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liv. III, chap. IV, § 2, Naples, 1872, I, p. 169. Rap., liv. III, chap. III, § 5 et 6, et chap. IV, § 1, p. 167-168). Rien dans les actes pontificaux du XIXe siècle n'est venu contredire cette doctrine, au contraire. Cf. les encycliques de Léon XIII, Diuturnum, 29 juin 1881; Immortale Dei, 1er novembre 1885. On voit par là combien sont loin de la vérité ceux qui disent que la doctrine du droit divin surnaturel a été la doctrine constante des théologiens catholiques Cf. Maumus, La République et la politique de l'Eglise, 1902; Chénon, Theorie catholique de la souveraineté nationale, 1898.

La doctrine du droit divin surnaturel a été surtout exposée en France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Elle apparaît d'abord dans la vieille formule : « Le roi de France ne tient son royaume que de Dieu et de son épée », formule opposée par le roi de France et ses légistes aux prétentions du Saint-Siège. D'autre part, nos rois aimaient à invoquer la cérémonie du sacre, considérée par certains théologiens comme un huitième sacrement et le signe extérieur par lequel la divinité conférait à la personne royale la puissance commandante. La pure doctrine du droit divin a trouvé son expression la plus complète dans certains écrits. attribués à Louis XIV et dans un acte de Louis XV. Dans les Mémoires de Louis XIV, l'autorité dont les rois sont investis est une délégation de la Providence; c'est en Dieu, non dans le peuple, qu'est la source du pouvoir et c'est à Dieu seul que les rois sont comptables du pouvoir dont il les a investis (Mémoires de Louis XIV, édit. Dreyss, 1860, t. II, p. 336). Dans le préambule du célèbre édit de Louis XV, de décembre 1770, on lit : « Nous ne tenons notre couronne que de Dieu le droit de faire des lois..... nous appartient à nous seul sans dépendance et sans partage... »

M. Hitier (Les doctrines de l'absolutisme, 1903, p. 26, rapproche très justement de ces textes le passage d'un discours prononcé par l'empereur Guillaume II à Coblentz, au mois de septembre 1897 : «Guillaume Ier a montré et fait rayonner bien haut un trésor que nous devons conserver saintement : c'est la royauté par la grâce de Dieu, la royauté avec ses lourds devoirs, ses peines et ses travaux sans répit et aussi avec ses responsabilités redoutables devant le Créateur seul, responsabilité dont aucun ministre, aucune chambre des députés, aucun peuple ne peut relever le prince ».

On représente souvent Bossuet comme ayant été, dans la Politique tirée de l'écriture sainte et dans le Cinquième avertissement sur les lettres du ministre Jurieu, le théoricien par excellence du droit divin surnaturel. Cela n'est pas tout à fait exact. Sans doute, on y trouve des propositions comme celles-ci : « Dieu établit les rois comme ses ministres et règne par eux sur les peuples... Les princes agissent... comme ministres de Dieu et ses lieutenants sur la terre » (Politique, liv. III, art. II, 1re proposition). Sans doute, dans le Ve Avertissement, Bossuet attaque violemment la doctrine de Jurieu sur l'origine populaire du pouvoir; cependant le grand orateur a fait une part à l'idée de souveraineté populaire. Il écrit notamment : « Il s'établit bientôt des rois, ou par le consentement des peuples ou par les armes » (Politique, liv. III, art. I, 4e prop.); Il y a d'autres formes de gouvernement que celle de la royauté ; les histoires nous font voir un grand nombre de républiques dont les unes se gouvernaient par tout le peuple » (Ibid., 6e prop.); et enfin « Ces empires, quoique violents, injustes et tyranniques d'abord, par la suite des temps et par le consentement des peuples, peuvent devenir légitimes » (Ibid., 6o prop.). Sur les polémiques de Jurieu et de Bossuet, cf. R. Lureau, Les doctrines politiques de Jurieu, thèse Bordeaux, 1904; Rébelliau, Bossuet, historien du protestantisme, 1891.

