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de simples citoyens et aucune disposition spéciale ne peut leur être appliquée.

Electeurs qui doivent être inscrits sur la liste électorale d'une commune quand ils en font la demande. Ce sont d'abord les électeurs qui sont inscrits au rôle d'une des quatre contributions directes ou au rôle des prestations en nature et qui, ne résidant pas dans la commune, déclarent vouloir y exercer leurs droits électoraux.

Il suffit d'être inscrit au rôle de l'année pendant laquelle on demande l'inscription sur la liste électorale, et il suffit d'y être inscrit à la veille du jour de la clôture définitive de la liste électorale après la revision annuelle, par application de l'art. 14, § 3. Il faut que l'inscription soit personnelle; ce n'est pas le fait de la possession d'une propriété ou d'une habitation dans une commune, ni même le payement de la contribution qui permet d'être inscrit sur la liste; c'est le fait seul de l'inscription personnelle. A l'inverse, tant que la mutation n'est pas opérée, l'électeur peut rester inscrit sur la liste électorale, alors même qu'il ait cessé d'avoir une propriété, une habitation ou un commerce dans la commune.

Le droit d'inscription sur la liste électorale dans les conditions ainsi indiquées est indépendant de toute condition de domicile ou de résidence et s'applique même à un Français résidant à l'étranger (Cass., 3 avril 1893, S., 1894, 1, p. 37).

Il faut que l'électeur demande à être inscrit, déclarant qu'il entend exercer ses droits électoraux dans la commune. Cette déclaration n'est soumise à aucune condition de forme. Il a été jugé que cette déclaration pouvait être faite par une simple lettre adressée au maire (Cass., 28 avril 1879, S., 1880, I, p. 133). Mais la déclaration doit être faite personnellement; on n'admet pas que la demande puisse être faite par des tiers, qui interviendraient pour faire opérer une inscription que l'intéressé ne demande pas. Il y a en ce sens de nombreuses décisions, notamment Cass., 26 et 30 mars 1896, S., 97, I, 412.

Doivent être aussi, sur leur demande, inscrits sur la liste électorale d'une commune, les membres de la famille des électeurs, dont il vient d'être parlé, compris dans la cote de la prestation en nature, alors même qu'ils n'y soient pas personnellement portés. (L. 5 avril 1884, art. 14, n° 2, § 2).

En disant les membres de la famille », la loi a voulu exclure les serviteurs. Cela a été formellement dit au moment du vote de la loi du 7 juillet 1874, art. 5, no 1, dont la loi de 1884 a reproduit la formule. Il faut rapprocher de l'art. 14, no 2, § 1 de la loi du 5 avril

1884, l'art. 3, no 1 de la loi du 21 mai 1836 sur les chemins vici

naux.

Bénéficient aussi de la même faveur, les personnes qui, après avoir été personnellement portées aux rôles des prestations en nature, établissent qu'elles n'en ont été rayées qu'à cause de leur âge ou de leurs infirmités (àge de 60 ans, L. 21 mai 1836, art. 3, no 1 et L. 5 avril 1884, art. 14, no 2, § 2). La formule de l'art. 14 de la loi de 1884 n'est pas très exacte; la formule que nous donnons est celle d'un arrêt de la cour de cassation du 28 avril 1880, D., 1880, I, p. 274 et Répert, droit admin., vo Elections, no 117, note 2. La formule de la loi de 1884 a été empruntée à l'art. 5, no 2 de la loi du 7 juillet 1874.

Enfin aux termes de l'art. 14, n° 3 de la loi du 5 avril 1884 doivent être inscrits sans condition de résidence ceux qui, en vertu de l'art. 2 du traité du 10 mai 1871 (traité de Francfort avec l'Allemagne), ont opté pour la nationalité française et déclaré fixer leur résidence dans la commune conformément à la loi du 19 juin 1871. Le législateur de 1884 a emprunté sa formule à l'art. 5, no 5 de la loi du 7 juillet 1874. Les cas d'application de ces dispositions deviennent évidemment de plus en plus rares.

