunis en présence du chef de l'Etat. Il n'y a légalement conseil des ministres qu'à cette condition.

Quand le président de la république assiste à la réunion des ministres, est-il exact de dire qu'il la préside? D'après M. Pierre (Droit politique el parlem., 2o édit., 1902, p. 115), même lorsque le président de la république assiste à la réunion des ministres, les attributions du président du conseil restent intactes; c'est lui qui donne la parole, qui pose les questions et qui fait aller aux voix.

Le président de la république, assistant au conseil des ministres, y vote-t-il? D'après M. Esmein, étant donné le gouvernement parlementaire, il parait plus conforme à son esprit que le président de la république assistant au conseil des ministres s'abstienne d'y voter. D'après cet auteur, la pratique se serait fixée en ce sens; et il cite à l'appui de cela un article du journal le Malin du 18 septembre 1898 (Droit const., 4* édit., 1906, p. 680, note 4).

Ce que disent M. Pierre et M. Esmein est bien possible. Mais si le président de la république ne préside pas le conseil des ministres et s'il n'y vole pas, nous nous demandons ce qu'il y fait.

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Nomination des ministres. Elle est faite par le président de la république. Aucun texte ne lui donne expressément ce droit. Mais ayant, aux termes de l'ar 3, § 3 de la loi const. du 25 février 1875, la no

mination à tous les emplois civils et militaires, il a par là même le droit de nommer les ministres. Ayant le droit de les nommer, il a le droit de les révoquer.

Ce droit de nomination et de révocation ne lui est point contesté. Il était reconnu expressément au président de la république par la constitution de 1848, art. 64: « Il nomme et révoque les ministres ». La loi du 31 août 1871, art. 3, § 5 s'exprimait de la même manière.

Mais ce droit de nomination et de révocation des ministres se trouve en fait bien réduit. En effet le président ne peut choisir que des ministres qui soient disposés à suivre une politique approuvée par les chambres. Il peut bien en droit choisir des ministres n'ayant pas la majorité à la chambre des députés et ayant l'approbation du sénat; mais il devra alors dissoudre la chambre, et si le corps électoral renvoie la même majorité, il devra évidemment prendre un ministère dans la majorité. D'autre part, si le président révoque des ministres qui ont l'approbation de la chambre, il doit encore faire la dissolution (cf. supra, § 137). Enfin son droit de révocation des ministres est tout à fait limité par la nécessité du contreseing ministériel, même pour ces décrets de révocation.

En fait, dans tous les pays les actes de révocation des ministres sont extrêmement rares; les ministres donnent leur démission; et au lieu de révoquer un ou plusieurs ministres, le chef de l'Etat ou le président du conseil leur demande leur démission. Si l'on suppose que, par impossible, les ministres refusent leur démission, le décret de révocation ne pourrait être porté qu'avec le contreseing de l'un d'eux.

Les ministres doivent adresser leur démission au président du conseil; celui-ci adresse sa démission au président de la république et lui transmet celles de ses collègues. L'acte du général Chanoine, ministre de la guerre, donnant sa démission à la chambre (séance 29 octobre 1898) était tout à fait incorrect.

En fait, au cas de crise ministérielle, le président de la république ne choisit pas les ministres; il ne désigne que le président du conseil qui compose le ministère, lequel est toujours acceplé par le président de la république.

Ce droit de nomination des ministres, appartenant au président de la république, quelque réduit qu'il soit, a élé souvent critiqué. On a dit qu'il y avait là une fiction inutile; qu'en réalité, le chef de l'Etat devait choisir ses ministres dans a majorité des cham

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bres et particulièrement dans la majorité de la chambre des députés et que, par conséquent, il serait beaucoup plus simple et plus logique de donner aux chambres et surtout à la chambre des députés la nomination des ministres ou du moins le choix du président du conseil.

Nous estimons qu'il faut absolument maintenir au président de la république le droit de nommer ses ministres. C'est le seul moyen d'assurer l'équilibre entre les pouvoirs, ce qui est la condition essentielle de tout gouvernement libre. Donner aux chambres la nomination des ministres, ce serait faire de ceux-ci de simples commis du parlement, ce serait établir la toute-puissance parlementaire. Sans doute le chef de l'Etat doit choisir ses ministres dans la majorité parlementaire; mais il a droit de choisir dans cette majorité l'homme qui aura la présidence du conseil; et cela constitue une prérogative importante, qui peut faire contrepoids à la puissance de la chambre.

