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concerne les fonctionnaires soumis pour la pension à la loi du 22 août 1790, à raison de 1/30, par année de service, de la pension qui aura été liquidée à son profit pour 30 ans de service.

Pour les sénateurs, la situation est réglée un peu différemment par l'article unique, § 2 de la loi du 26 décembre 1887: tout sénateur qui compte vingt ans de services et cinquante ans d'âge à l'époque de l'acceptation de son mandat peut faire valoir ses droits à une pension de retraite proportionnelle, et cette pension de retraite est alors calculée sur les mêmes bases que celle du fonctionnaire élu député, dans l'hypothèse qu'on vient d'indiquer, et cela par application de l'art. 29, § 2 de la loi de finances du 29 mars 1897. Cons. Delpech, Revue du droit public, 1906, p. 515.

L'art. 10, dernier paragraphe de la loi de 1875 stipule que les fonctionnaires, pour lesquels le grade est distinct de l'emploi, conservent le grade et ne perdent que l'emploi par l'acceptation du mandat législatif. Les fonctionnaires civils pour lesquels existe cette distinction sont très rares. On ne peut guère citer que les fonctionnaires de l'ordre diplomatique, et encore la chose n'est-elle pas certaine. La distinction n'existe véritablement que pour les officiers; or on sait qu'ils sont inéligibles. Cf. §§ 66-68.

Supposons qu'un fonctionnaire, dont les fonctions sont compatibles avec le mandat législatif, soit élu député ou sénateur. Il conserve sa fonction et exerce son mandat. Peut-il cumuler son traitement de fonctionnaire et son indemnité de député ou de sénateur? Jusqu'en 1903, il y avait une différence entre le député et le sénateur. En vertu de l'art. 17 de la loi du 30 novembre 1875 combiné avec la loi du 16 février 1872, le député fonctionnaire ne pouvait pas cumuler son traitement et son indemnité. Comme la loi du 2 août 1875 ne contenait aucune disposition semblable pour les sénateurs, on décidait que le fonctionnaire sénateur pouvait cumuler son traitement et son indemnité. En ce sens arrêt du conseil d'Etat 2 novembre 1877, de Bastard. Cette différence entre les députés et les sénateurs avait été très souvent critiquée à la chambre; en 1887, au moment où fut votée la loi du 26 décembre 1887, la chambre voulut assimiler les sénateurs aux députés à cet égard. Mais le sénat ne la suivit pas. Après une nouvelle tentative en 1902, l'assimilation a été enfin réalisée par la loi de finances du 31 mars 1903 qui contient un art. 103 ainsi conçu: L'indemnité que reçoivent les sénateurs est réglée par les art. 96 et 97 de la loi du 15 mars 1849 et par les dispositions de la loi du 16 février 1872 ». Disposition identique à celle du § 2 de l'art. 17 de la loi du 30 novembre 1875, visant les députés. L'art. 96 de la loi du 15 mars 1849 fixe à 9.000 fr. l'indemnité et la déclare « incompatible avec tout traitement d'activité, de non activité ou de disponibilité ». Et d'après la loi du 16 février 1872, tout fonctionnaire député ou sénateur touche son indemnité parlementaire. Si son traitement est inférieur ou égal à cette indemnité, il n'en louche rien; s au contraire il est supérieur

à son indemnité, il touche la somme qui représente cet excédent. Ainsi le fonctionnaire député ou sénateur ne cumule pas son trailement et son indemnité, mais il touche la somme la plus forle (L. 16 février 1872, art. 1-3).

Outre les incompatibilités généra

Incompatibilités spéciales. les résultant de fonctions publiques, le législateur a établi certaines incompatibilités tout à fait spéciales et d'ailleurs peu justifiées.

Aux termes de l'art. 3, § 3 de la loi du 8 juillet 1898 approuvant une convention passée avec la Compagnie transatlantique pour l'exploitation du service postal du Havre à New-York, les personnes élues sénateurs ou députés et faisant partie du conseil d'administration ou de surveillance de la société concessionnaire doivent, dans les huit jours qui suivent la vérification de leurs pouvoirs, opter entre l'acceptation du mandat parlementaire et la conservation de leur mandat; à défaut d'option, elles sont de plein droit déclarées démissionnaires par l'assemblée à laquelle elles appartiennent. La même loi (art. 3, § 2) décidait que les sénateurs et députés, membres du conseil d'administration ou de surveillance de la compagnie concessionnaire au moment de la promulgation de la loi, devaient opter dans les deux mois, faute de quoi ils seraient considérés comme démissionnaires. Nous ne voyons aucune raison sérieuse justifiant cette incompatibilité.