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Inscription sur plusieurs listes. - De ces diverses dispositions il résulte qu'on peut être en fait inscrit sur plusieurs listes électorales. Mais on ne peut provoquer son inscription sur plusieurs listes. En effet, l'art. 31 du décret organique du 2 février 1852 prévoit et punit d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 100 à 1.000 fr. le fait de la personne qui aura réclamé et obtenu une inscription sur deux ou plusieurs listes ». Le législateur estime que celui qui provoque ainsi son inscription sur deux ou plusieurs listes veut se procurer le moyen de voter deux fois. Mais celui qui par le jeu normal de la loi se trouve inscrit de droit sur plusieurs listes, par exemple sur la liste de son domicile réel et sur celle de sa résidence, ne se trouve point en contravention. Il ne serait pas davantage en contravention si, ayant été inscrit de droit et d'office sur la liste électorale de son domicile ou de sa résidence, il demandait son inscription sur

la liste électorale d'une commune où il est inscrit aux rôles des contributions directes ou des prestations, parce que dans ce cas il n'a réclamé et obtenu son inscription que sur une liste, puisque c'est de droit et d'office qu'il a été inscrit sur les autres.

L'art. 31 du décret org. du 2 février 1852 punit aussi d'un emprisonnement de un mois à un an et d'une amende de 100 à 1.000 francs toute personne qui se sera fait inscrire sur la liste électorale sous de faux noms ou de fausses qualités ou aura en se faisant inscrire dissimulé une incapacité prévue par la loi. Rap. L. 7 juillet 1874, art. 6 et L. 30 novembre 1875, art. 22, § 2.

On a quelquefois contesté que l'art. 31 du décret org. du 2 février 1852 fût encore en vigueur. La jurisprudence, avec raison à notre avis, en fait une application constante: « Attendu que cet article n'a été abrogé ni par la loi du 7 juillet 1871, ni par celle du 30 novembre 1875, ni par celle du 5 avril 1884, qu'il est donc toujours en vigueur et que la cour de cassation, dans son arrêt du 15 mai 1887, en a affirmé l'existence..." (Trib. Poitiers, 30 mai 1894, S., 95. II. 114 et la note anonyme critiquant à tort, selon nous, cette solution). Cf. pour la jurisprudence sur ce point et sur la question de la demande d'inscription sur plusieurs listes, Delpech, Revue du droit public, 1905, p. 628 et suiv.

Vote multiple. Si le fait d'être inscrit sur deux ou plusieurs listes peut n'avoir rien d'illégal, le fait de voter deux ou plusieurs fois dans la même élection est toujours un fait illégal et puni sévèrement par la loi. «Est puni d'un emprisonnement de six mois à un an et d'une amende de 200 à 2.000 francs tout citoyen qui aura profité d'une inscription multiple pour voter plus d'une fois » (D. org. 2 février 1852, art. 34). Cela est parfaitement logique. Le suffrage en France est non seulement universel et direct, il est encore égalitaire; chacun a une voix, mais chacun n'a qu'une seule voix. Tel est le principe essentiel de notre droit public depuis 1848. Il ne peut donc être permis de violer ce principe primordial en profitant d'une double inscription pour voter deux fois dans la même élection. Le législateur devait frapper de peines sévères quiconque

s'attribuerait ainsi une participation plus grande que celle de ses concitoyens à la puissance politique. V. § 100 les pays qui admettent le vote plural.

La jurisprudence applique avec une extrême sévérité la disposition de l'art. 34 du décret org. de 1852 prohibant et punissant le vote multiple. Il est incontestable que nul ne peut, profitant d'une double nscription, voter le même jour dans deux communes différentes pour une élection politique, une élection départementale ou une élection municipale. Mais que décider dans le cas où l'électeur vote au premier tour de scrutin dans une commune, et au scrutin de ballottage dans une autre commune? A notre avis, il y a double vole parce que les deux tours de scrutin forment une seule opération électorale. La cour de cassation a donné cette solution dans un arrêt du 21 janvier 1897 (S., 97. I. 253). L'arrêt fut rendu après partage et contrairement aux conclusions de M. l'avocat général Puech.

