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de détails, mais qui est encore la loi fondamentale sur l'élection de la chambre, n'a point le caractère de loi constitutionnelle et a pu être modifiée par des lois ordinaires. On peut dire d'ailleurs que depuis 1814 c'est une tradition en France que les lois électorales ne sont pas des lois constitutionnelles. Cf. § 99.

par

Les députés sont aujourd'hui élus au scrutin uninominal ou individuel; chaque circonscription électorale ne nomme qu'un député; et comme la division administrative en arrondissements est la base de la division de la France en circonscriptions électorales, on dit que l'élection des députés est faite au scrutin d'arrondissement. La règle avait été d'abord établie l'art. 14 de la loi du 30 novembre 1875. La loi du 16 juin 1885 avait supprimé cette règle et établi le scrutin de liste par département. Le scrutin uninominal a été rétabli par la loi du 13 février 1889, qui (art. 1) déclare abrogés les art. 1-3 de la loi du 16 juin. 1883, et rétablie la règle suivante de l'art. 14 de la loi du 30 novembre 1875. Chaque arrondissement administratif dans les départements et chaque arrondissement municipal à Paris et à Lyon nomme un député, quelle que soit sa population. Mais les arrondissements dont la population dépasse 100.000 habitants nomment un député de plus par 100.000 ou fraction de 100.000 habitants. En pareil cas l'arrondissement est divisé par une loi en un certain nombre de circonscriptions; ces circonscriptions ne peuvent être modifiées que par une loi; et il ne peut être formé de circonscription comprenant des cantons appartenant à des arrondissements différents. A la fin de chaque législature, quand il y a eu un nouveau recensement de la population, il est fait une loi qui apporte aux circonscriptions les modifications rendues nécessaires par le mouvement de la population. En donnant au parlement compétence exclusive pour tracer les limites des circonscriptions électorales dans les limites de chaque arrondissement, on a voulu éviter le retour

des abus du second empire, pendant lequel le gouvernement taillait dans un département à son gré les circonscriptions électorales pour contrebalancer autant que possible les majorités antigouvernementales existant en certaines villes.

La dernière loi qui ait fixé le nombre des circonscriptions électorales est la loi du 30 mars 1902. Il n'y a pas eu de loi modifiant les circonscriptions électorales avant les élections du 6 mai 1906, parce que le résultat du recensement de la population fait en 1906 n'était pas encore connu au moment des élections. D'après cette loi de 1902, il y a 591 circonscriptions électorales et, par conséquent, autant de députés dont 9 pour les colonies.

Ce système est évidemment très simple et très commode; mais s'il est vrai que le nombre des députés doit être proportionnel à la population, il n'assure point cette proportionnalité. Il suffit, en effet, de supposer deux arrondissements dont l'un compte 100.000 habitants et dont l'autre compte 1C0.002 habitants; le premier nommera un député, le second en nommera deux; le député nommé par le premier représentera 100.000 habitants, les deux députés nommés par le second représenteront chacun 50.001 habitants. On ne saurait justifier ce système en disant que la base de la représentation doit eire non seulement la population, mais les unités sociales. En effet, les arrondissements sont des divisions tout à fait artificielles et ne peuvent point servir de base à une représentation électorale.

Sur la question du scrutin de liste ou du scrutin uninominal et les variations de notre législation sur ce point, cf. § 57.

Durée du mandat. Les députés sont élus pour quatre ans et la chambre se renouvelle intégralement tous les quatre ans (L. 30 novembre 1875, art. 15).

La loi du 22 juillet 1893 avait décidé exceptionnellement que les pouvoirs de la chambre élue en août-septembre 1893 seraient prorogés jusqu'au 31 mai 1898. Cette loi avait pour but de faire que désormais les élections générales eussent lieu tous les quatre ans, en avril ou en mai, moment de l'année qui paraît le plus propice pour procéder aux opérations électorales.