L'art. 3 de la loi du 17 novembre 1897, portant prorogation du privilège de la banque de France, porte que « les fonctions de gouverneur et de sous-gouverneur de la banque de France sont incompatibles avec le mandat législatif ». Ici non plus aucune raison sérieuse ne justifie cette incompatibilité. Dans la séance du 12 juilJet 1906, la chambre des députés a voté l'urgence d'une proposition de M. J. Coutant tendant à interdire le cumul du mandat parlementaire avec la qualité de directeur d'une société financière ou industrielle subventionnée par l'Etat.

Le mandat de sénateur et celui de député sont évidemment incompatibles. Mais un député peut poser sa candidature au sénat et un sénateur sa candidature à la chambre sans démission préalable. Il est de jurisprudence constante qu'un député élu sénateur ou un sénateur élu député n'est pas obligé de faire connaître le mandat qu'il veut exercer avant que sa nouvelle élection ait été validée, qu'ainsi un député élu sénateur peut continuer à siéger à la chambre jusqu'à ce qu'il ait été validé comme sénateur et réciproquement. Mais le député élu sénateur, s'il avait fait acte de sénateur avant d'être validé, ne pourrait pas revenir siéger à la chambre, ni réciproquement le sénateur, qui aurait fait acte de député avant sa validation, revenir siéger au sénat.

Cf. Pierre, Droit politique et parlementaire, 2o édit., 1902, p. 323; Moreau, Revue du droit public, 1902, p. 326, à propos du cas de M. le député Million élu sénateur le 9 juillet 1899.

Il faut noter que dans sa séance du 24 mars 1906, le conseil des

ministres a décidé que les fonctionnaires qui seraient candidats aux élections de mai 1906, seraient mis en congé sans traitement dès l'ouverture de la période électorale (Le Temps, 25 mars 1906).

B. Situation des membres du parlement.

111. Caractères généraux de cette situation. On a montré aux §§ 52 et 53 que le membre du parlement n'est point, dans la conception française moderne, mandataire de la circonscription qui l'a élu, qu'il est simplement partie composante de cet organe. appelé parlement, qui est un organe représentatif de la souveraineté nationale. Le membre du parlement n'a donc pas de pouvoir qui lui soit propre. On dit souvent qu'il est un fonctionnaire, et l'expression n'est pas inexacte, puisque le membre du parlement concourt d'une façon normale et permanente à l'exercice d'une fonction de l'Etat. Mais quoique fonctionnaire, le membre du parlement n'est pas investi d'une compétence personnelle; il concourt seulement à former la décision émanant du parlement.

C'est d'ailleurs une question très intéressante de savoir s'il existe une volonté du parlement distincte des volontés individuelles concourantes, ou si ce qu'on appelle volonté du parlement est tout simplement la somme des volontés individuelles formant la majorité parlementaire. La question ne se pose pas d'ailleurs seulement pour le parlement, mais pour toutes les assemblées délibérantes. M. Jellinek estime qu'il existe une volonté propre des assemblées délibérantes ayant une réalité distincte des volontés individuelles composantes. Il y voit un exemple du phénomène juridique qu'il appelle la Vereinbarung, c'est-à-dire le concours de deux ou plusieurs volontés ayant un même objet, déterminées par un même but el donnant ainsi naissance à une volonté nouvelle distincte des volontés individuelles qui concourent à la former (Jellinek, System der öffentlichen subjektiven Rechte, 2e édit., 1905, p. 204 et suiv.). M. Hauriou exprime une idée analogue quand il dit que les assemblées délibérantes ont une volonté déterminée par la majorité des voix (Droil administratif, 4 édit., 1900, p. 374; rapp. Notes dans Sirey, 1899, III, p. 145, et 1901, III, p. 4). V. aussi Gierke, Genossenschafstheorie, 1887, p. 683.