<< Dans ces

Doctrines du droit divin providentiel. doctrines, dit M. de Vareilles - Sommières, ce n'est pas par une manifestation surnaturelle de sa volonté que Dieu détermine le sujet du pouvoir, c'est par la direction providentielle des événements et des volontés humaines ». Dans la théorie du droit divin ainsi comprise, le pouvoir vient de Dieu seul; mais les hommes qui le possèdent en sont investis par des moyens humains, qui s'accomplissent sous la direction invisible de la Providence divine toujours présente. La doctrine du droit divin providentiel a eu deux illustres interprètes au commencement du dernier siècle, Joseph de Maistre et Bonald; c'est à eux qu'elle doit d'occuper une place importante dans l'histoire de la pensée contemporaine.

J. de Maistre écrit : « Sans son intervention (d'une puissance surnaturelle) immédiate, on ne peut expliquer la création ni la durée des gouvernements. Elle est manifeste dans l'unité nationale qui les constitue; elle l'est dans la multiplicité des volontés qui concourent au même but sans savoir ce qu'elles font, ce qui montre qu'elles sont simplement employées; elle l'est surtout dans l'action merveil

leuse, qui se sert de cette foule de circonstances que nous nommons accidentelles, de nos folies mêmes et de nos crimes, pour maintenir l'ordre et souvent pour l'établir. (Soirées de Saint-Pétersbourg,

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3 entretien, édit. Paris, 1872, I, p. 207. — Rap. Considérations sur la France, chap. VI, Paris, 1855, p. 81).

La doctrine de Bonald est analogue à celle de J. de Maistre. Elle est tout entière contenue dans le passage suivant : « (Le) pouvoir (est) légitime, non dans ce sens que l'homme qui l'exerce y soit nommé par un ordre visiblement émané de la divinité, mais parce qu'il est constitué sur les lois naturelles et fondamentales de l'ordre social, dont Dieu est l'auteur, lois contre lesquelles tout ce qu'on fait, dit Bossuet, est nul de soi, et auxquelles en cas d'infraction l'homme est ramené par la force irrésistible des événements. » (Législation primitive, Discours préliminaire, 5o édit., 1857, p. 41).

Il est clair que ces diverses doctrines n'expliquent rien, et comme elles reposent sur la croyance à l'intervention constante d'une force consciente et surnaturelle dans le monde, elles échappent évidemment à la discussion scientifique. Mais il importe de remarquer que, contrairement à ce que l'on croit souvent, ces doctrines n'aboutissent pas nécessairement à l'absolutisme. Assurément la théorie du droit divin surnaturel affirmant que le chef de l'Etat tient son pouvoir directement de Dieu, et qu'il est responsable devant lui seul, conduit logiquement à écarter tout pouvoir pondérateur. Dans cette doctrine on n'aperçoit guère que les lois de morale religieuse susceptibles de limiter la toute puissance du souverain élu de Dieu. Mais les doctrines du droit divin providentiel ne sont nullement inconciliables avec un gouvernement limité par l'intervention de représentants du peuple et par l'existence de lois humaines consacrant la responsabilité effective des gouvernants.

Qu'on ne croie

11. Doctrines démocratiques. pas que les doctrines démocratiques soient toujours des doctrines libérales. C'est là une erreur très communément répandue contre laquelle on ne saurait trop soigneusement se mettre en garde. Nous appelons démocratiques toutes les doctrines qui placent l'origine du pouvoir politique dans la volonté collective de la

société soumise à ce pouvoir et qui enseignent que le pouvoir politique est légitime, parce que et seulement parce qu'il est institué par la collectivité qu'il régit. Or ces doctrines, chez deux de leurs plus illustres représentants, aboutissent à l'omnipotence de la puissance politique et à la subordination complète et sans limite de l'individu.

Il faut noter aussi que ces doctrines démocratiques n'impliquent nullement la forme républicaine du gouvernement. Comme l'a montré Rousseau lui-même, la théorie de l'origine populaire du pouvoir politique se concilie avec toutes les formes de gouvernement, et la meilleure est celle qui s'adapte le mieux à la situation de la société à laquelle elle s'applique. Le xixe siècle a vécu sur deux idées politiques : il a cru que tout était sauvé en affirmant le principe que tout pouvoir émane du peuple et en créant un parlement élu directement par le peuple; il a cru aussi qu'en proclamant que la république était la forme nécessaire de la démocratie, on établissait la liberté sur des bases indestructibles. Des événements contemporains, sur lesquels il ne convient pas d'insister, montrent à l'évidence que ce sont là deux erreurs, et que s'il est un gouvernement contre l'arbitraire duquel il importe de prendre de sérieuses garanties, c'est le gouvernement populaire, parce que c'est celui qui a le plus de tendance à se croire omnipotent. On a dressé les parlements élus contre le despotisme des rois; il faut affirmer le droit intangible de l'individu contre le despotisme redoutable des parlements.