Y a-t-il délit de double vole dans le fait de l'électeur qui, profitant d'une inscription multiple, vote au premier tour dans une commune et au second tour dans une autre commune, quand les élections où il a volé d'abord sont annulées? Il s'agissait, dans 'espèce visée, d'élections municipales. Par un arrêt du 9 juin 1905, la cour de cassation a donné la solution affirmative : « Attendu qu'il importe peu que les opérations de l'une des assemblées auxquelles l'électeur a pris part soient déclarées nulles et considérées comme non avenues, que le délit n'en existe pas moins par cela seul qu'il y a eu deux voles émis dans la même élection ». Revue générale d'administration, 1905, III, p. 437. V. la critique de ces deux arrèts, Delpech, Revue du droit public, 1905, p. 633 et suiv. On a même décidé qu'un électeur ne pouvait, dans la même année électorale, c'est-à-dire du 31 mars d'une année au 31 mars de l'année suivante, voter successivement dans des communes différentes, appartenant à des circonscriptions électorales différentes, pour des élections du même ordre. Par exemple le fait d'un électeur volant dans la circonscription A pour une élection législative générale et dans le cours de la même année dans la circonscription B pour une élection partielle constitue un vole multiple, parce que l'électeur fait ce qu'il n'aurait pas pu faire s'il n'avait pas élé inscrit sur deux listes; or ce que le législateur ne veut pas c'est qu'un électeur puisse profiter d'une inscription multiple pour se procurer un droit électoral qu'il n'aurait pas s'il n'était pas inscrit sur plusieurs listes. Cf. Béquet et Laferrière, Répert. droit admin., vo Elections, n 735.

Il n'en est ainsi que si les deux votes ont lieu dans la même année, parce que la revision des listes électorales ayant lieu chaque année au 31 mars, c'est une nouvelle situation qui commence chaque année à cette date. L'électeur fait en quelque sorte à celle dale l'option de la commune où il entend exercer ses droits électo

raux; et il doit les exercer pendant toute l'année dans la même commune. Mais il faut qu'il s'agisse d'une élection de même ordre ; et l'électeur pourrait, sans commettre le délit de double vole, voter pendant la même année électorale, dans une commune pour une élection législative et dans une autre pour une élection départementale ou municipale. Ainsi le conseil d'Etat a décidé qu'il n'y avait pas double vote an sens de l'art. 34 du décret org. du 2 février 1852 dans le fait d'électeurs votant, le 31 juillet 1904, à une élection au conseil général dans une commune la commune de Langogne) el ayant, au mois de mai précédent, voté dans d'autres communes aux élections municipales (Cons. d'Etat, 10 mars 1905, Rec., 1905, p. 248; rap. cons. d'Etat, 11 mars 1898, Rec., 1898, p. 211 et 4 août 1902, Rec., 1902, p. 623).

On s'est demandé si la bonne foi pouvait faire disparaitre le délit de double vote. La cour de cassation a, avec raison selon nous, donné une réponse négative (Cass., 12 août 1881, S., 1881, I, p. 439). L'art. 34 du décret org. de 1852 ne fait aucune distinction, aucune réserve et comme nul n'est censé ignorer la loi, le délit doit exister par le fait même et matériel du double vole opéré volontairement au bénéfice d'une double inscription.

Individus qui ne peuvent pas voter bien qu'ils soient inscrits sur une liste électorale. En principe, tout individu inscrit sur la liste électorale d'une commune peut voter dans cette commune. Mais cette règle reçoit cependant certaines exceptions.

Ne peuvent pas voter, quoique inscrits sur la liste électorale, les individus qui sont frappés d'une déchéance entraînant la perte de l'électorat. Trois hypothèses sont possibles et prévues par les art. 32 et 33 du décret organique du 2 février 1852 1° Un individu est régulièrement inscrit au moment où la liste est arrêtée; il est frappé d'une déchéance avant la revision de la liste qui doit être faite l'année suivante; il ne peut voter quoique inscrit sur la liste, sous peine d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de 20 à 500 francs. 2° Un individu frappé de déchéance est inscrit sur la liste électorale par erreur et sans sa participation; il ne peut voter et s'il vote, il est frappé de la même peine que dans l'hypothèse précédente. 3° Un individu frappé d'une déchéance s'est fait inscrire sur la liste électorale sous de faux noms ou en dissimulant l'incapacité dont il

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