L'existence de cette volonté collégiale distincte des volontés individuelles nous paraît bien problématique. Rien ne prouve que le

concours de plusieurs volontés individuelles, voulant une même chose et déterminées par un même but, donne naissance à une volonté collégiale distincte des volontés individuelles qui la composent. En tous cas, admettrait-on l'existence de cette volonté collégiale, il ne faudrait pas en conclure, comme semblent le faire les auteurs précédemment cités et notamment M. Hauriou, que les chambres ont chacune une véritable personnalité juridique.

Les membres du parlement n'ayant pas de compétence personnelle, étant parties composantes de la chambre à laquelle ils appartiennent, ne peuvent perdre leur qualité de membres du parlement qu'avec le consentement de la chambre dont ils font partie. Cette proposition reçoit d'importantes applications au cas de démission et au cas de déchéance.

Démission. Il est de principe qu'une démission donnée par un membre du parlement ne produit d'effet qu'au moment où elle a été acceptée par la chambre dont fait partie le démissionnaire. Le principe est formulé par la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, art. 10 in fine: « Elle (chaque chambre) peut seule recevoir leur démission » (de ses membres). Le règlement du sénat est muet sur les démissions. Au règlement de la chambre, on lit : « Les démissions sont adressées au président de la chambre qui en envoie immédiatement copie au ministre de l'intérieur ».

La chambre, dont un membre donne sa démission, peut surseoir à l'accepter ou la refuser. Le sénateur ou le député dont la démission est acceptée devient immédiatement étranger à la chambre et doit sortir de la salle. Cependant, les propositions qu'il a déposées ne deviennent point caduques.

Poussant jusqu'à l'extrême les conséquences du principe que le député est absorbé par le parlement, le droit anglais décide qu'un membre de la chambre des communes une fois admis ne peut plus donner sa démission. Pour tourner la règle un député qui veut se retirer du parlement se fait nommer à une fonction publique sans importance, comme la traditionnaliste Angleterre en a conservé beaucoup; ainsi il cesse d'être député suivant la règle d'après laquelle toute nomination à une fonction publique entraîne la perte du mandat législatif. Cf. Jèze, Revue du droit public, 1905, p. 827. Déchéance.

On suppose que, au cours de son

mandat, un député ou un sénateur est frappé d'une déchéance qui le rend inéligible (cf. § 110). Perd-il de plein droit son mandat? Non. Il ne cesse d'être député ou sénateur qu'au moment où la chambre à laquelle il appartient l'a expressément déclaré déchu.

Le principe à cet égard est formulé par l'art. 28 du décret organique du 2 février 1852 reproduisant l'art. 80 de la loi du 15 mars 1849 : « Sera déchu de la qualité de membre du corps législatif tout député, qui, pendant la durée de son mandat, aura été frappé d'une condamnation emportant la privation du droit d'être élu. La déchéance sera prononcée par le corps législatif sur le vu des pièces justificatives ». Cette disposition, qui ne vise expressément que le corps législatif, s'applique évidemment au sénat. Elle ne parle que des condamnations emportant privation du droit d'être élu; il faut l'appliquer incontestablement à toutes les causes entraînant perte de l'éligibilité. Cette règle est la conséquence directe du principe formulé plus haut; un membre d'une chambre ne peut cesser de faire partie de cette chambre que par la volonté de celle-ci. D'autre part, aux termes de l'art. 10 de la const. du 16 juillet 1875, chaque chambre est juge de l'éligibilité de ses membres. Par conséquent chaque chambre est seule compétente pour juger si effectivement existe une condamnation ou une autre cause faisant perdre à un de ses membres l'éligibilité.

La chambre des députés a eu l'occasion de prononcer la déchéance de deux de ses membres le 4 mars 1901; il s'agissait de M. Paul Déroulède et de M. Marcel Habert, condamnés au bannissement par la haute cour de justice.

A cette séance du 4 mars 1901, M. Piou soutint que la chambre ne pouvait point prononcer ces déchéances parce que et l'art. 80 de la loi du 15 mars 1849 et l'art. 28 du décret org. du 2 février 1852 se trouvent aujourd'hui abrogés. Il raisonnait ainsi : le titre IV de la loi du 15 mars 1849 qui contient l'art. 80 a été déclaré applicable à l'Assemblée nationale par le décret du 29 janvier 1871, qui a rendu ainsi inapplicable l'art. 28 du décret de 1852; mais ce décret du 29 janvier 1871 a été abrogé par l'art. 22, § 3 de la loi du 30 novembre 1875; il ne reste donc ainsi aucun texte en vigueur permettant à la

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