Il n'y a pas d'histoire plus passionnante que celle des doctrines démocratiques. On y voit en effet mieux que partout ailleurs les efforts de la pensée humaine pour donner une justification purement positive du pouvoir politique, et pour protéger l'individu, sa liberté physique, intellectuelle et religieuse contre l'arbitraire politique; car, si parfois les doctrines démocratiques ont abouti à des conclusions absolutistes, elles ont eu, dans leur origine et dans leur développement, pour but principal d'élever une barrière contre le despotisme. On ne peut ici qu'indiquer en quelques mots les principales étapes de cette longue histoire.

L'antiquité n'avait pas posé le problème. Aucun des écrivains politiques de la Grèce et de Rome, ni Platon, ni Aristote, ni Polybe, ni Cicéron ne s'est demandé si le pouvoir politique était légitime, ni quelle en était l'origine. Ils l'ont pris comme un fait nécessaire, et ont disserté sur les conditions pratiques du gouvernement ou, comme Platon dans sa République, déterminé le plan d'une cité idéale. C'est aux théologiens du moyen-âge que revient le mérite d'avoir posé la question et d'avoir essayé de la résoudre méthodiquement. La théologie au xie et au xe siècle est l'asile de la pensée libre; c'est elle qui se dresse contre la force et vient lui demander quels titres elle a pour s'imposer aux hommes.

On a vu déjà (§ 10) dans quel sens la théologie scolastique résoud le problème. Le pouvoir en soi, dit-elle, vient de Dieu, mais le pouvoir concret vient du peuple; c'est le peuple qui ordonne le pouvoir en vue de sa fin à lui. La conséquence en est que, si celui qui détient le pouvoir ne l'exerce pas en vue de la fin du peuple, il est un tyran et le peuple peut le renverser. « Le gouvernement tyrannique n'est pas juste, dit saint Thomas, parce qu'il ne tend pas au bien général, mais au bien particulier de celui qui gouverne... et voilà pourquoi le trouble qu'on excite contre un pareil gouvernement n'a point le caractère de sédition.... C'est plutôt le tyran qui est séditieux » (Somme théologique, 2o partie de la 2o partie, quest. XLII, art. 2, no 3, édit. Lachat, VIII, p. 200). Déjà aussi apparaît l'idée d'un contrat synallagmatique intervenant entre le peuple et le prince, imposant des obligations réciproques à l'un et à l'autre, et résolu si l'un d'eux ne remplit pas ses obligations, le peuple pouvant dès lors retirer le pouvoir au prince qui viole le contrat. Cf. Chénon, Théorie catholique de la souveraineté nationale, 1898, p. 9, 16 et suiv.

L'idée de la souveraineté du peuple n'est pas seulement affirmée théoriquement dans les écrits des théologiens; elle est aussi énoncée pratiquement aux états-généraux de France. Déjà, aux états du roi Jean, en 1355-56, on affirme que le pouvoir politique dérive du peuple. Un siècle plus tard, aux états-généraux de Tours, tenus en 1484 pendant la minorité de Charles VIII, l'idée démocratique est exprimée avec une entière précision dans le discours célèbre de Philippe Pot « Dès lors, disait-il, quelle est la puissance en France qui a le droit de régler la marche des affaires quand le roi est incapable de gouverner? Evidemment, cette charge ne retourne ni à un prince, ni au conseil des princes, mais au peuple donateur du pouvoir » (Journal de Jehan Masselin, Documents inédits sur l'histoire de France, 1835, p. 18).

L'idée démocratique arrive à son enlier développement au XVIe siècle. Elle est alors soutenue tour à tour avec la même conviction, suivant l'intérêt du moment, par les écrivains protestants et les catholiques. Défenseurs du pouvoir royal tant qu'ils avaient espéré sa protection, les écrivains protestants l'attaquent violem

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