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constitutionnelle. En fait la proposition Gouzy fut repoussée par 286 voix contre 278 (Chambre, 2e séance, 19 décembre 1904).

Le gouvernement a aussi le droit d'ajourner les chambres (L. const. 16 juillet 1875, art. 2, § 2). Ce droit n'existe, à vrai dire, que pour les sessions ordinaires. Pour les sessions extraordinaires il n'aurait pas sa raison d'être, puisque le gouvernement peut en prononcer la clôture quand bon lui semble. Pour les sessions ordinaires, ce droit d'ajournement n'a aussi de raison d'être que lorsqu'elles n'ont pas encore duré cinq mois; car après l'expiration des cinq mois le gouvernement peut toujours prononcer la clôture. L'ajournement prononcé par le président de la république ne peut excéder le terme d'un mois, et il ne peut avoir lieu plus de deux fois dans la même session. Ainsi les chambres ne peuvent être ajournées pour une durée supérieure à deux mois. Le temps de l'ajournement prononcé par le président de la république doit être déduit de la durée minima de cinq mois de toute session ordinaire. Le président de la république ne pourrait pas proroger les chambres, c'est-à-dire suspendre leur réunion pour une durée indéterminée. La loi ne donne que le droit d'ajournement; donc le droit de prorogation n'existe pas (L. const. 16 juillet 1875, art. 2, § 2; rap. l'art. 5 de la loi const. du 25 février 1875, qui donne au président de la république le droit de dissoudre la chambre des députés avec le concours du sénat). Cf. infra, § 137. Règle générale et essentielle. - «La session de l'une (des chambres) commence et finit en même temps que celle de l'autre » (L. const. 16 juillet 1875, art. 1, § 2). Cette règle très importante est la conséquence directe et logique de l'unité du parlement, existant malgré la dualité des chambres. Il y a deux chambres; mais il n'y a qu'un parlement. Ce ne sont pas, à vrai dire, les chambres qui sont en session; c'est le parlement. D'où il suit qu'une chambre ne peut être en session sans que l'autre le soit. En vertu de cette

règle, la durée minima de cinq mois de session ordinaire existe pour les deux chambres; le président de la république ne peut convoquer une chambre sans convoquer l'autre, ne peut clôturer l'une sans clôturer l'autre, ne peut ajourner l'une sans ajourner l'autre. Mais comme les congés que s'accordent les chambres elles-mêmes n'interrompent point la session, les chambres peuvent s'accorder des congés différents, sans que la règle précédente soit violée. En fait, le plus souvent, les chambres s'accordent les mêmes congés, par exemple aux vacances de Pâques; mais il n'y a la rien de nécessaire, et il est arrivé parfois, notamment aux vacances de Pâques de 1896, qu'une chambre (en 1896, la chambre des députés) s'ajournait pour une durée plus longue que l'autre chambre. Le décret de clôture ou d'ajournement doit donc être lu aux deux chambres le même jour; mais il n'est pas indispensable, et il est même impossible qu'il soit lu à la même minute. Lorsque le décret a été lu à une chambre et que celle-ci s'est déjà séparée, l'autre chambre peut siéger encore quelques heures pour expédier les affaires courantes. Toutefois le président a le droit de refuser la parole à tout le monde dès qu'il est averti que l'autre chambre est séparée. Cf. déclarations de M. Tirard, président du conseil, et de M. Humbert, vice-président du sénat, 15 juillet 1889; Pierre, loc. cit., p. 558.

La règle de l'unité de session, quelque importante et quelque logique qu'elle soit, subit deux exceptions. Il est vrai que la seconde n'est pas à vrai dire une exception.

La première exception est relative au cas de dissolution de la chambre des députés. « Dans le cas où, par application de l'art. 3 de la loi du 25 février 1875, la chambre des députés se trouverait dissoute au moment où la présidence de la république deviendrait vacante, les collèges électoraux seraient aussitôt convoqués et le sénat se réunirait de plein droit » (L. const. 16 juillet 1875, art. 3, § 4). On voit aisément quelle a été la pensée du législateur constituant. Au cas de vacance de la présidence de la république, le conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif

jusqu'à l'élection du nouveau président (L. const., 25 février 1875, art. 7 § 2). Si la vacance de la république survient à un moment où la chambre des députés se trouve dissoute, l'interrègne présidentiel peut avoir une durée relativement longue, puisque le nouveau président de la république ne pourra être nommé que lorsque la chambre des députés aura été élue et se sera constituée. Le législateur constituant très sage n'a pas voulu que pendant ce temps, qui ne sera pas moindre de quinze jours (puisque par suite des ballottages, les opérations électorales prennent deux semaines), le conseil des ministres pût exercer, sans contrôle, le pouvoir exécutif qui lui appartient en pareil cas. Aussi décide-t-il que dans cette hypothèse le sénat se réunira de plein droit et exercera naturellement un contrôle sur le conseil des minis

tres.

Le sénat devra alors se borner à contrôler et à surveiller le conseil des ministres; jusqu'à la réunion de la chambre des députés, il n'aura qu'un pouvoir d'intérim et ne pourra faire aucun acte législatif. Cf. en ce sens le rapport de M. Laboulaye, sur la loi du 16 juillet 1875, Annales de l'Assemblée nationale de 1875, XXXVIII, annexes, p. 221.