Il a été souvent question d'établir le renouvellement partiel et biennal de la chambre. Les propositions de loi tendant à rétablir le scrutin de liste et la représentation proportionnelle dont la précédente chambre a été saisie, tendent à établir ainsi le renouvellement partiel (cf. supra, § 57 et rapports de M. Buyat et de M. Charles Benoist, J. off., doc. parl., chambre, sess. ord., 1905, p. 389 el 471). Dans une démocratie, le système du renouvellement partiel nous paraît inadmissible (cf. § 57).

On s'est demandé si la loi par laquelle le parlement prolongerait la durée d'une législature en cours serait une loi inconstitutionnelle.

A notre sens, il faut distinguer. Si la loi prolonge uniquement la durée de la législature en cours, elle est inconstitutionnelle, parce qu'elle est une loi spéciale et individuelle (cf. § 35). Si au contraire c'est une loi générale qui fixe une durée plus longue pour toutes les législatures futures et qui est déclarée applicable même à la législature en cours, elle est constitutionnelle : la situation de la chambre et la durée de la législature forment une situation de droit objectif qui peut certainement être toujours modifiée par une loi nouvelle, sans qu'on puisse y voir un effet rétroactif de la loi, une alleinte à des droits subjectifs. Mais il faut dire qu'une pareille loi serait profondément impolitique, puisqu'elle serait un véritable abus de confiance à l'égard du corps électoral.

En Angleterre. le Septennal act de 1716 fixa à sept années la durée de la législature fixée à trois ans par l'acte de 1694 et fut déclaré applicable au parlement même qui l'avait voté. L'Angleterre n'admettant pas le système des constitutions rigides, la queslion de constitutionnalité ne pouvait pas se poser. Mais trente et un pairs protest rent contre le bill et firent valoir contre lui l'argument suivant les députés ayant été élus pour une certaine durée par le corps électoral, si la chambre prolonge la durée de la législature. après l'expiration du délai pour lequel les députés ont été élus, ceux-ci ne peuvent plus être regardés comme nommés à vrai dire par le corps électoral, mais bien par la chambre elle-même. Cf. Dicey. Introduction au droit constitutionnel, édit. franç., 1902, p. 40 et suiv.

Convocation du corps électoral. Le corps électoral est convoqué par un décret du président de la république. L'intervalle entre le jour de la promulgation du décret et celui de l'élection doit être au moins de 20 jours (D. org. 2 février 1852, art. 4 et L. 30 novembre 1875, art. 5, § 1). Cette durée de 20 jours forme ce qu'on appelle la période électorale, pendant laquelle certaines exceptions sont faites au droit commun des réunions publiques, de l'affichage et du colportage (cf. supra, § 103).

Si le président de la république a seul pouvoir pour convoquer les électeurs à l'effet de nommer les députés, il n'a point toute liberté pour déterminer l'époque où il doit faire cette convocation, et le législateur a fixé certains délais dans lesquels doivent avoir lieu les élections et par conséquent par là même des délais dans lesquels doit être faite la convocation. Il faut distinguer les élections générales et les élections partielles.

Les élections générales, faites pour le renouvellement de la chambre à l'expiration de la législature, doivent avoir lieu dans les 60 jours qui précèdent l'expiration des pouvoirs de la chambre des députés. La loi du 30 novembre 1875 n'avait pas statué sur ce point et la règle a été posée par la loi du 16 juin 1885, art. 6. Ainsi les élections générales pour le renouvellement intégral de la chambre, parvenue à l'expiration de son mandat, ne peuvent pas avoir lieu avant les 60 jours qui précèdent la date de l'expiration de ce mandat; mais dans ces 60 jours, le gouvernement fixe la date qu'il veut, à la condition cependant que le recensement des votes qui suit le deuxième tour de scrutin puisse avoir lieu avant le jour de l'expiration des pouvoirs de la chambre renouvelée.