Le président de la république peut choisir ses ministres comme bon lui semble. Il peut confier les fonctions ministérielles à des membres du parlement, sénateurs ou députés; il peut prendre quelques-uns de ses ministres ou tous en dehors du parlement.

Cette liberté de choix du chef de l'Etat a été souvent critiquée. D'une part on a dit que le chef de l'Etat ne devrait pas pouvoir prendre ses ministres dans le parlement, que cela est contraire à la séparation des pouvoirs, que les membres du parlement aspirent tous à exercer les fonctions ministérielles et que cela compromet bien souvent leur indépendance. C'est sous l'inspiration de ces idées que les auteurs de la const. de 1791 décidèrent qu'aucun membre de la législature ne pourrait être nommé ministre pendant la durée de ses fonctions ni pendant deux ans après en avoir cessé l'exercice (tit. III, chap. 1, sect. iv, art. 2). Nous répondons que le principe de la séparation des pouvoirs ne saurait être invoqué sous un régime qui, comme le régime parlementaire, en est la négation même (cf. § 55). Dans un pays non parlementaire, les ministres doivent être choisis en dehors des chambres parce qu'ils ne sont alors que des chefs administratifs. C'était ainsi très logiquement que la const. de 1852 (art. 44) décidait que les ministres ne pouvaient être membres du corps législatif. Mais dans les pays parlementaires il est indispensable qu'ils puissent faire partie du parlement. A cette condition seulement ils pourront parler avec autorité aux chambres et au nom des chambres. L'expérience a d'ailleurs prouvé que les ministères d'affaires ou extra-parlementaires, composés entièrement de membres pris en dehors des chambres, n'ont jamais pu, sous un régime parlementaire, se maintenir au pouvoir que pendant fort peu de temps. Cependant il ne serait pas sage d'imposer au chef de l'Etat l'obligation de prendre dans les chambres, dans tous les

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cas, tous les ministres. Il peut se rencontrer des circonstances où momentanément il y a tout intérêt à constituer un ministère extraparlementaire, et il faut que le chef de l'Etat soit le cas heant libre de le faire. D'autre part, il y a des ministères ment techniques, qui exigent à leur tête un spécia ministères de la guerre, de la marine; il faut que le p république puisse choisir librement le général ou l'ani nommera. Pour toutes ces raisons nous estimons que le sy d actuel de nomination des ministres doit être maintenu, el q” thê dépend que de la sagesse du président de la république et de chambres qu'il soit un très bon système.

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Cf. séance du sénat du 27 juin 1899, rejet de la prise en conse dération de la proposition Bisseuil, tendant à établir anco ga bilité entre les fonctions ministérielles et le mandat de dere .. sénateur.

Les innombrables affaires qui ressortissent au gouvernement sont réparties entre un certain nombre de départements ministériels. Le président de la répu que peut, on l'a déjà dit (§ 141), fixer par décret nombre des ministères, sauf bien entendu l'approba tion du parlement donnée par le vote des crédits nécessaires. Cependant le ministère des colonies a été créé par une loi du 20 mars 1894; mais le ministère du travail et de la prévoyance sociale a été créé par un décret (D. 25 octobre 1906). Aujourd'hui il y a douze ministères dont les dénominations sont déterminées par les décrets du 25 octobre 1906, qui ont constitué le ministère actuellement au pouvoir présidé par l'honorable M. Clémenceau.

Les douze ministères portent les dénominations suivantes qui indiquent en même temps les affaires qui en dépendent: 1o Ministère de la justice; le ministre de la justice porte aussi officiellement l'ancien nom de garde des sceaux; 2o Ministère des affaires étrangères; 3 Ministère de l'intérieur; 4o Ministère des finances; 5o Ministère de la guerre; 6° Ministère de la marine; 70 Ministère de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes; quand la liquidation des retraites ecclésiastiques et des établissements ecclésiasti ques sera achevée conformément à la loi du 9 décembre 1905, cette dénomination « et des cultes >> disparaîtra, les cultes n'étant plus un service public; déjà le décret du 17 avril 1906 a considérablement réduit l'ancien service central des cultes; 8° Ministère des travaux publics, des postes et des télégraphes; les postes et les télégraphes, qui dépendaient du ministère du commerce, ont été rattachés aux travaux publics par décret du 14 mars 1906, parce que,

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