Le second cas où le sénat peut se réunir sans que la chambre soit en session est celui où le sénat est réuni comme cour de justice (L. const. 16 juillet 1875, art. 4; rapp. L. 24 février 1875, art. 9 et L. 16 juillet 1875, art. 12). Cf. infra, § 132. Quand le sénat est constitué en haute cour de justice, il cesse d'être une assemblée politique, pour devenir une cour de justice. Il est donc très logique qu'il puisse s'assembler en dehors d'une session parlementaire et sans que la chambre soit réunie. Il n'y a point là véritablement d'exception à la règle de l'unité de session. Mais il va de soi que le sénat constitué en haute cour de justice et assemblé en dehors d'une session parlementaire ne pourra exercer que ses attributions judiciaires et non point ses attributions politiques. Cela est dit d'ailleurs expressément à l'art. 4 in fine de la loi du 16 juillet

1875: « Dans ce dernier cas, il (le sénat) ne peut exercer que des fonctions judiciaires ».

Rien ne s'oppose d'ailleurs à ce que la réunion du sénat comme cour de justice coïncide avec une session ordinaire ou extraordinaire du parlement. C'est ce qui a eu lieu aux mois de novembre et de décembre 1899, au mois de février 1900 et au mois de juin 1901. Alors le sénat peut alterner ses séances; mais évidemment il ne peut pas lenir une séance où il serait en même temps assemblée législative et cour de justice.

Sanction des règles relatives aux sessions des chambres. Elle est indiquée à l'art. 4 de la loi const. du 16 juillet 1875 dans les termes suivants : « Toute assemblée de l'une des deux chambres qui serait tenue en dehors du temps de la session commune est illicite et nulle de plein droit sauf le cas... » Donc si les deux chambres ou l'une d'elles se réunissaient contrairement aux règles précédemment indiquées, le président de la république devrait prendre un décret déclarant cette réunion illicite et nulle, et pourrait incontestablement faire disperser par la force publique, dont il dispose d'après l'art. 3, § 3 de la loi du 25 février 1875, ces assemblées factieuses. Le droit du gouvernement reste d'ailleurs entier de faire poursuivre pour crime d'attentat à la sûreté de l'Etat les députés ou sénateurs qui auraient provoqué ces réunions.

Il est vrai qu'aux termes de l'art. 5, §§ 2 et 3 de la loi du 22 juillet 1879, les présidents des chambres ont le droit de requérir directement la force armée, réquisition qui peut être adressée directement à tous officiers, commandants... Il est incontestable que la réquisition adressée à la force armée par le président d'une chambre assemblée illégalement serait nulle. Mais si, comme on le soutient dans une théorie qui a des partisans nombreux et qui paraît même actuellement celle du gouvernement (cf. Ja circulaire du ministre de la guerre, Le Temps. 6 avril 1906), les commandants militaires n'ont jamais le droit d'apprécier la légalité des réquisitions à eux adressées en la forme légale par les autorités civiles, la force armée requise par le président de l'assemblée factieuse sera obligée d'intervenir pour lutter contre la force armée envoyée par le président de la république pour dissoudre cette assemblée factieuse. C'est la guerre civile dérivant en quelque sorte d'un texte de loi, l'art. 5 de la loi du 22 juillet 1879 et de ce qu'on

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matière correctionnelle, établi par l'art. 182 C. instr. crim. L'inviolabilité s'applique à toutes les infractions qualifiées crimes ou délits. L'art. 14 porte: «<en matière criminelle ou correctionnelle ». Elle ne s'applique point aux contraventions de police. Il y a là une règle tout à fait exceptionnelle qu'il faut interpréter restrictivement; or le texte ne parle que des crimes et délits. D'ailleurs cela se conçoit; les poursuites en matière de contravention ne sont jamais assez graves pour qu'elles puissent porter atteinte à l'indépendance des députés.

En 1892, en cours de session, deux députés ont été cités en simple police. M. Floquet, alors président de la chambre, a déclaré à M. le garde des sceaux Ricard que ces citations lui paraissaient contraires aux immunités parlementaires. Le garde des sceaux fit des réserves sur le point de droit; mais cependant il fit suspendre les poursuites. De même en 1904, sur la demande du président de la chambre, le garde des sceaux a ordonné la suspension jusqu'à la fin de la session d'une poursuite en simple police dirigée contre un député. Cl. Pierre, loc. cit., p. 1229 et Supplément, 1906, p. 477. Flagrant délit. L'inviolabilité judiciaire n'existe pas lorsqu'il y a flagrant délit. Il faut considérer qu'il y a flagrant délit et que, par conséquent l'immunité est supprimée dans tous les cas qui sont indiqués par l'art. 41 du code d'inst. crim. : le délit se commet ou vient de se commettre; le prévenu est poursuivi par la clameur publique; le prévenu est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin du délit. Lorsqu'il y a flagrant délit, l'inviolabilité parlementaire, à notre avis, cesse complètement; le droit commun reprend son empire; le député, présumé auteur du flagrant délit, peut être poursuivi et arrêté comme s'il n'était pas député; il n'y a point lieu de demander à la chambre une autorisation quelconque, et celle-ci ne peut requérir la suspension ni de la détention ni de la poursuite. Ces solutions nous paraissent incontestables devant le texte de l'art. 14 qui excepte sans aucune réserve le

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