Au cas de dissolution, le délai dans lequel les collèges électoraux doivent être réunis est déterminé par l'art. 5, § 2 de la loi const. du 25 février 1875, modifié par la loi const. du 14 août 1884, art. 1 ainsi conçu «En ce cas (au cas de dissolution), les collèges électoraux sont réunis pour de nouvelles élections dans le délai de deux mois et la chambre dans les 10 jours qui suivront la clôture des opérations électorales », c'està-dire le deuxième tour de scrutin.

La loi de 1875 disait : « En ce cas (au cas de dissolution), les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois ». En 1877, après la dissolution prononcée par le maréchal de Mac-Mahon, le décret convoquant les électeurs pour le 14 octobre fut promulgué dans les trois mois de la dissolution qui avait été faite le 25 juin 1877; mais les élections du 14 octobre eurent lieu après l'expiration du délai de trois mois. On soutenait qu'il y avait là violation de l'art. 5, § 2 de la loi du 25 février 1875. Cf. rapport de M. H. Brisson lu à la séance de la chambre le 8 mars 1879. Comme à tout prendre la rédaction de la loi de 1875 prêtait à discussion, elle a été remplacée par la disposition précitée de 1884 qui est d'une clarté parfaite.

Au cas d'élection partielle par suite d'une vacance par démission, décès ou autrement, l'élection doit être faite dans le délai de trois mois à partir du jour où la vacance s'est produite (L. 30 novembre 1873, art. 16).

Mais il n'est point pourvu aux vacances qui surviennent dans les six mois qui précèdent le renouvellement de la chambre. Par exemple la chambre arrivant à l'expiration de ses pouvoirs le 31 mai 1906, il n'a pas été pourvu aux vacances survenues postérieurement au 30 novembre 1905.

107. Prohibition des candidatures multiples. -La règle seule conforme au principe démocratique et à la liberté électorale, c'est que tout citoyen puisse être candidat dans toutes les circonscriptions que bon lui semble, et que les électeurs puissent voter pour tout citoyen qu'il leur plait choisir, alors même qu'il n'ait pas fait acte de candidature. Cependant la loi du 17 juillet 1889 prohibe les candidatures multiples, contrairement à ce principe.

Les lois électorales de la Restauration et de la monarchie de juillet avaient elles-mêmes respecté le principe. Il va sans dire que les lois électorales de la Révolution, la grande loi électorale du 15 mars 1849 et la loi organique du 30 novembre 1875 l'avaient aussi respecté. Le député élu dans plusieurs circonscriptions devait faire connaitre son option dans les 10 jours qui suivaient la validation de ces élections (D. org. 2 février 1852, art. 7. A défaut d'option, la question devait être réglée par tirage au sort en séance publique (L. 15 mars 1849, art. 91). Au cas d'option, il devait être pourvu à la vacance dans le délai d'un mois (L. 30 novembre 1875, art. 16). Seul le second empire avait porté une restriction à la liberté des candidatures et à la liberté de choix des électeurs. Pour éviter le retour d'incidents provoqués par le refus de serment opposé par plusieurs députés républicains élus aux dernières élections, le sénatusconsulte du 17 février 1858 édicta la prohibition suivante : « Nul ne peut être élu député au corps législatif, si huit jours au moins avant l'ouverture du scrutin, il n'a déposé soil en personne, soit par un fondé de pouvoirs en forme authentique, au secrétariat de la préfecture du département dans lequel se fait l'élection, un écrit signé de lui, contenant le serment formulé dans l'art. 16 du sénatusconsulte du 25 décembre 1852... Il en est donné récépissé ».

La troisième république a suivi l'exemple du second empire. Sans doute elle n'exige point un serment préalable; mais par la loi du 17 juillet 1889, elle a cru devoir apporter une atteinte directe à la liberté des candidatures et à la liberté électorale. Cette loi a été provoquée par le mouvement boulangiste et a eu pour but d'éviter que le général Boulanger ne se fit élire dans plusieurs

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